Pétrole  : retour à la case départ pour l'Opep

Les prix du baril de pétrole sont revenus à leur plus bas niveau depuis 7 mois signant l'échec de la politique de réduction de l'offre mise en place à l'initiative de l'Opep. La cohésion de l'organisation pourrait être mise à mal, fragilisée la crise déclenchée par la mise en quarantaine du Qatar, opposant plusieurs de ses membres, notamment l'Arabie Saoudite et ses alliés à l'Iran.
Robert Jules
Lors de la dernière réunion de l'Opep en mai.

La stratégie de l'Opep décidée en novembre dernier ayant pour objectif de faire passer le prix du baril de pétrole au-dessus des 55 dollars a échoué. Jeudi, la référence du brut américain , le WTI, passait sous les 43 dollars, le niveau de prix auquel il se situait avant l'accord historique trouvé en novembre dernier entre l'Opep et des pays non membres comme la Russie pour limiter la production de brut.

Cours du brut WTI

Scepticisme des investisseurs

Cet accord visait à réduire l'offre de 1,8 million de barils par jour (mbj) à partir de janvier 2017 et ce pour 6 mois. En mai, face au scepticisme des investisseurs, l'organisation s'était engagée à maintenir ses quotas jusqu'à mars 2018. Cet échec n'est pas dû aux « passagers clandestins » de l'accord. Une fois n'est pas coutume, la conformation aux plafonds de production fixés par pays a été respectée, « à 106% en mai », indiquait même jeudi le ministre koweitien du Pétrole.

Le « coupable » est à chercher plutôt du côté des Etats-Unis dont la remise en production de nombreux puits et la technologie du « fracking » ont envoyé la production de brut du pays à 9,5 mbj, son plus haut volume quotidien depuis presque 2 ans. Par ailleurs, la persistance de stocks de réserve largement au-dessus de leur niveau moyen des cinq dernières années dans la plupart des pays de l'OCDE pèse sur le potentiel de hausse des cours.

Marché cyclique

Le marché du pétrole est traditionnellement cyclique. Un prix du pétrole bas favorise la croissance économique dans les pays consommateurs, ce qui en retour entraîne une hausse de la demande. Jeudi, les experts de l'Opep ont d'ailleurs prévu ce rééquilibrage du marché au cours du deuxième semestre 2018. Les mêmes assuraient en novembre qu'il aurait lieu à la fin de cette année.

Il y a toutefois un élément qui pourrait changer la configuration du marché, la cohésion de l'Opep elle-même. Déjà en 2015, elle avait été mise à mal avec la décision unilatérale de l'Arabie Saoudite d'augmenter ses exportations. Il s'agissait pour le royaume de gagner des parts de marché et de contraindre les puits américains à fermer en raison de leur coût d'extraction plus élevé. Surtout Ryad voulait contrer le retour de l'Iran qui, à la suite de la levée des sanctions internationales liée à l'accord sur son activité nucléaire, voulait produire et exporter au maximum.

Cette décision avait provoqué finalement une chute des cours qui a réduit les revenus des pays membres très dépendants de la rente pétrolière, et fragilisé la situation de pays comme le Venezuela.

Le Qatar mis en quarantaine

Si par le passé, les pays membres de l'Opep ont toujours su laisser de côté leurs différends géopolitiques au nom de leur intérêt commun bien compris, la rivalité entre l'Iran et l'Arabie saoudite a pris depuis quelques jours un tournant plus belliqueux, impliquant plusieurs membres de l'organisation. Le royaume et les Emirats arabes unis soutenus par d'autres pays ont décidé d'imposer une mise en quarantaine au Qatar accusé de soutenir le terrorisme et d'être un allié de l'Iran. Entre ces deux camps, le Koweit joue les bons offices pour trouver un terrain d'entente et cesser l'escalade.

Les Etats-Unis s'inquiètent ouvertement de la situation. Hier, le département d'Etat s'est ainsi dit « abasourdi » par le manque de preuve pour étayer les accusations de Ryad à l'endroit du petit mais riche émirat gazier.

Changement de prince héritier

Cette inquiétude pourrait grandir en raison de la montée en puissance de Mohammed bin Salman, fils du roi Salman qui a décidé d'en faire le prince héritier au détriment de son neveu Mohammed bin Nayef. Mohammed bin Salman, 31 ans, ministre de la Défense est l'artisan de la guerre menée au Yémen contre les milices soutenues par l'Iran. Le pays connaît une aujourd'hui une situation humanitaire catastrophique.

Le nouveau prince héritier est aussi l'artisan d'un ambitieux plan de réformes intitulé Vision 2030 pour faire évoluer le modèle économique saoudien pour le rendre moins dépendant de la rente pétrolière. Il devrait également superviser, après l'avoir annoncée, la mise en Bourse de la compagnie pétrolière  Aramco, qui devrait rapporter des centaines de milliards de de dollars au pays.

De tels objectifs pourraient finalement conduire Ryad à se sentir à l'étroit dans l'Opep actuelle, d'autant que l'influence de l'organisation s'est considérablement réduite par rapport aux décennies 1970-1990. Mais même en cas de cavalier seul, l'Arabie Saoudite aura un besoin vital d'un prix du baril élevé pour pouvoir financer les projets de son ambitieux prince héritier.

Robert Jules

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Commentaires 3
à écrit le 23/06/2017 à 10:05
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Malheureusement, la vérité est que, comme à la fin des années 80, l'occident va bientôt redevenir l'otage de la situation au Moyen Orient. Comme le montrent le dernier rapport BP Statistical Review 2017, la demande mondiale de pétrole et de gaz c...

à écrit le 23/06/2017 à 9:10
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En effet le pétrole n'excèdera plus jamais 50 dollars, d'autant qu'enfin les alternatives à cette énergie sont débloquées, je ne pensais pas vivre la mort de cette économie qui a fait et fait encore tant de morts, même si c'est un soulagement quelque...

à écrit le 22/06/2017 à 19:09
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ce qu'ils n'ont pas bien compris cest qu'il faut creer de la volatilite, au lieu de donner de la visibilite au schyste ameriacain les investissements vont de toute facon aller au tas pour bcp de monde, et le jour ou ca ira... y aura un choc petrolie...

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