2045 : Une bataille navale sans précédent en mer de Chine

#30ansLaTribune - La Tribune fête ses 30 ans. A cette occasion, sa rédaction imagine les 30 événements qui feront l'actualité jusqu'en 2045. Le 15 février 2045 : un peu plus de six mois après les très graves incidents survenus en mer de chine méridionale au large des iles Spratleys entre trois navires de guerre chinois, américain et français, La Tribune a pu reconstituer la trame de ces événements tragiques, qui auraient pu entraîner le monde vers une Troisième Guerre mondiale.
Michel Cabirol
"Pour la première fois de l’histoire, les militaires chinois et américains ont utilisé les tout derniers systèmes d’armes à énergie dirigée."

Une - bataille navale mer de Chine

C'est grâce au témoignage du capitaine de vaisseau et commissaire politique Cheng Yi de la frégate anti-aérienne Kowloon, recueilli début septembre dans sa cellule de la base navale de Zhanjiang, QG de la flotte du sud, que La Tribune a pu reconstituer les dernières 72 heures de la vie à bord sur la frégate avant les fameux « événements », comme les Chinois appellent pudiquement aujourd'hui ces incidents. Cet entretien avec le capitaine de vaisseau Cheng Yi, auquel participaient un interprète ainsi que deux officiers de renseignement de la marine chinoise, n'a été rendu possible qu'en raison du rôle crucial de la France dans la résolution de ce conflit.

Le gouvernement français de Mathurin Barbaron, et notamment le ministre de la Défense, Jean-Baptiste Bompard, ont beaucoup oeuvré pour éviter que ces incidents dégénèrent en un conflit entre la Chine et les Etats-Unis. Et ce, en dépit de pertes humaines subies par l'équipage de la frégate Schoendoerffer, qui a pris part aux combats et est revenue à quai très endommagée. Des combats très durs qui n'ont duré qu'une trentaine de minutes. La présence de la frégate française, une frégate de taille intermédiaire (FTI), s'explique en raison d'un accord de défense entre la France et la Malaisie très engageant pour Paris. En revanche, le Pentagone n'a pas souhaité s'exprimer sur les détails de ces incidents.

Le commandant Yibo au coeur de la bataille navale

Une succession d'erreurs humaines a été incontestablement à l'origine de cette bataille navale meurtrière. Pour la première fois de l'histoire, les militaires chinois et américains ont utilisé les tout derniers systèmes d'armes à énergie dirigée, dont la nouvelle génération de lasers miniaturisés. Ces armes ont d'ailleurs fait preuve d'une efficacité opérationnelle redoutable. Ce qui va permettre aux états-majors des pays concernés de profiter d'un retour d'expérience inédit.

Un homme a été au coeur de cette tempête navale, un officier chinois aussi brillant qu'ambitieux. Le capitaine de vaisseau et commandant de la frégate lance-missiles Kowloon, Bo Yibo, était promis à un très bel avenir au sein de la marine de l'Armée populaire de libération (APL). Il était d'ailleurs le protégé du vice-amiral de la flotte du sud, Wang Wenqi et avait même réussi à être apprécié par le commissaire politique, le vice-amiral Liu Yanpeng, le seul homme que craignait vraiment Bo Yibo. Le capitaine de vaisseau Cheng Yi considérait Bo Yibo comme un ami. Les deux officiers supérieurs qui ont effectué toutes leurs classes dans l'académie navale de Dalian, se sont toujours appréciés. Quinze ans plus tard, après s'être un peu perdus de vue, ils se sont retrouvés à bord de la frégate Kowloon.

Un homme troublé

La veille du départ de la mission en mer de Chine, Bo Yibo a fait soudoyer quelques gardes pour sortir de la base de Zhanjiang et retrouver sa célèbre maîtresse, la très belle artiste peintre Zhang Yifei, très à la mode en occident, raconte Cheng Yi. Une initiative folle qui ne ressemblait pas au commandant, toujours très à cheval sur le règlement. « Il était revenu au petit matin très agité », se souvient Cheng Yi, qui a couvert son ami. Une contrariété qui l'avait d'ailleurs poussé à se confier succinctement à son ami : « Elle veut que je quitte ma femme, sinon elle ne veut plus me voir. » Ce qui plonge le commandant dans un abîme de désespoir. C'est dans ces conditions qu'il monte à bord de la frégate. « Je ne l'avais jamais vu désarçonné », se rappelle Cheng Yi.

Bo Yibo appareille le 14 février 2045 à 7h00 du matin avec pour mission de patrouiller autour des iles Spratleys. Une zone stratégique pour la Chine qui souhaite coûte que coûte y affirmer sa souveraineté par une présence active et permanente. Une zone aussi traversée par près de 500 bateaux de commerce par jour. La frégate doit éloigner les navires de guerre vietnamiens, malaisiens, taïwanais, philippins... Des pays qui revendiquent ces îles, dont les sous-sols marins recèlent du pétrole notamment. La frégate chinoise doit également compter sur les navires de guerre américains et français qui patrouillent pour protéger les routes du commerce internationaux. Ce qui est considéré par Pékin comme des provocations inacceptables. Pour autant, la Chine, qui reste très hésitante à se lancer dans un conflit ouvert, mise plutôt sur un essoufflement des Occidentaux sur le long terme et leur désengagement progressif dans la zone.

Une frégate américaine à quelques milliers de mètres

Quand la frégate Kowloon s'éloigne de la base navale de Zhanjiang, elle est enveloppée par un épais brouillard. C'est effectivement la « saison de brouillard », qui peut réduire la visibilité à moins de trois mètres en mer de Chine méridionale. « La vie s'organise à bord, chacun est concentré sur ses tâches surtout avec ce brouillard épais. La première journée se déroule bien », relate-t-il. Mais la situation va très vite se dégrader. Tout commence très tôt le 15 février. Les radars de la frégate détectent une présence inquiétante à une vingtaine de milles nautiques vers 4h35 du matin, qui se rapproche dangereusement de la zone de patrouille chinoise. Mais Bo Yibo, qui ne dort pas, rumine toujours sa nuit précédente et ne prête que peu d'attention aux deux alertes des radaristes, estimant le trafic dense à cette époque de l'année. Surtout plus personne ne souhaite à nouveau l'alerter. Il est craint. Trop semble-t-il...

Quand Cheng Yi est précipitamment réveillé à 5H25. « La situation était déjà critique », raconte-t-il. Un navire de guerre américain - un destroyer furtif de la classe Zumwalt de la dernière génération, l'USS Obama, avec son équipage de 147 hommes et son groupe aéronaval de 28 hommes - n'est plus qu'à cinq milles environ. Il escorte un pétrolier malaisien. Un face-à-face qui paraît improbable avec tous les moyens de détection en service aujourd'hui. Et pourtant c'est bien le cas. Cheng Yi file voir Bo Yibo et le briefe rapidement.

Sorti de sa torpeur, le commandant prend la mesure de la situation et ordonne immédiatement le branle-bas le combat. Et demande à 5h35 aux opérateurs de se tenir prêts à tirer avec le canon-laser, car le vent a chassé le brouillard. Ce qui permet de se servir d'une arme qui parcourt 300 000 km par seconde. Elle n'est maîtrisée sur le plan opérationnel que par cinq pays seulement (Etats-Unis, Chine, Russie, Israël et France). Les opérateurs ont ordre d'abattre un drone à voilure tournante venu du destroyer. Il est immédiatement enflammé par le laser chinois à 5h36. La tension monte de plusieurs crans.

Un tir au canon laser destructeur

« Après le tir du canon laser, le commandant Yibo a demandé une première fois à 5h37 au navire américain de changer de cap et de s'éloigner de la zone. Sans succès, le capitaine de vaisseau américain Lindsay Wagner a refusé et a expliqué que son devoir est d'accompagner le pétrolier malaisien. Il a réitéré son appel à 5h39, mais les Américains n'ont plus répondu et ont continué à avancer », explique le capitaine de vaisseau Cheng Yi. Ce qui exaspère alors au plus haut point Bo Yibo, qui n'a pas dormi depuis près de 48 heures. C'est une partie de bluff effroyable entre deux commandants, l'une, Lindsay Wagner réputée pour son cran face au danger, l'autre brillant mais épuisé nerveusement par les dernières 48 heures. La tension est très, très élevée à bord du Kowloon. Elle monte d'un cran quand les Américains se mettent en mode de combat en allumant à 5h42 leur conduite de tir de missiles. Le destroyer lance également des actions de brouillage.

Des initiatives que Bo Yibo considère comme une attitude trop agressive. Il ordonne à 5h43 un tir au canon laser. « Notre tir très puissant a touché assez vite la passerelle au deuxième étage du château, ainsi que le QG opérationnel du destroyer qui était vraiment très près de notre navire. Concomitamment, nous avons été touchés à 5H44 par un missile antinavire de courte portée, qui a endommagé l'arrière du navire et notamment son système de propulsion. Un premier missile a été leurré ». Sur l'USS Obama, les dégâts sont plus graves. La plupart des officiers de l'état-major du navire de guerre ont péri. Ce qui paralyse peu ou prou le destroyer. Le canon laser continue de nettoyer le pont pour détruire les derniers îlots de résistance, notamment les canons de 155, dont les tirs endommagent légèrement la frégate.

Une noria de drones de combat

Sur les écrans radars de la frégate, les marins chinois ont identifié à une cinquantaine de milles la frégate française qui fait route vers l'affrontement. Bo Yibo ordonne à 5h47 un tir du missile antinavire de nouvelle génération (le successeur du C-201), qui va très sérieusement endommager la corvette Schoendoerffer. Mais surtout, les radars de la frégate chinoise identifient trois aéronefs se dirigeant rapidement vers leur zone. Trois F-35 ont décollé du porte-avion USS Gerald Ford (7e flotte) qui croise au large des Philippines, à mi-distance de l'archipel des Palau. Surtout ils accompagnent une quinzaine de drones furtifs en restant en retrait. Ce dont Bo Yibo se doute. Cette flottille fond sur la frégate et sera très rapidement sur zone.

C'est une véritable démonstration de force des Américains. Bo Yibo comprend très vite que c'est la fin. La frégate, déjà touchée et ayant perdu de sa manoeuvrabilité, n'a aucune chance. A 5h48, il donne l'ordre aux marins qui n'ont plus aucune utilité ainsi qu'au capitaine de vaisseau Cheng Yi de quitter immédiatement le navire. Soit une quinzaine d'hommes. Dix minutes plus tard, la frégate, frappée par plusieurs missiles air-mer de type LRASM-A récemment modernisés (Long Range anti-ship Missile), coule rapidement avec à son bord 150 marins.

Michel Cabirol

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Commentaires 6
à écrit le 18/09/2021 à 23:38
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Cabirol le roi du roman !

à écrit le 21/12/2015 à 21:54
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Pourquoi une "femme fatale" ? C'est un concept machiste éculé ; choisissez plutôt un "homme fatal", vous aurez l'air tellement plus progressiste !

à écrit le 21/12/2015 à 20:24
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Dans tous les cas en cas de guerre en mer de Chine, espérons que notre pays pourra échapper à cela.... Car nous n'avons pas d'armée digne de cela, ensuite les francais n'ont plus aucune instruction militaire, et à vrais dire faire la guerre la bas , ...

à écrit le 21/12/2015 à 17:10
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Quant à anticiper à un avenir à 30 ans, pourrais t'on enfin avoir quelque chose d'un peu plus réjouissant que des catastrophes, des batailles, ou autres catastrophes ? Ça nous réjouirait un peu. Par exemple : un nouveau médicament antidouleurs effica...

à écrit le 21/12/2015 à 15:48
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Je suis persuadé que vous avez raison et que nous aurons quelques coquilles de noix françaises au lieu d'avoir une armée européenne respectable. Nous ne serons pas plus malins dans 30 ans. Dommage !

à écrit le 12/12/2015 à 12:22
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Un point important dans l'anticipation, c'est la présence de la femme "fatale" qui change le courant des choses. Sur un vrai roman, on aurait droit à 5 pages de sexe !

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