La fin des startups ?

Le quinquennat finissant offre le sombre tableau d'une économie française qui est désormais la dernière, et la seule, en Europe, à ne pas avoir réussi à inverser sa courbe du chômage.
Philippe Mabille

L'une des causes de ce cauchemar des gouvernants est la sous-compétitivité et le sous-investissement chroniques de notre pays, qui durent depuis l'équivalent de trois quinquennats. François Hollande n'est donc pas le seul à blâmer, même si son manque de résultats sur ce terrain en quatre ans fait un peu pitié. Une autre raison, moins souvent mise en avant, c'est le dynamisme de notre population active : la France devrait donc créer en net deux fois plus d'emplois qu'elle ne l'a fait l'an dernier pour faire face à l'entrée de près de 150.000 jeunes de plus chaque année sur le marché du travail... Pour y parvenir, y'a encore du boulot !

Inutile d'attendre le salut de la future loi travail portée par la « ministre du chômage » actuelle, Myriam El Khomri. Vidée du peu de mesures qui faisaient sens pour libérer l'embauche dans les TPE-PME, la réforme, qui a jeté la jeunesse désenchantée dans la rue, ne changera malheureusement rien à nos blocages. Comme le dit Jean-David Chamboredon, l'un des acteurs du mouvement des Pigeons de 2012 et coprésident de l'association France Digitale, la gauche fait avec vingt ans de retard la loi du XXe siècle qu'il aurait fallu faire en 1995 pour que la France soit plus forte dans la mondialisation. Là où on aurait espéré la réforme du XXIe siècle, et des réponses innovantes à l'heure de l'économie numérique.

Ne nous y trompons pas. La fin du salariat n'est ni pour demain, ni pour après-demain. Ce mode de contrat reste le pilier de la stabilité de nos sociétés. Mais ce qui reste incompréhensible, c'est que toutes les autres formes de « travail » soient oubliées par la loi El Khomri. À tout le moins, c'est un manque d'imagination. Car ces milliers de jeunes qui crient « précarité » quand on leur dit que le CDI pourra être rompu (un peu) plus facilement - et encore, cela demande à être regardé de près - vont vivre un autre rapport au travail que celui connu par leurs parents. Comment « sécuriser » et pérenniser ces nouvelles formes d'emploi ? Comment inventer les mécanismes qui donneront à ces millions de jeunes qui certes ne connaîtront probablement plus le CDI à vie dans la même entreprise, la possibilité de se loger, emprunter, se soigner, dans des conditions « normales » ? Voilà qui pourrait donner au débat parlementaire l'occasion de se montrer utile, pour améliorer une loi très en deçà de ce que l'on pouvait en attendre.

Malgré cela, la France est un merveilleux pays. On y plante des complications administratives et il y pousse des entreprises. Même s'il reste un nain face à la Silicon Valley, l'écosystème français qui a fait naître plus de 15.000 startups en quelques années et engendré des succès internationaux inattendus, comme Criteo ou Blablacar, donne une tout autre image que celle du pays des 35 heures engoncé dans ses pesanteurs. C'est un acquis qu'il faut protéger à tout prix, parce qu'il est porteur d'espoir et créateur d'emplois.

Cette économie entrepreneuriale, c'est celle d'une jeunesse qui préfère s'épanouir en cherchant des clients plutôt que de s'épuiser à trouver un patron. Son obsession, ce n'est pas le code du travail, ce ne sont pas les 35 heures, c'est d'aller vite, d'être agile, de surfer sur la nouvelle vague de l'ère du numérique pour inventer de nouveaux usages, de nouveaux services, de nouveaux emplois. Bien sûr, une économie n'est pas faite que de startups, mais de petites, de moyennes et de grandes, voire de très grandes entreprises. Mais il serait dommageable de ne pas entretenir la flamme, d'autant que le climat se refroidit quelque peu en ce début de 2016.

Comme le montre notre enquête, pour le moment, la France n'est pas encore affectée par l'éclatement de la « bulle startups » aux États-Unis, où les valorisations ont atteint des niveaux irrationnels. Mais le risque existe de voir toute la chaîne des financements, de l'amorçage au capital-risque, être affectée par contagion. Les capitaux ne vont sans doute pas se tarir, mais les investisseurs et les business angels sont déjà et seront plus attentifs qu'avant au burn rate, le rythme auquel les startups prévoient de « brûler » les fonds levés auprès d'eux. Certains prédisent « la fin des startups », et annoncent une vague de mortalité sans précédent parmi celles des jeunes pousses du numérique qui ont eu les yeux plus gros que le ventre. C'est la vie, comme dit la chanson, et l'important est surtout de ne pas dissuader ceux qui ont essayé de recommencer.

À l'image de Michel et Augustin, auxquels La Tribune décernera lundi 4 avril son prix « Entrepreneurs de l'année 2015 » lors de la cérémonie qui récompensera au Grand Rex les huit lauréats de la quatrième édition de ses Prix La Tribune Jeune Entrepreneur, il faut y croire pour croître. Eux y ont cru, en convainquant le patron de Starbucks de leur ouvrir l'accès à 7624 restaurants aux États-Unis, en moins de six mois. Et leur message, à tous ceux qui entreprennent, est simple : le bon moment pour lancer son entreprise, c'est toujours... maintenant !

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 05/04/2016 à 8:29
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La peur du fisc, la peur des URSSAF , la peur du RSI, la peur des cotisations sociales arbitraires des 400 taxes et impôts divers. La peur du maquis d'une réglementation sans cesse en changement, soumise à la fantaisie d'élu de circonstance, comme c...

à écrit le 04/04/2016 à 17:35
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Entreprendre ? Mais pour quoi faire ? Ce faire démolir si on réussit ? passer pour un voleur ? Pauvre France il ne reste que le RSA tranquille pour ne pas avoir de soucis. Il vaut mieux 1000 E à glander et personnes sur le dos que 5000 et que des gal...

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