Chine, cinquante nuances de rouge !

La Chine a retrouvé l'an dernier sa position historique de première puissance économique mondiale. Mais saura-t-elle faire face aux défis qui lui restent à relever ? Par Philippe Mabille, directeur de la rédaction de La Tribune.
L'Asie est entrée jeudi 19 février dans l'année de la Chèvre dans un concert de feux d'artifice et de pétards entendu de Pékin à Singapour.

Rouge, comme la Chine de Xi Jinping, un président qui mène son pays à la baguette, tel un nouveau Mao, et engage une lutte implacable contre la corruption dans un pays qui vient de générer le plus grand nombre de milliardaires en Asie. Une Chine qui fête le 19 février son nouvel an pour entrer dans l'année de la «Chèvre de bois» et que l'on aurait tort d'oublier, à force de nous focaliser sur l'Europe, épicentre de l'instabilité mondiale.

Rouge comme la Chine donc, qui a retrouvé l'an dernier sa position historique de première puissance économique mondiale, dans un classement du FMI par parité de pouvoir d'achat, c'est-à-dire en tenant compte de la valeur relative des monnaies. En terme nominal, la puissance chinoise est plus relative : elle ne pèse que 40 % du PIB américain, pour une population plus de quatre fois supérieure. Une ascension inévitable, après dix ans de croissance à deux chiffres depuis l'entrée de l'Empire du milieu dans l'OMC, en 2001, mais qui intervient plus tôt que ne l'avaient prédit les meilleurs experts. Ce «Grand Bond en avant» de la Chine connaît certes un essoufflement, avec une croissance qui atterrit autour de 7 % l'an. Mais si, au prix semble-t-il d'une petite manipulation statistique, l'Inde du Premier ministre Narendra Modi a pris l'an dernier le dessus, avec une croissance réévaluée à 7,4 % (7,3 % en Chine), nul ne peut contester que l'économie chinoise est devenue l'un des principaux moteurs de la croissance mondiale (en gros, le tiers).

Ce basculement vers la nouvelle superpuissance du Pacifique qui va de l'est de l'Afrique à l'ouest de l'Amérique est le fait économique majeur de la décennie. Tout laisse entendre qu'il va croître et prospérer, et bouleverser les équilibres du monde. La Chine où notre Premier ministre Manuel Valls vient de faire une visite pour réclamer un rééquilibrage de notre balance commerciale, très défavorable, va ainsi être au centre du jeu dès cette année, avec deux rendez-vous incontournables : la conférence climat COP21 de Paris, en décembre, où sera recherché un accord international contraignant sur la lutte contre le réchauffement climatique. Une signature de la Chine est à ce stade très peu probable, même si le pays aux villes hyperpolluées a pris conscience de ses défis et de ses responsabilités en signant un accord bilatéral sur le sujet avec les États-Unis.

Le président chinois, qui doit faire une visite d'État aux États-Unis cette année, pour apaiser les tensions sur la cybersécurité notamment, sera aussi en 2016 l'hôte du G20 dont la Chine assurera pour la première fois la présidence. C'est plutôt une bonne nouvelle, car nous avons besoin d'une Chine impliquée dans les affaires du monde. Mais c'est aussi un symbole fort du déplacement du centre de gravité vers cette région Asie-Pacifique.

Et, à voir agir les dirigeants chinois qui exercent actuellement sous la houlette du président Xi une reprise en main autoritaire dans un pays qui n'est pas vraiment «Charlie» en termes de libertés publiques, cela laisse présager aussi une Chine bien plus revendicative dans le concert mondial. Le banquier du monde réclame depuis plusieurs années la direction générale du FMI, se montre de plus en plus agressif sur ses frontières et sa zone d'influence économique. S'il se garde bien, pour l'instant, de visées impériales ou impérialistes au sens américain, c'est plus par habileté diplomatique et pour servir les intérêts de ses entreprises, qui investissent partout (en France dans PSA avec Dongfeng et dans l'aéroport de Toulouse), que par manque d'ambition.

Déterminé à faire bouger son pays, Xi JinPing jouera un rôle décisif dans les années à venir. Ce réformiste autoritaire représentant de la cinquième génération des «Princes rouges», considère que face aux défis qui attendent son pays, seule une hyperconcentration du pouvoir et la réaffirmation du rôle central du Parti communiste permettra d'avancer. Pour la première fois depuis Mao, le rouge est de nouveau de mise en Chine : lutte des classes, dictature du prolétariat, le tout sur fond de montée du nationalisme face aux « menaces extérieures». Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la Chine rouge de Xi JinPing se rapproche de la Russie de Poutine, exsangue financièrement.

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Commentaires 3
à écrit le 23/02/2015 à 18:08
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Pout info, l'ocean qui baigne l'est de l'Afrique est l'Ocean Indien et non Pacifique!

à écrit le 23/02/2015 à 17:20
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Assurément. Elle est beaucoup mieux dirigée que les USA et ne va pas se méler de n'importe quoi avec n'importe qui comme avec les USA.

à écrit le 23/02/2015 à 15:36
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J'habite en Chine et croyez-moi la Chine est loin d'être la première puissance mondiale dans l'absolu. La croissance à 7% est plutôt à 5% voire même plus basse. La réalité je la vis sur le terrain tous les jours. Dans 50 ans peut-être et encore!!!

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