Le « Jobs Act » manqué d’Emmanuel Macron

C'est une première qui pourrait bien changer la façon de faire de la politique à l'heure du numérique et des réseaux sociaux. La pétition #loitravailnonmerci a enregistré plus de 800.000 signataires en une dizaine de jours... contre à peine 10 .000 pour la pétition concurrente lancée par Dominique Reynié, élu Les Républicains, et signée en premier par le... Medef. Comme une traînée de poudre sociale, la pétition ouverte sur Change.org par Caroline de Haas, la cofondatrice d'Osez le féminisme, a d'ores et déjà fait reculer le gouvernement et reporté de quinze jours, au 24 mars, la présentation du projet de loi de la ministre du Travail, Myriam El Khomri, qui fracture la gauche.

Désormais rebaptisée « avant-projet de loi sur les nouvelles protections pour les entreprises et les salariés » au lieu de « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs », admirons la nuance, la réforme ira-t-elle « jusqu'au bout », comme s'y est engagé le Premier ministre ? Ou bien Manuel Valls utilise-t-il ce conflit prévisible pour se ménager une « porte de sortie » et jouer sa carte personnelle pour 2017 ou après ? Une chose est sûre, la concertation ouverte a posteriori par le gouvernement - qui a pris de court les syndicats mis devant le fait accompli, notamment de l'article 30 bis de la loi, qui modifie la définition du licenciement économique -, sera sous forte pression. Les plus radicaux, de Jean-Luc Mélenchon à la CGT ou Force ouvrière, réclament le retrait pur et simple du projet, alors que l'Unef et plusieurs syndicats étudiants et lycéens appellent à manifester le 9 mars (date initialement prévue pour la présentation de la loi en conseil des ministres).

Visiblement, sciemment ou par maladresse, le gouvernement a complètement raté sa communication sur une réforme qui touche à des équilibres essentiels de la relation au travail. Il s'est aliéné une partie de la jeunesse, qui a le sentiment qu'on lui refait le coup du CPE (contrat première embauche) de Dominique de Villepin, en la condamnant à la précarité éternelle. Pour avancer plutôt que reculer, il va donc falloir beaucoup de pédagogie et de dialogue pour expliquer pourquoi il faudrait changer le code du travail dans le sens proposé.

Certes, il est peu probable que les 800 .000 personnes qui ont signé la pétition descendront dans la rue pour stopper le gouvernement. Il s'agit surtout d'un mouvement d'humeur dont les réseaux sociaux sont le réceptacle facile. Les opposants à la loi attendront de voir si le texte final sera plus équilibré, dans le sens de la « flexisécurité », en donnant par exemple plus de consistance au compte personnel d'activité et en renforçant le volet formation.

« Tout n'est pas intangible », promet Emmanuel Macron, le véritable auteur de cette loi - au point que l'on parle désormais de loi « El Macron » plutôt que El Khomri, laquelle semble complètement dépassée. Le ministre de l'Économie, qui n'est pas directement en première ligne, mais qui assume la réforme, avait accordé jeudi 25 février un long entretien à La Tribune dans le cadre d'un événement organisé avec la Fédération nationale des Travaux publics (FNTP).

Si l'on devait ne retenir qu'une seule chose, et c'est bien ce qui manque dans le projet présenté, c'est qu'un tel changement n'a de sens que dans le cadre d'une vision globale des mutations en cours. Selon Emmanuel Macron, il ne s'agit pas de « casser pour casser » le code du travail, mais d'adapter nos règles à une économie plus agile, celle du monde numérique. Un monde qui va plus vite, qui est plus volatil et plus incertain, certes, mais où chacun peut trouver de « nouvelles opportunités économiques », titre de la loi Macron II, qu'il n'a pas pu présenter.

Dans ce monde, le modèle du CDI à vie dans la même entreprise ne trouve plus sa place. La preuve, c'est que le CDI ne représentait que 13 % des nouvelles embauches l'an dernier, même s'il continue, et heureusement, de rester le cadre principal du travail salarié en France. La précarité, les stages, les CDD, elle est donc déjà la réalité dans laquelle vivent la plupart des jeunes. Toute la question est de savoir si, oui ou non, la bonne réponse à cette situation est de donner plus de flexibilité ou bien si le remède est pire que le mal.

Le « Jobs Act » d'Emmanuel Macron, comme le « Jobs Act » italien, affirme que les chefs d'entreprise seront plus enclins à embaucher en CDI si la loi leur donne plus de visibilité sur les conséquences financières d'une rupture du contrat. C'est sur ce point décisif que se joue le sort de la réforme. Moins de protection pour les salariés, plus de liberté pour l'entreprise, est-ce que cela débouchera sur moins de précarité pour les chômeurs ? Cela reste à démontrer.

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Commentaires 9
à écrit le 04/03/2016 à 8:41
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Ce n'est pas simplement une question de communication. C'est une question de société de fond. Un projet passera s'il explique clairement comment on peut à la fois flexibiliser le travail (pouvoir changer de mission, de qualification par la formation,...

à écrit le 04/03/2016 à 7:42
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Essayez de reprendre votre raisonnement en envisageant de financer les retraites par une taxe sur l'énergie. On favorise le climat en augmentant le prix de l'énergie, et on favorise l'emploi en réduisant le cout du travail. Pour ou contre?

à écrit le 03/03/2016 à 15:01
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Certains sont amusants. On a 10% de chomage. Il ne baisse pas. Les chefs d'entreprise en ont marre de l'insécurité qui encadre les licenciements. Ils préfèrent rester petit que prendre le risque de grossir, comme les italiens jusqu'à il y a peu de te...

à écrit le 03/03/2016 à 9:53
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C'est de plus en plus rare de voir des salariés rester dans la même entreprise toute leur carrière ... sauf les fonctionnaires. Ceci dit, il faut réformer, alléger le code du travail (indigeste et décalé), accentuer la formation permanente pour t...

le 03/03/2016 à 14:16
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Vous voulez former les gens à quoi faire je vous prie ? Un travail qui n'est pas disponible ? ça s'appelle de la poudre aux yeux, merci de chercher des idées neuves et des solutions ailleurs parce que là ce n'est plus possible de lire sans ar...

à écrit le 03/03/2016 à 9:53
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ça ne suffira pas, le 9 mars il faut que tout les citoyens fassent grève descendent dans la rue afin que tout ces gens, toute celle classe économique et politique dirigeante arrête de nous mener délibérément dans le mur afin de sauver leurs honteux p...

le 08/03/2016 à 12:31
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Pourtant c'est un "mur" qui semble plutôt bien réussir à l'Espagne, l'Italie ou l'Allemagne, dont les économies et les exportations sont reparties et les taux de chômage en baisse. Tandis que nous, ce que nous faisons n'a toujours pas l'air de mar...

le 08/03/2016 à 14:54
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Pouvez vous chiffrer vos affirmations ou bien donner des argumentations je vous prie ? Au moins des liens parce que je ne vois pas en quoi ces pays ont retrouvé un quelconque dynamisme économique. Je sais vous ne le ferez pas parce que vous n...

à écrit le 03/03/2016 à 9:20
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L'annonce du projet transformé en avant-projet n'était qu'un thermomètre destine à mesurer l'influence des parties en lice. La vérité est ailleurs.

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