La corde et la cordée

ÉDITO. Quand avons-nous perdu confiance ? Cette situation ne date pas du mouvement des « gilets jaunes ». Par Philippe Mabille, directeur de la Rédaction.
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

Le plus important, dans une cordée, c'est la solidité de la corde. L'avoir oublié, voilà l'erreur commise par Emmanuel Macron dans l'acte I de son quinquennat. En mettant l'accent sur les « premiers » de cordée, en prenant des mesures fiscales en apparence dirigées exclusivement en direction des plus favorisés, il a provoqué une explosion de colère inédite des oubliés de la croissance qu'il a mis ensuite neuf mois à éteindre. 17 milliards d'euros de dépenses publiques plus tard, la colère s'est apaisée, mais le feu couve toujours, car ce n'est pas seulement avec une lance à incendie fiscale que le chef de l'État peut espérer rétablir la confiance rompue. Notre sondage BVA le montre : si la moitié de la population reste confiante dans son avenir personnel, l'autre moitié n'y croit plus. La fracture entre les gagnants et les perdants de la mondialisation est plus vive que jamais. Surtout, les Français sont dans leur grande majorité inquiets, pour l'avenir du pays, celui de leurs enfants et celui de la planète.

Quand avons-nous perdu confiance ? Cette situation ne date pas du mouvement des « gilets jaunes ». Elle s'inscrit dans un temps beaucoup plus long, qui, en France, a sans doute commencé en 2002, lorsque pour la première fois le Front national s'est hissé au second tour de l'élection présidentielle. Elle s'est confirmée en 2005 avec le rejet du traité constitutionnel européen, s'est aggravée avec la crise économique et financière de 2008. L'élection présidentielle de 2017 a été une réplique de la secousse de 2002, mais la victoire d'Emmanuel Macron sur Marine Le Pen, considérée comme la preuve que l'on pouvait faire barrage au populisme, n'a pas empêché celle du Rassemblement national aux européennes de 2019. Le danger est toujours là, la défiance à l'égard des élites, des médias, des corps intermédiaires et des partis, demeure toujours aussi vive.

Une pratique moins verticale

Le Grand débat a été pour le chef de l'État l'occasion d'appuyer sur le bouton « reset ». L'acte II du quinquennat mettra la priorité sur l'humain, a-t-il promis, et tentera de réparer la corde en apportant des réponses sociales et institutionnelles à la crise de confiance. Présence des services publics sur le territoire, nouvel acte de décentralisation, revalorisation du rôle du maire, l'action du gouvernement va s'attacher à rétablir les liens de proximité. Dans une société numérique de plus en plus virtuelle, il faut recréer d'urgence des lieux de sociabilité et d'échange entre les individus. Il faut aussi apporter des réponses concrètes à la contradiction entre la fin du monde et la fin du mois, alors que l'opinion est de plus en plus sensible à l'urgence écologique.

« Nous ne reprendrons pas le cours normal de nos vies », a déclaré Emmanuel Macron au lendemain de la prise de l'Arc de Triomphe par les « gilets jaunes » en décembre 2018. Le président de la République a promis de changer de méthode. Notre sondage BVA montre que les Français ne sont pas dupes. 68 % ne font pas confiance au gouvernement pour poursuivre le dialogue avec les citoyens dans la foulée du Grand débat. C'est un signal d'alarme qu'Emmanuel Macron ne doit pas prendre à la légère. Certes, sa cote de confiance s'est redressée, repassant au-dessus des 30 %. Mais cette ligne de flottaison n'est pas un chèque en blanc. Le temps va donc s'accélérer. Pour espérer éviter que la présidentielle de 2022 ne donne le pouvoir aux populistes, Emmanuel Macron a de nouveau 100 jours, entre la rentrée de septembre et les élections municipales, pour agir. Il sera attendu sur tous les fronts : dès le prochain budget sur les baisses d'impôts, la réforme de l'État et celle des retraites, mais aussi sur la concrétisation de sa promesse de co-construire les décisions avec les citoyens. Là est sans doute la clé du rétablissement de la confiance, dans une pratique moins verticale, plus participative, du pouvoir.

Philippe Mabille

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Commentaires 5
à écrit le 17/08/2019 à 22:38
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Des premiers de cordées qui nous font perdre au bas mot 2 jours de congés par an avec leur loi idiote sur la RGPD. En effet , le fait de devoir cliquer à chaque fois pour accepter les conditions générales sur le transfert de nos données (comme si nou...

à écrit le 08/07/2019 à 10:39
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Ils ont cier la branche ou couper la corde impossible de la réparer sa était trop loin les gouvernements succesif en rajoute une couche avec les lois qui interdit tous sa va faire des bidons ville en France.

à écrit le 08/07/2019 à 9:20
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Le problème aujourd'hui est que les premiers de cordée nous ont coupé la corde pour grimper plus vite. Sauf que les provisions, ce sont les sherpas qui les ont avec eux. Maintenant que les premiers de cordée sont arrivés au sommet, ils se rendent com...

à écrit le 06/07/2019 à 10:51
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Avant internet nous nous doutions que nous nous faisions escroquer mais comme les médias de masse nous berçaient dans la douce illusion de la démocratie cela passait. Internet au final ne fait que confirmer ce que l'on pensait, et c'est bien pour...

à écrit le 06/07/2019 à 9:11
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Nous avons perdu confiance dés qu'une minorité c'est installé au pouvoir par le biais de manipulation médiatique et gère la France a leur profit sous la tutelle de cet administration hors sol qu'est l'UE de Bruxelles!

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