L'évolution des salaires réels depuis l’introduction de l’euro

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l'évolution des salaires réels depuis l’introduction de l’euro

Quelle trajectoire ont emprunté les salaires du privé depuis l'arrivée de l'euro ? Pour le savoir, le mieux consiste à partir du salaire moyen par tête, c'est-à-dire du rapport entre la masse salariale brute versée par les entreprises et le nombre de salariés. Cet indicateur a l'avantage d'intégrer à la fois les effets structurels (comme l'évolution des qualifications et du temps partiel) et conjoncturels (primes et heures supplémentaires). Les effets de l'inflation ont, eux, été gommés pour se rapprocher de la notion de pouvoir d'achat du salaire brut.

Les salaires réels ont progressé de 13% depuis 1998

Pas de suspense, la trajectoire progresse sur longue période. Et c'est mécanique. Certes, un employeur peut jouer sur les paramètres variables pour moduler les rémunérations, il peut aussi jouer sur la relève générationnelle (l'effet de Noria) et réduire les salaires à l'embauche. (S6) En revanche, il ne peut pas réduire les salaires des salariés en place sans leur accord. Cette rigidité, conjuguée à la dynamique du SMIC, aux accords de branche et à la montée des qualifications, alimentent la propension des salaires à naturellement augmenter. En bout de course, les salaires ont progressé de 13% en euros constants depuis 1998, soit une hausse de 0,7% en moyenne par an.

Autour de cette tendance, les évolutions ne sont pas pour autant rectilignes. De la fin des années 90 jusqu'au 1er trimestre 2001, trois éléments jouent en faveur de la hausse:

  • l'inflation est basse. Depuis la désindexation de 1982, les salaires nominaux évoluent de façon beaucoup plus inerte par rapport aux prix. C'est donc le salaire réel qui enregistre les à-coups de l'inflation. Or cette dernière passe à moins de 1% courant 98 et reste contenue jusqu'en 2001.
  • la conjoncture est bonne, la croissance est forte et les gains de productivité élevés. De quoi donner des marges de manœuvre aux entreprises pour faire évoluer les rémunérations.
  • le taux de chômage reflue vite, modifiant le rapport de force en faveur des salariés.
  • 2002-2006 : la modération

La période 2002-2006 est, en revanche, bien moins favorable aux employés. Les dispositifs de modération salariale mis en place après les 35 heures freinent la progression des salaires au moment même où la hausse des prix dépasse 2%. Pour couronner le tout, la dégradation du marché du travail rend les négociations salariales plus compliquées : la courbe s'écarte de sa tendance durant cette période avant un sursaut début 2007.

En dépit de ces accrocs, l'ensemble de cette période, antérieure à la crise, bénéficie de deux coups de pouce qui vont ensuite s'estomper. D'abord, l'augmentation des qualifications avec, en toile de fond, une hausse très marquée de l'emploi très qualifié, selon une étude du Conseil d'Orientation des Retraites. Ensuite, la dynamique du SMIC : +1,8%, en euros constants en moyenne par an, avec son effet de « diffusion » sur l'ensemble de la grille des salaires.

A contrario, il ne faut pas oublier que le salaire brut, c'est aussi les cotisations salariales payées par les employeurs. Or, leur poids s'est allégé sur la période, passant de plus de 24% des rémunérations à moins de 23%, limitant la hausse d'ensemble.

La hausse malgré la crise : les effets du CICE, des licenciements et du sacrifice des bas salaires

Arrive alors la pire crise depuis la seconde guerre mondiale, une crise à répétition. Le chômage explose et là, rien ou presque rien. Il y a certes quelques soubresauts entre 2010 et 2012, mais ils sont davantage liés à la poussée de l'inflation qu'aux évolutions salariales. D'ailleurs la mécanique s'inverse dès 2013 avec le reflux des prix.

La rigidité des salaires nominaux a d'ailleurs de quoi surprendre, car les gains de productivité font du surplace et le marché du travail est en panne. Avantage, a priori, à l'employeur cette fois-ci.

Trois éléments vont pourtant jouer en sens inverse et pousser à la hausse :

  • les principales victimes de la crise sont les salariés du bas de l'échelle, il y a donc un effet composition.
  • les entreprises ont préféré ajuster le volume de leurs effectifs que les salaires.
  • le CICE s'est en partie transformé en une subvention indirecte aux salaires.

Alors comment expliquer l'importance de la grogne salariale en France ? D'abord, parce que la hausse du SMIC se limitera à 0,4% l'an sur cette période, comprimant les gains en bas de l'échelle. Ensuite, parce que face à la hausse des salaires, le coût du logement, lui, a explosé et la pression fiscale s'est franchement alourdie.

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Commentaire 1
à écrit le 20/04/2017 à 15:08
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Merci pour ce bon article. "A contrario, il ne faut pas oublier que le salaire brut, c'est aussi les cotisations salariales payées par les employeurs. Or, leur poids s'est allégé sur la période, passant de plus de 24% des rémunérations à moins de...

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