Peut-on refaire de la politique budgétaire intelligente en France ?

La chronique de Philippe Mabille dans "Entendez-vous l'éco" sur France Culture du 28 septembre 2017.
Philippe Mabille

Pour la première fois depuis le milieu des années 2000, le déficit de la France repasse sous la barre des 3% du PIB, dès cette année d'ailleurs, à 2,9%, puis à 2,6% l'an prochain. Le gouvernement assure désormais rester en deçà de cette barrière symbolique fixée par le traité de Maastricht. Malgré un ressaut à 3% en 2019, en raison de la transformation du CICE en allégement de charges sociales, le gouvernement promet même dans la programmation transmise à la commission européenne un quasi retour à l'équilibre en fin de quinquennat.

C'est en soi plutôt une bonne nouvelle. A partir du moment où on passe sous la barre des 3% de déficit, on peut enfin refaire de la politique budgétaire "intelligente", car cela signifie que la France va enfin sortir, l'an prochain, si la commission de Bruxelles valide cette programmation, de la procédure pour déficits excessifs menée à l'encontre de notre pays. C'est un élément important pour être crédible vis-à-vis de nos partenaires, notamment l'Allemagne, au moment où Emmanuel Macron fait des propositions assez forte pour réformer la gouvernance de la zone euro.

Impossible de mener une telle négociation, comme le président vient de le proposer dans son discours de la Sorbonne cette semaine, sans apporter la preuve que l'on est capable de faire le ménage chez soi, cela peut se comprendre aisément.

Faut-il vraiment croire à ce retour durable sous les 3% ? Seul l'avenir le dira. La baisse des déficits, ce ne doit pas être une simple approche comptable, mais un cap économique. C'est évidemment plus facile quand la croissance est plus forte. Pour les prochaines années, les hypothèses économiques sont relativement prudentes, avec une croissance de 1,7%. Il y aura bien une reprise mais cela ne suffira pas pour réduire durablement les déficits. La prévision repose donc sur la poursuite d'importantes économies, pour l'Etat, la Sécurité sociale et les collectivités locales. En 2018, l'effort annoncé sera cependant moins important que prévu, 16 milliards au lieu de 20. Si on regarde ce que l'on appelle l'ajustement structurel, c'est-à-dire la réduction du déficit hors effet de la conjoncture, on voit bien d'ailleurs que l'effort que s'impose la France reste modéré en début de quinquennat, et ne monte en puissance que progressivement, pour ne pas casser la reprise. Il faut aussi tenir compte d'une épée de Damoclès qui pèse sur le budget, avec la remontée prévisible des taux d'intérêt, qui va augmenter le montant des charges de la dette publique. Les marges de manœuvre budgétaires vont donc demeurer étroites pendant encore de longues années

Au final, que fait-il penser de ce premier budget d'Emmanuel Macron ? Sur les options fiscales, chacun est libre de son jugement. Force est de reconnaître que les promesses de campagne sont tenues : la suppression de l'ISF et  la flat tax sur le capital, c'est certes un "cadeau" fait aux "riches", mais c'est aussi un pari sur l'avenir, pour que les bénéficiaires de ces deux mesures emblématiques, les ménages les plus aisés, investissent dans l'économie française. Le transfert de charges sociales sur la CSG, c'est un transfert générationnel, des retraités vers les actifs, avec un réel impact, quoi que différé fin 2018, sur le pouvoir d'achat, surtout si on y associe la suppression de la taxe d'habitation pour l'essentiel des ménages. Il y a donc une forme d'équilibre dans ce budget, une cohérence entre la politique de l'offre et le soutien de la demande, qui peut avoir sur la durée un impact positif sur l'économie. Le pari sera-t-il gagné ?

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Philippe Mabille

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