Chine  : peut mieux faire  !

Moody's a dégradé - d'un cran - la note souveraine de la Chine. L'agence américaine s'inquiète notamment des risques d'une augmentation de la dette privée et publique en raison des perspectives d'un ralentissement de la croissance économique.
Robert Jules
Le président Xi Jinping.

Depuis quelques années, les autorités de Pékin, c'est-à-dire le Parti communiste chinois, se sont fixées pour objectif de faire évoluer leur modèle d'une économie fondée sur les exportations et sur le coût faible de la main-d'œuvre à celui d'une économie qui dépende plus étroitement de la consommation intérieure et d'une montée en gamme de son appareil industriel. Le processus de la mise en place de ces réformes est lent et difficile, ce qui est logique pour la deuxième économie du monde qui est aussi le pays le plus peuplé du globe.

Agacement de Pékin

Ces efforts sont toutefois jugés insuffisants par l'agence Moody's qui a dégradé la note souveraine du pays d'un cran, de Aa3 à A1, pour la première fois depuis 28 ans. Pékin n'a pas caché son agacement en arguant d'une méthodologie inappropriée, et d'une annonce qui aura pour conséquence de renchérir le coût des emprunts pour l'Etat et les compagnies publiques.

Toutefois, cette dégradation n'empêche pas le pays d'être toujours classé en catégorie « investissement », et l'agence américaine souligne et apprécie les efforts des autorités chinoises en matière de réformes et d'assainissement de son système financier.

Effet de ciseau

Mais cela reste insuffisant. Moody's s'inquiète, et les autorités chinoises connaissent le problème, de l'effet de ciseau qui menace, entre un ralentissement de l'activité et la hausse de l'endettement du pays.

L'objectif des 7% de progression du PIB en 2016 n'a pas été en réalité atteint (+6,7%). L'agence américaine prévoit même que le taux annuel potentiel de la croissance sera de l'ordre de +5%, bridée par deux problèmes structurels : une population active vieillissante et un ralentissement de la productivité malgré une augmentation de la robotisation et les efforts mis dans la formation.

 Quant à la dette cumulée du pays (public et privé), elle représentait 256% du PIB en 2016. Si elle est détenue marginalement par des investisseurs étrangers (12%), sa répartition est inquiétante. Selon Moody's, la dette publique devrait s'élever à 45% d'ici la fin de la décennie contre 40% en 2018, sans commune mesure avec celle du Japan (supérieure à 250%). Et Pékin réussit à maintenir le déficit public autour des 3% du PIB.

Créances douteuses

En revanche, les dettes des entreprises sont devenues un vrai problème pour l'économie chinoise, notamment en raison des prêts concédés dans le cadre du "shadow banking", dont une partie est classée en créances douteuses. Les autorités sont bien conscientes du problème puisqu'elles poussent les entreprises à mettre la priorité sur le désendettement.

Elles doivent donc trouver rapidement des moyens pour relancer l'activité. Pour cela, elles font ce qu'elles savent faire : investir dans les infrastructures publiques, et conserver un politique monétaire conciliante avec des taux bas, ce qui pour le moment a débouché sur une « bulle » immobilière que le gouvernement tente de maîtriser.

C'est dans cette même optique qu'il faut comprendre l'initiative, annoncée la semaine dernière par le président Xi Jinping, d'investir 124 milliards de dollars dans les infrastructures d'une nouvelle « Route de la soie » pour faciliter les échanges entre l'Asie, l'Afrique et l'Europe, notamment via le transport ferroviaire et maritime.

Faciliter les débouchés extérieurs

Même s'il a été enrobé des meilleures intentions, le projet est une nécessité pour la Chine. Il vise à faciliter les débouchés extérieurs à ses produits, car malgré le ralentissement économique, la Chine n'arrive pas à réduire rapidement ses surcapacités locales (cumulées elles représentent 60% !).

Est-ce la solution ? Rien n'est moins sûr. C'est précisément cette route de l'investissement public à tout crin que Moody's recommande de ne pas emprunter. D'autant que le coût final de ce genre de projet est sans commune mesure avec le coût initial, bien trop théorique. Cette nouvelle initiative a de fortes probabilités de relever de la mauvaise allocation de ressources, un travers que le pays connaît bien.

Par ailleurs, il ne faut pas négliger le risque systémique. Car ce futur flux de marchandises pourrait déstabiliser nombre de pays à l'économie fragile qui se trouvent sur cette nouvelle route de la soie, en réalité une future vaste autoroute chinoise.

On comprend mieux l'éloge de la mondialisation et du libre-échange fait par le président Xi Jinping au dernier forum de Davos et sa critique de tout protectionnisme. Il était davantage dicté par la situation de l'économie chinoise que par la lecture assidue d'Adam Smith.

Robert Jules

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2017 à 10:23
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Un équilibre à trouver entre une politique axée sur l'exportation et le développement de leur marché intérieur. Tant qu'ils sont à 5 % de croissance ils n'ont pas trop de soucis à se faire. Il faut aussi voir le niveau d'inflation, en moyenne sur ...

à écrit le 24/05/2017 à 20:18
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Les agences de notation sont des thermomètres qui affichaient des températures printanières quand ils étaient posés sur le barbecue américain en 2007. Des thermomètres comme ceux la on les jette, normalement.

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