Shinzo Abe, moins d'Abenomics, plus de diplomatie

Le Premier ministre japonais qui s'était fait élire sur un programme économique dont les résultats sont mitigés par rapport aux objectifs fixés, est de plus en plus présent sur la scène diplomatique internationale.
Robert Jules
Le Premier ministre japonais Shinzo Abe se recueillant lundi devant le National Memorial Cemetery of the Pacific, à Honolulu, à la veille de sa visite de Pearl Harbor au côté de Barack Obama.

Le Premier ministre japonais cherche-t-il désormais davantage une reconnaissance internationale par la diplomatie plutôt que par l'économie ? On pourrait le penser avec sa visite historique à Pearl Harbor, ce port militaire américain situé sur une île d'Hawaï, devenu tristement célèbre par la destruction de la flotte américaine par l'aviation japonaise le 7 décembre 1941. Une opération qui d'ailleurs précipita l'entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale.

Shinzo Abe avait fait une entrée tonitruante lors de son accession au pouvoir en promettant de sortir le pays d'un marasme économique de 20 ans par un programme radicalement nouveau : les fameux Abenomics. Quatre ans plus tard, le bilan est mitigé, les objectifs annoncés n'ayant jamais été pleinement atteints, à tel point que le rôle du Premier ministre japonais est moins focalisé au seuil de cette nouvelle année sur l'économie locale que sur la place internationale du Japon.

Les visées agressives de Pékin en Mer de Chine inquiètent

Shinzo Abe doit en effet composer avec l'arrivée d'un Donald Trump à la Maison-Blanche en janvier dont les tentations isolationnistes inquiètent Tokyo, car elles remettraient en cause toute l'architecture diplomatique issue de l'après Deuxième guerre mondiale en Asie. Les visées agressives de la Chine en Mer de Chine fragilisent en effet l'ensemble des voisins du géant asiatique qui veut s'affirmer sur la scène internationale comme puissance mondiale.

Gage de stabilité

En effet, si le Premier ministre japonais bénéficie toujours d'une bonne popularité auprès de ses concitoyens, c'est que ce politicien conservateur offre un gage de stabilité depuis qu'il a été désigné pour diriger les affaires du pays. Et si le pays n'arrive pas à véritablement renouer avec la dynamique d'antan que lui promettait Abe, les raisons se trouvent en partie hors de l'Archipel qui est dépendant du ralentissement économique chinois, de la future politique d'un nouveau président américain inattendu et d'une Europe fragilisée par ses doutes et ses divisions.

Si la croissance économique japonaise reste modeste, et devait rester faible durant les prochaines années, autour d'un taux annuel de 0,5%, en revanche, le promoteur des "Abenomics" peut porter à son crédit une baisse du taux de chômage jusqu'à un niveau de quasi-plein emploi.

Mais ce sont surtout les problèmes structurels dont la résolution ne peut s'inscrire que sur le long terme qui pèsent toujours. Ainsi, les recettes fiscales couvrent à peine 60% des dépenses budgétaires, obligeant le gouvernement à emprunter pour couvrir ses besoins. Ce qui explique un niveau de dette publique qui représente presque 230% du PIB. Même si les taux sont faibles - le taux à 10 ans s'élève à peine à 0,10% -, en raison de la politique monétaire menée par la Banque du Japon, le service de la dette absorbe toutefois 20% du budget.

La Banque centrale du Japon détient 35% de la dette

On remarquera que cette dette est majoritairement détenue par les Japonais, mais la Banque centrale en possède à elle seule 35%, comme elle est détient d'ailleurs une part importante des actions des plus grandes entreprises nippones cotées.

Au-delà des questions budgétaires et monétaires, le principal problème, pour le gouvernement, est de nature démographique : sa population vieillissante. Le Japon consacre plus de 40% de son budget aux dépenses liées aux retraites et à la santé, ce qui pose à moyen terme la question, très politique, du maintien du niveau actuel des retraites, en raison de l'augmentation de leur nombre.

Nouveau plan de relance

Pour relancer l'économie, Shinzo Abe qui ne doute visiblement pas du bien-fondé de ses "Abenomics" a choisi de persévérer. Il a annoncé cet été un nouveau plan de relance équivalent à quelque 250 milliards d'euros en particulier dans les infrastructures, des dépenses qui sont d'autant plus justifiées que l'inflation reste faible, autour de 0,5%, la politique de la Banque centrale n'ayant pas réussi à maintenir son objectif de 2% dépassé brièvement au début de 2014.

Mais pour autant le Premier ministre ne veut pas s'engager au-delà, notamment en matière salariale. Pourtant, les niveaux des salaires (réels) stagnent depuis 20 ans, et celui du revenu disponible des ménages continue de baisser. Comme le parti Libéral-Démocrate du Premier ministre est très lié aux grands conglomérats et à leurs intérêts qui dominent la vie économique japonaise, l'appareil industriel ne change pas. Signe de cette stagnation, la productivité est bien moins importante qu'avant 2008.

Finalement, Shinzo Abe qui comptait sur ses "Abenomics", en suivant une ligne politique très à droite et nationaliste, pourrait bien jouer sur la scène internationale en 2017 le rôle d'un leader modéré, qui aura tiré la leçon de Pearl Harbor.

Robert Jules

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Commentaire 1
à écrit le 28/12/2016 à 11:29
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Les marges de manouvrières des politiciens sont limitées, de part le pouvoir grandissant des oligarchies financières mondiales un milliardaire pèse plus qu'un ministre. CE qui pourrait nous réconcilier, en partie parce qu'ils partent de vraiment ...

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