Qui commande ? Le smartphone ou vous... ?

Le smartphone, cet « obscur objet du désir » contemporain, s'est imposé dans nos vies connectées en une décennie. Le 9 janvier 2007, Steve Jobs présentait le premier iPhone en affirmant : « Ceci est une révolution ! »
Philippe Mabille

Bourré de bugs, mais proposant une expérience utilisateur unique, ce premier smartphone à écran tactile a depuis conquis la planète. Toute l'industrie de la téléphonie mobile et de l'informatique en a été bouleversée. Copié, imité et amélioré par ses nombreux concurrents, notamment le Coréen Samsung, qui l'a dépassé en nombre de ventes, le produit phare d'Apple en sera bientôt à sa huitième version. Même si les ventes se stabilisent, on s'attend à ce qu'un habitant de la planète sur deux possède un abonnement à un smartphone d'ici à la fin de 2018, soit 3,3 milliards d'humains, trois fois plus qu'à la fin de 2012.

Ses apps qui bouleversent notre quotidien

Avec le déploiement de la 4G puis de la 5G et l'essor du cloud, on s'attend aussi à une explosion de l'usage de l'Internet mobile, qui représente déjà plus de la moitié des consultations. Toujours plus vite, nous entrons dans un univers de connectivité permanente et de géolocalisation en temps réel. Avec ces progrès incroyables, le smartphone et ses applications magiques bouleversent notre quotidien. Nous y consacrons du coup de plus en plus de temps, près d'un jour par semaine en cumulé, avec en moyenne plus de 2 600 interactions physiques quotidiennes, en 70 sessions.

C'est devenu le couteau suisse de notre vie, indispensable pour le travail, les loisirs, les voyages, et même notre santé ou nos amours. C'est devenu aussi une addiction, parfois, au point que l'on parle de la cyberdépendance (Internet addiction disorder) comme du mal de notre époque.

Bardé de capteurs et possédant une puissance informatique supérieure au programme Apollo, cet « objet connecté », devenu la « télécommande de notre vie », est à l'aube d'une nouvelle « révolution », celle des assistants personnels virtuels (VPA, en anglais). Jusqu'à présent, avec Siri (Apple), Google Now et Cortana (Microsoft), l'expérience utilisateur en termes d'intelligence artificielle dans le smartphone reste assez déceptive. L'interface homme-machine, même améliorée par l'utilisation du langage naturel, fondée sur la reconnaissance et la synthèse vocale, ne permet pas de faire grand-chose d'autre que des requêtes assez basiques : rechercher un contact, écrire et envoyer un message, enregistrer un rendez-vous dans son agenda, demander un itinéraire.

L'IA dans le smartphone

Apparu en octobre 2011, Siri, développé par le Standford Research Institute (devenu SRI International, puis Siri Inc après son rachat par Apple) en est encore à l'âge de pierre comparé aux promesses de l'IA dans le smartphone. Mais cela devrait changer plus vite qu'on ne le pense, assurent les géants des télécoms, toujours à la recherche d'innovations pour rendre nos smartphones plus indispensables que jamais. Et relancer les ventes.

Selon Gartner, d'ici à 2019, 20 % des interactions avec un smartphone se feront par l'intermédiaire d'un assistant personnel virtuel. C'est le rêve de Jarvis, l'assistant intelligent d'Iron Man, qui va devenir réalité, à l'image du « Jarvis » développé par Mark Zuckerberg pour piloter sa maison à la voix, ou d'Alexa, développé par Amazon. Tous les industriels des télécoms sont sur la même voie, même si pour l'heure, l'interaction par la voix reste moins intuitive que le tactile, et le pouvoir des assistants virtuels encore limité.

De tout temps, l'homme a rêvé de commander aux objets : c'est le célèbre « Sésame, ouvre-toi » d'Alibaba qui permet d'accéder à la grotte au trésor. Dans un avenir proche, les VPA, connectés en permanence à nos données et sur la Toile, gardiens de nos informations les plus personnelles, pourraient devenir de véritables « majordomes virtuels », capables, même en notre absence, de réguler nos vies : répondre à nos mails en vérifiant la compatibilité d'une demande de rendez-vous dans notre agenda, nous prévenir assez tôt en cas de difficulté de trafic pour nos déplacements, prévenir d'un retard éventuel mais aussi surveiller notre maison, servir de clef virtuelle pour notre voiture... Les possibilités semblent presque infinies, et n'auront d'autres limites que les garde-fous que nous imposerons à ces nouveaux usages.

Car il y a un « mais », celui de la protection de la vie privée et même un danger, celui de voir celle-ci se faire manipuler à notre insu. Ces assistants virtuels sont en effet conçus pour « deviner » nos intentions : on le voit déjà avec l'apparition des « bots », ces « robots conversationnels » développés par des entreprises pour communiquer en direct avec nous via nos messageries et devancer, voire instiller, nos désirs. On le voit avec Facebook dans le domaine de l'information et des algorithmes : ces intelligences artificielles peuvent certes faciliter nos vies, nous faire gagner du temps et travailler à notre place ; mais elles peuvent aussi influencer nos choix et nous faire perdre, si l'on n'y prend garde, nos libertés en nous dotant d'un pouvoir certes démiurgique, mais qui aura pour contrepartie de nous espionner en permanence. Sommes-nous vraiment prêts à cette révolution ? Rien n'est moins sûr, et il faudra en tout cas l'accompagner d'une éducation à la maîtrise de nos risques numériques, sauf à courir celui de perdre le contrôle de nos vies, et que ce soit notre smartphone qui en prenne les commandes...

Philippe Mabille

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Commentaires 3
à écrit le 17/03/2017 à 21:23
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Je n'ai pas de smartphone !

à écrit le 17/03/2017 à 8:37
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surtout que tout ses "assistants" envoie leur donnees chez leur vrai proprietaire (amazon, apple ...). autrement dit vous avez un espion chez vous qui peut se retourner contre vous si necessaire (il y a deja des cas ou la justice US demande les donne...

à écrit le 16/03/2017 à 18:41
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Avertissement avec lequel je suis d'accord et connaissant l'avidité des actionnaires milliardaires on peut être sûr qu'ils vont se diriger dans cette direction et même trouver d'autres solutions pour continuer de nous racketter.

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