En cas de crise mondiale… partons à l'étranger !

Cette formule à la Desproges, en fait un tag écrit pendant les rencontres photographiques d'Arles à l'été 2013, sans doute par un mouvement alternatif désireux de frapper les esprits sur les paradoxes de notre temps, illustre parfaitement l'état d'impuissance dans lequel se trouve enfermée l'économie mondiale.
Philippe Mabille

Comme en 2013, l'inquiétude ressurgit sur les risques d'une nouvelle crise, alors que les banques traversent une période difficile, qui s'est manifestée en Europe par l'effondrement en Bourse de la Deutsche Bank, de plusieurs banques italiennes et qui atteint même, dans une moindre mesure, les plus grandes banques françaises.

Certains, pour les plus pessimistes, n'hésitent pas à prédire un nouveau krach qui atteindrait cette fois non seulement les Bourses, mais aussi les marchés obligataires, gavés de liquidité par les banques centrales dont les taux d'intervention sont entrés, depuis la décision de la Banque du Japon de les porter en territoire négatif, dans une terra incognita.

Après une chute brutale dans les premières semaines de l'année, les marchés semblent s'être stabilisés cette semaine, mais les dégâts psychologiques de cet épisode de bear market (marché à la baisse) sont déjà perceptibles. Plus que jamais, on attend le salut des banques centrales, seules à même de rassurer les marchés. Alors qu'une nouvelle récession pointe le nez, l'horizon d'une deuxième hausse des taux américains s'éloigne de plusieurs années, tandis qu'en Europe, tous les espoirs se tournent vers la BCE qui pourrait prendre de nouvelles initiatives en mars. Sans aller jusqu'à prévoir des taux négatifs, les investisseurs comptent bien sur Mario Draghi pour sauver les banques, dont les bilans se dégradent à cause de la chute des prix du pétrole et de l'atonie de l'économie. Encore plus pessimiste, Patrick Artus, le patron de la recherche de Natixis, dénonce dans son dernier livre écrit avec la journaliste Marie-Paule Virard « la folie des banques centrales », pompiers pyromanes qui jouent avec le feu en inondant la planète financière de liquidités, au risque de semer les germes d'une nouvelle crise à côté de laquelle celle de 2008 ne serait qu'une « aimable plaisanterie ». Les taux zéro, voire négatifs, sont certes une aubaine pour les emprunteurs, notamment les États, mais c'est une malédiction pour les banques qui voient leur rentabilité baisser de façon structurelle, et augmenter leurs risques sur leurs portefeuilles d'actifs.

Reste que la solution à ce dilemme n'est pas aisée

Les banques centrales redoutent les effets d'une remontée des taux sur les ménages endettés à taux variables (ce qui est le cas partout ailleurs qu'en France) et sur des marchés financiers nerveux. La normalisation des valorisations boursières est de ce point de vue plutôt une bonne nouvelle, mais l'excès de liquidités est tel que dès qu'une bulle se dégonfle quelque part - cela a été le cas sur les valeurs technologiques, dont beaucoup étaient surestimées (Apple, LinkedIn, Yahoo...) -, une autre se forme ailleurs.

Tout laisse entendre que les politiques monétaires actuelles sont devenues irréversibles, et que la nouvelle normalité est celle d'une finance instable, dansant en permanence au bord du volcan, faute de mécanismes de retour à l'équilibre antérieur. Les banques centrales ne sont pas les seules à blâmer. Si elles n'avaient pas agi de la sorte, nous aurions connu dès 2008, avec Lehman Brothers, un effondrement du système financier et une nouvelle crise de 1929. Le danger vient plutôt du fait qu'en mettant ainsi la poussière sous le tapis, elles n'aient fait que reporter une crise qui devient de plus en plus inéluctable. Mais les gouvernements sont tout autant responsables, car au lieu de profiter de cette période unique dans l'histoire de taux d'intérêt très bas pour coordonner leur action, tant en Europe qu'au niveau du G20, et créer ainsi les conditions d'une croissance plus saine, fondée sur l'investissement, ils ont laissé perdurer les déséquilibres.

Résultat, en cas de nouvelle crise grave, les politiques économiques n'ont pratiquement plus aucune marge de manœuvre : les taux d'intérêt sont déjà au plus bas et les dettes publiques au plus haut. La seule option en cas de crise mondiale, sera alors de laisser filer à nouveau les déficits publics pour repartir dans une fuite en avant délétère. La même que celle qui maintient le Japon en déflation depuis le début des années 1990. Le monde entrerait alors dans une sorte de stagnation séculaire, condamné à vivre une longue période de croissance et d'inflation basses, mais aussi de tensions sociales, politiques et géopolitiques, dont nous vivons les premiers soubresauts : montée du populisme en Europe et aux États-Unis, guerre en Irak et en Syrie, qui menace de dégénérer en un conflit régional entre l'Iran et l'Arabie saoudite d'un côté, la Russie et la Turquie de l'autre. 2016, année du singe, imprévisible et bondissante, mérite déjà bien son surnom tiré du calendrier chinois. Et nous n'en sommes encore qu'à la mi-février...

Philippe Mabille

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Commentaires 23
à écrit le 24/02/2016 à 13:49
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Étonnant qu'elle (une crise) ne se soit pas déjà produit. "la nouvelle normalité est celle d'une finance instable.." ben oui c'est bien ce qu'ils voulaient, une crise tous les sept ans, comment voulez-vous faire des bénéfices dans la finance sinon......

à écrit le 21/02/2016 à 9:50
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Le cas de la Chine , carte maîtresse est intéressant. Son économie tourne assez mal. Le pire c'est son système financier. Va-telle le réformer à grands frais ou le laisser s'effondrer...qu'est-ce qui lui coûtera le moins cher ? Réponse dans moin...

à écrit le 21/02/2016 à 9:38
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Effectivement , la baisse du Oil fait perdre beaucoup d'argent d'abord...aux banques. Bizarre , n'est-ce pas ? On dirait que le cours de Société Générale est corrélé avec le shale oil texan. La reprise ne sera pas là puisqu'il faudrait pour cela un...

à écrit le 20/02/2016 à 9:13
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L'Europe à mis en place un système d'information bancaire informatique entre les états , qui s'additionne aux renseignements fiscaux informatiques. Il n'y a aucune barrière en Europe , sur ses revenus , vis à vis du fisc, tous les placements , et m...

à écrit le 20/02/2016 à 9:01
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A Antoine Clark. A la vitesse dont le Canada s'enfonce dans la crise , becauz Shale Oil decimated , il ne restera plus grand chose de vos retraites. Je vous invite a trouver des expédients autres. Yours...

le 21/02/2016 à 3:12
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Crise il y a effectivement au Canada! Mais je demeure optimiste (raisonné) MÊME avec un Justin Tintin Selfie Troudeau aux commandes ? Bon, il va nous couter un 100 milliards dans les 4 prochaines années, car comme son père, le seul mot qui le "Br...

à écrit le 20/02/2016 à 8:52
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Monsieur Mabille , votre idée est intéressante , mais encore faudrait il que les Français sussent parler au moins l'Anglais...Or tel ne semble pas être le cas. Il ne vous restera donc qu'une seule échappatoire...Clermond-Ferrand. Le Pays de Volvic....

le 20/02/2016 à 12:07
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@Shangai Kid: avec l'adoption du mariage pour tous, je pense que les Français sucent plus que jamais. Quant à l'extraction des sables/schistes bitumeux, c'est en effet une des raisons du recul de l'économie canadienne, mais je crois que le Tsipras./H...

à écrit le 20/02/2016 à 6:02
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@Patrickb. Votre réponse en ce qui concerne la retraite canadienne n'est pas exacte? Il est vrai que le Canada retient 35% de la retraite DU CANADA pour les canadiens qui partent vivre à l'étranger. Par contre, il ne s'agit QUE de 35%, les 65% so...

le 20/02/2016 à 9:15
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@Antoine Clark: si tu sais mieux que moi ce que je touche et quelles sont les conditions, tu devrais contacter le Régime des pensions du Canada. Et j'oubliais même les frais bancaires de transfert de fonds dans un compte étranger le cas échéant (qui ...

à écrit le 19/02/2016 à 19:29
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Les limites du quantitative easing

à écrit le 19/02/2016 à 16:17
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Il y a deux points précis à observer de près, le premier est la consommation en 240 jours de la production annuelle de la planète, en mettant tout cela en chiffre, nous avons 7 000 000 000 d'habitants divisés par 240 jours = 20 000 000 000 d'habita...

à écrit le 19/02/2016 à 15:00
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On sent que l'éditorialiste Mabille s'est doté d'un solide photocopieur et d'un bon magnétophone car son papier est terriblement personnel et original.

à écrit le 19/02/2016 à 14:49
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ça va finir par des suicides de masse des chômeurs, de toute façon si on additionne les suicides et les vrais chiffres des gens morts de pauvreté dans la rue à cause du chômage on doit atteindre la dizaine de milliers de morts par an non ?

le 19/02/2016 à 17:35
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Des chiffres à faire grimper la bourse ça !

à écrit le 19/02/2016 à 11:45
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Les Retraités Français moyens dont je fais partie n'ont pas chercher des explications complexes à leur départ de France, juste 2 priorités: ne plus rien payer en prélèvements sur les pensions privées pas d'I.R. non plus et vivre dans un pays où notre...

le 19/02/2016 à 15:00
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@revanchard: peut-être que le gouvernement français devrait faire comme le Canada, à savoir que si tu n'habites pas au Canada, tu n'as pas droit à la partie fédérale de ta retraite et on te retient 25% sur l'autre partie. J'estime que ceux qui perçoi...

à écrit le 19/02/2016 à 11:04
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En effet comme vous dites à force de ne jamais vouloir redonner du pouvoir d'achat aux ménagés via une redistribution légitime des richesses il n'y a plus de solutions. SI il y en a une, imposer des gouvernements d'extrême droite qui sauront fair...

le 20/02/2016 à 5:57
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Quand vous dites nous n'en sommes pas loin ? Faites vous référence à ce qui se passe en France ? Aux dénis démocratiques de plus en plus banalisé ? Pour ne pas dire plébiscité par la majorité au pouvoir ? Business as usual ? Depuis Maastrich, le ...

le 28/02/2016 à 19:31
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L'argent a en effet pris le pas sur toutes les motivations de nos décideurs économiques et politiques actuels. Mike le poulet sans tête dirige le monde.

à écrit le 19/02/2016 à 10:47
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Dire que ce n'est que la virtualisation de l'économie et qu'il suffit de se réveiller pour sortir de ce cauchemar. Mais certain, se complaisent dans cet univers onirique et font des émules pour nous convaincre d'être dans la réalité!

à écrit le 19/02/2016 à 10:03
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Il ne fait aucun doute qu'une nouvelle crise majeure arrivera sous peu (comme grosso modo tous les 7 ans) et avec une économie de plus en plus globalisé et la finance y jouant un rôle toujours plus important( et sans grandes réformes depuis 2008). No...

à écrit le 19/02/2016 à 9:38
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La crise, c'est parce que l'on ne tient pas compte du role de l'énergie. Il y a une correspondance entre le cout du travail et le prix de l'énergie. Il faut répartir les charges sociales sur le travail et sur l'énergie.

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