Somme toute encore hermétique, l'impression 3D va bouleverser bon nombre de paradigmes existants au sein de la Défense sous réserve que cette dernière se montre désormais proactive. La rupture technologique engendrée par le développement fulgurant de l'Internet a fait de ce réseau le héraut d'une  troisième - ou presque - révolution industrielle. Dans le sillage de cet extraordinaire développement, l'impression 3D émerge avec la promesse d'ouvrir de nouveaux horizons. Les progrès de l'impression 3D civile rendent tout particulièrement légitime une réflexion militaire dans ce domaine. A l'instar de la médecine, de l'aéronautique civile, de l'industrie, la Défense a le devoir d'étudier le potentiel extraordinaire porté par cette technologie novatrice.

Des recherches depuis trois décennies

Ayant récemment défrayé la chronique, des images pour le moins inédites d'un homme utilisant un pistolet conçu entièrement en impression 3D ont été diffusées sur différents supports. La véracité de cette information a été contestée et a fait l'objet de polémiques tant elle semblait surréaliste. Cette conception d'une arme par impression 3D était pourtant une histoire bien réelle. A grand renfort de couvertures médiatiques, un plus large public a ainsi découvert l'impression 3D. Cette technologie loin d'être récente fait l'objet de recherche depuis déjà trois décennies. Inventée par l'américain Charles W. Hull, l'impression 3D avait pour objectif premier de créer de petites pièces de plastique destinées à équiper des prototypes. Loin de ses balbutiements initiaux, cette technologie bien que devant gagner encore en maturité, montre désormais un extraordinaire potentiel.

La prospective, impérieux devoir de la Défense...

La société Airbus utilise d'ores et déjà la technologie de l'impression 3D afin de concevoir certaines des pièces équipant ses avions. De même, la Nasa souhaiterait concevoir à moyenne échéance des pièces pour ses véhicules spatiaux. Il est dès lors aisé d'imaginer dans un cadre prospectif des équipements militaires fabriqués avec des pièces imprimées en 3D. Les militaires sont en perpétuelle quête de réduction de poids, d'amélioration de la résistance, et de furtivité accrue de leurs matériels.

Des avions de combat plus légers

Permettant la conception de pièces en matières diverses et à la géométrie autrefois inaccessible, l'impression 3D offre dès lors une réponse crédible et novatrice. Des matières composites nouvelles aux caractéristiques mécaniques évoluées révolutionneraient ainsi l'industrie d'armements. Des avions de combats plus légers, plus robustes et moins énergivores permettant ainsi un emport plus important d'armements et/ou de capteurs pourraient voir le jour. De même, des chars moins lourds, toujours aussi robustes et pouvant parcourir des distances plus importantes seraient susceptibles d'apparaître sur les théâtres. Des bateaux pourraient être conçus en matériau permettant une meilleure furtivité. Ces quelques exemples montrent les bénéfices que pourrait apporter l'impression 3D.

La logistique complexe des opérations extérieures... allégée par l'imprimante 3D ?

Le soutien technique et la logistique associée aux équipements militaires sont d'une importance cruciale lors des opérations extérieures. La réactivité exigée par les opérations et la répartition des stocks de pièces nécessitent régulièrement une logistique de gestion de flux à fortes élongations. Cette logistique est par conséquent complexe et couteuse. La possibilité de concevoir certaines pièces directement sur la zone de mission engendrerait une économie financière et humaine conséquente. Une réactivité encore jamais égalée serait atteinte. La disponibilité des équipements s'en trouverait dopée. Dans une même logique de réactivité, il n'est pas rare de concevoir des équipements sur mesure permettant d'assurer des missions en cours. Ces besoins font dès lors l'objet de programmes accélérés et prioritaires initiés par la Direction générale de l'armement (DGA), les « crashs programs ».

Diminuer l'empreinte carbone

L'impression 3D pourrait répondre à ces besoins opérationnels urgents. En effet, des études pourraient être menées à l'arrière débouchant sur la modélisation informatique de pièces. Cette même modélisation serait transmise par liens satellitaires et matérialisée par impression 3D directement sur les théâtres extérieurs. Un rêve pour le personnel déployé en opération !
L'impression 3D pourrait contribuer à la préservation de l'environnement en diminuant drastiquement une logistique devenue dès lors obsolète. La Défense soucieuse depuis plusieurs années de réduire son empreinte écologique pourrait ainsi trouver en l'impression 3D une alliée de choix. En effet, cette dernière réduirait de manière conséquente son empreinte carbone inhérente à la logistique et diminuerait sa quantité de déchets.

Prothèses sur mesure, cellules souches assemblées grâce aux imprimantes

Outre ce versant technique et logistique, l'humain est au centre des missions militaires. Les hommes et les femmes servant les forces et ayant été blessés au combat pourraient bénéficier également de cette nouvelle technologie. En effet, des prothèses sur mesure pourraient être créées pour les soldats blessés notamment amputés. Conjointement, des études et essais récents font également apparaître une voie biologique à l'impression 3D. Ainsi, des études sur l'impression de tissus humains voire d'organes ont été menées. Les soldats brulés pourraient voir leur peau recréée grâce à la culture de cellules souches et à leur assemblage via l'impression 3D. Que cela soit biologique ou mécanique, l'impression 3D pourrait être un miraculeux outil de régénération des combattants.

Cinq ans pour atteindre une certaine maturité

Albert Einstein suggérait que « l'imagination est plus importante que la connaissance. La connaissance est limitée alors que l'imagination englobe le monde entier, stimule le progrès, suscite l'évolution ». La Défense doit faire sienne cette assertion.

Très intéressée par cette technologie, la Direction Générale à l'Armement (DGA)  estime à cinq années le temps nécessaire pour que cette technologie devienne suffisamment mûre. Cet organisme suit de très près les progrès effectués dans ce domaine. Pour exemple, la DGA a dévoilé l'une de ses réflexions sur la fabrication par impression 3D des contours de visage pour les masques à gaz. La Défense devra accentuer ses prospectives afin de saisir les opportunités qu'offre ce nouvel outil. Ce véritable virage industriel est mené tambour battant dans le monde civil. La Défense devra accélérer la recherche et le développement sur l'impression 3D sous peine de n'être que spectatrice d'une révolution industrielle annoncée.

Une source de progrès essentielle

Outre la DGA, les états-majors et grands commandements devront être associés rapidement à ce sujet. En effet, qui mieux que les utilisateurs connaissent les plus-values que pourraient leur apporter l'impression 3D. Des groupes d'étude pourront être créés afin de mener des réflexions sur la définition du potentiel de l'impression 3D pour la Défense, l'impact sur les organisations et l'évaluation des limites et contraintes (impact de la sécurité des systèmes d'information et également contrainte lié au droit intellectuel).
La Défense ne peut plus rester timorée au risque de passer à côté d'une source de progrès non négligeable. A l'heure où les lignes de cet article sont rédigées, dix maisons ont été entièrement construites en Chine par impression 3D en 24 heures. Des voitures sont construites à Chicago aux Etats-Unis sur le même principe. Il y a peu, l'US Navy a franchi le cap en embarquant une imprimante 3D sur l'USS Essex. L'heure n'est plus au scepticisme mais à l'action. Une feuille de route ambitieuse sur l'intégration de l'impression 3D au sein de la Défense devra être rédigée dans les meilleurs délais. L'innovation et le « penser autrement », leitmotivs des armées, prennent ici tout leur sens.