Corruption au pays des soviets

Les entreprises russes viennent d'obtenir le titre peu enviable d'entreprises les plus corrompues au monde. Poids de l'histoire, faiblesse du cadre légal, absence de liberté de la presse et rôle extrêmement ténu de la société civile contribuent à cette situation. Seul espoir : une partie grandissante de la population est encline à dénoncer les fraudes en tout genre.
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Les entreprises russes ont d'obtenu le titre peu réjouissant d'entreprises les plus corrompues du monde. En effet, selon une récente étude de Transparency International, il apparaît que les entreprises russes sont les plus susceptibles de recourir à la corruption pour arriver à leurs fins, juste devant les entreprises chinoises. Cette enquête a été réalisée en 2011 auprès de 3.000 décideurs pour mesurer l'ampleur de la corruption payée par les entreprises de 28 pays. Interrogé, un entrepreneur en Russie déclara à ce sujet : "L'éthique des affaires en Russie, je n'en ai jamais entendu parler. "

Comment expliquer le triste résultat russe ? Une première raison est historique. Les Russes, aussi bien au temps des tsars que du régime soviétique, ont été soumis à une culture marquée par l'extorsion et la fraude. Les romans de Nicolas Gogol dépeignent des fonctionnaires russes aussi incompétents que voleurs. Il n'est pas certain que la montée en compétence des vingt dernières années ait abouti à une augmentation de l'honnêteté des acteurs économiques.

Du fait de cette tradition, il n'est pas étonnant de trouver une population russe passive politiquement et résignée face aux fraudes. Dans un sondage réalisé en 2010 auprès de plus de 1.000 personnes, 26% des Russes reconnaissent avoir payé un pot-de-vin au cours des douze derniers mois contre 7% en France. Quand un tiers de la population accepte de payer, il en découle un mimétisme aussi bien chez le citoyen que chez les entreprises. Classée par Transparency International 143ème pays sur 182 pour son niveau de corruption perçu en 2012, la Russie est d'ailleurs l'une des nations les plus corrompues de la planète. Dans un pays corrompu, les entreprises ont toutes les chances d'utiliser la corruption pour atteindre leurs objectifs stratégiques.

Une autre raison provient de la faiblesse du cadre légal et surtout de son application. Ainsi, les politiciens russes clament souvent leur désir de lutter contre la corruption et annoncent régulièrement un renforcement du cadre légal ou de son application.

Dans la réalité, les cas de corruption se multiplient dans le pays, sans que le cadre institutionnel puisse se montrer le garant de règles saines du jeu économique. Une étude menée par la Banque mondiale auprès de 552 cadres dirigeants russes a ainsi montré que les lois et leur application n'avaient aucun impact sur leur choix de corrompre pour obtenir des marchés.

Une jeune Russe me déclara avoir été victime d'une tentative d'extorsion d'un policier à Saint-Pétersbourg. Pour éviter de payer un pot-de-vin, elle téléphona sur le champ à un de ses parents très haut placé au ministère de la Justice. Un entretien téléphonique sur le champ entre le policier et le technocrate aboutit seulement à une diminution du montant à payer. Ainsi, la mise en oeuvre du cadre institutionnel ne garantit pas au citoyen d'être protégé de l'extorsion.

Enfin, la Russie ne bénéficie pas de la liberté de la presse et du foisonnement d'une société civile permettant de dénoncer les abus commis et de faire appliquer le droit. Ainsi, la liberté de la presse est souvent bafouée, comme le montre le meurtre de la journaliste Anna Politkovskaïa en octobre 2006, toujours impuni en 2011. Le contre-pouvoir de la presse ne peut pas être exercé facilement pour dénoncer les fraudes et ainsi lutter contre la corruption. Un cas de pression sur la société civile est l'affaire Sergueï Magnitski.

Ce juriste russe est mort en prison le 16 novembre 2009 pour avoir dénoncé une gigantesque affaire de corruption touchant le sommet de l'État russe. Seule lueur d'espoir pour éclairer ce triste tableau de la corruption en Russie, le courage de Magnitski montre qu'une partie de la population russe est prête à dénoncer les fraudes, même si le chemin vers l'État de droit est encore long et parsemé de fraudes.

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