Elections au bord de la crise de nerfs

Le suspense sera maintenu jusqu'au bout. Dimanche soir, lorsque seront connus les visages des deux finalistes à l'élection présidentielle française, qualifiés pour le second tour du 7 mai, le monde sera soit soulagé, soit en panic room, selon le tirage du premier tour.

Même s'il reste encore un écart, minime entre les deux leaders, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, et leurs deux poursuivants, François Fillon et Jean-Luc Mélenchon, la marge d'erreur des sondeurs laisse présager six possibilités, avec l'Europe comme enjeu. Macron-Le Pen ; Macron-Fillon ; Macron-Mélenchon ; Fillon-Mélenchon ; Le Pen-Fillon ; Le Pen-Mélenchon : six options qui ont mis les marchés financiers sous haute tension cette semaine, face à la perspective de scénarios imprévus et aux conséquences imprévisibles.

Ceux qui cherchent à se rassurer regardent les sondages prédisant que Marine Le Pen sera défaite dans tous les cas de figure, y compris contre Fillon ou Mélenchon.

Ceux qui s'inquiètent regardent avec incrédulité la montée du vote populiste et antieuropéen en France. Car l'Europe a été au coeur de cette élection présidentielle, dont dix candidats sur onze sont, ou ont été, eurosceptiques : soit qu'ils ont voté contre le traité de Maastricht en 1992, soit qu'ils ont voté non au référendum de 2005. Le seul candidat qui a parlé positivement de l'Europe est Emmanuel Macron. Certes, l'Europe reste le cadre souhaité par Benoît Hamon et François Fillon, mais l'un comme l'autre ont sur le sujet une position plus critique et distante. Le premier, ancien frondeur au sein de feu le PS, n'est pas loin de penser que Jean-Luc Mélenchon a raison de vouloir mener une dure explication avec l'Allemagne d'Angela Merkel - au risque de l'impuissance, comme Hollande, ou de la rupture ? Le second, proche de Philippe Séguin, est écartelé entre la droite classique, pro-européenne, tentée par la fuite chez Macron, et la droite conservatrice et souverainiste de plus en plus influente chez Les Républicains, et pas si éloigné des positions du Front national sur la question des frontières et du contrôle de l'immigration.

Le vote Macron, le vote utile pour l'Europe ?

De sorte que le vote Macron, qui dit vouloir rassembler « le meilleur de la gauche, le meilleur de la droite et le meilleur du centre », est devenu le vote utile de ceux qui disent qu'il faut cesser de jouer à la roulette (russe) l'avenir européen de la France. Si le leader d'En marche ! parvient à se hisser au second tour, il sera, quel que soit son adversaire, le candidat de l'Europe, ce qui risque d'être un lourd fardeau à porter. Certains disent même que là est le danger pour le plus jeune des postulants à l'Élysée : se laisser enfermer dans un second tour pour ou contre la participation à l'euro et à l'Europe, en somme une sorte de référendum sur le Frexit avant l'heure, piège dans lequel Marine Le Pen se fera une joie de chercher à l'enfermer... Mais pourra-t-il l'éviter ?

Graphique Fillon

Un graphique de notre partenaire Statista

Certes, si Emmanuel Macron - ou François Fillon - l'emporte le 7 mai, les nuages noirs qui menacent l'avenir de l'Europe s'éloigneront, pour un temps, ce qui soulagera les marchés financiers et détendra le spread sur les emprunts du Trésor français. Mais cela ne résoudra en rien la crise de confiance de la construction européenne. Ce sera au nouveau président de trouver une voie de passage pour résoudre les contradictions qui l'agitent.

Un tout autre scénario serait celui d'un second tour Mélenchon-Le Pen. Selon les sondeurs, le leader de la France insoumise sortirait lui aussi victorieux du bras de fer, mais pour l'Europe, ce serait dans tous les cas un séisme. Quelle différence faire, en effet, à la fin, entre la volonté de l'une de soumettre à référendum dans les six mois la participation à l'euro et à l'Union européenne ; et celle de l'autre de négocier âprement avec Angela Merkel (plan A) et de sortir des « traités » européens (plan B) ? Dans les deux cas, le risque est grand de conduire la France à sortir de l'euro et de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui. Pour en rebâtir une autre, fondée sur la souveraineté des peuples pour l'une, sur un socle plus social pour l'autre ? Peut-être. Encore faudra-t-il que les autres pays, dont l'Allemagne, aient encore envie de négocier avec la France.

Le mur de l'argent

Le risque en vaut-il vraiment la chandelle ? Car le risque, lui, est certain. Contrairement aux allégations de ceux qui prétendent que la France sortirait indemne de l'euro - et donc de l'Europe -, ce n'est pas vraiment ce que disent les économistes, y compris les Prix Nobel comme Stiglitz ou Krugman dont le FN se prévaut, au point qu'ils ont fait savoir cette semaine qu'ils refusaient cette récupération politique. Sans parler de la panique des marchés, il faut s'attendre à un affolement bancaire, au rétablissement du contrôle des changes et des capitaux, et à un contentieux avec nos investisseurs internationaux sur la dette publique (qu'ils détiennent à 60 %) sur la monnaie de remboursement. Au premier remboursement en franc des intérêts de la dette, les agences de notation seront obligées de déclarer la France en défaut de paiement, ce qui fera flamber les taux d'intérêt et mettra le Trésor sous la coupe de nos créanciers.

Quant aux dettes privées, comme l'ont montré l'OFCE et nombre d'économistes, près de la moitié sont libellées en droit international et devront donc être remboursées en euros, ce qui alourdira les charges d'intérêt du montant de la dévaluation et plongera les entreprises les plus endettées dans une crise financière intenable. Bref, avant même de pouvoir appliquer leurs programmes budgétaires dispendieux, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen se crasheront sur « le mur de l'argent », tandis que l'épargne des ménages français sera entamée, sauf celle de ceux qui auront pris la précaution de transférer leurs euros au Luxembourg ou en Suisse... Au moins ne pourra-t-on pas dire ne pas avoir été prévenus...

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Commentaires 15
à écrit le 24/04/2017 à 13:18
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Fait-on des BUZZ pour s'enrichir à ne rien faire en raillant l'économie du bavardage déconnecté de la réalité avec des eblagues sur l'économie si par exemple on entend que l'Etat relance la croissance, n'est-ce pas très drôle ? Pourquoi ne ferait-on...

à écrit le 23/04/2017 à 0:39
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Il est clair que si le F-Haine récolte autant de votes de gens haineux et limités, cela montre bien que la politique DOIT se rapprocher du peuple. Le tirage de balle dans le pied n'a jamais été aussi évident.

à écrit le 22/04/2017 à 8:51
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Non pas d'accord avec vous, et l'histoire ne peut pas l'être non plus. Vous voulez faire croire que c'est le pouvoir de l'argent qui a fait la grandeur de la France. Jamais rien lu de plus faux et stupide. Lorsque vous dites «c'est la stabilité éc...

à écrit le 20/04/2017 à 12:09
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Merci du conseil. Pratiquement que conseillez-vous ? L'assurance-vie au Luxembourg ou des paradis fiscaux plus exotiques ? Paradoxalement, je n'ai jamais autant envie de voter eurosceptique que quand je lis ce type de discours qui s'apparente plus a...

à écrit le 20/04/2017 à 10:04
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Entre conscience et inconscience. Le populisme fait le vote, mais il ne fait pas l’économie, ni la société ! C’est mathématique et donc sans illusions. - En cas de France renfermée sur elle-même, il y a l‘impact financier : Dépréciatio...

le 20/04/2017 à 18:14
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Non Madame ou Monsieur, je ne suis pas d'accord avec vous, et l'histoire ne peut pas l'être non plus. Lorsque vous dites «c'est la stabilité économique et financière d'un pays qui fait son pouvoir», c'est toute l'histoire de France qui vous lance ...

à écrit le 20/04/2017 à 9:34
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Au fait vous compter vendre quelque chose d interressant au reste du monde ? Parce que sans clients vous allez pleurnicher ...

à écrit le 20/04/2017 à 8:09
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Noyés dans la cacophonie des phrases chocs, des slogans simplistes, des fresques enluminées comme des sapins de Noël et tous autres artifices, où en sommes nous de cette campagne d'élection qui va se terminer sous peu ? Sans relâche nombre de gest...

le 20/04/2017 à 9:37
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Ils sont tous a vouloir nous aligner au plus bas de l’échelle, nous qui étions trop haut avant d'être administré par cet UE de Bruxelles! Ils appellent cela le progrès?

le 20/04/2017 à 15:17
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Excellent commentaire, merci à vous.

à écrit le 20/04/2017 à 7:20
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Il va y avoir un ajustement c'est certain. Cependant, il y a tout de même une vrai différence entre le prog de Le Pen et de Melenchon. Le cœur du programme des Le Pen est avant tout contre l'étranger, alors que Melenchon reste un européiste même s'il...

à écrit le 19/04/2017 à 23:47
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En défaut de paiement pour un règlement en francs de dettes contractées en euros ? C'est une affirmation dogmatique. Quel en serait le mécanisme ?

à écrit le 19/04/2017 à 18:39
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La fabrique à opinion, aucun intérêt.

le 19/04/2017 à 18:59
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Les avis de gens comme Stiglitz ou Krugman valent pourtant la discussion, non?

le 20/04/2017 à 8:31
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le dernier paragraphe est un réquisitoire anti-mélenchon à savoir ce que l'on se tape dans les médias de masse depuis que ces derniers voient que la côte de mélenchon a monté, la peur a envahi les esprits et la peur est mauvaise conseillère faussant ...

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