Banques-Entreprises : Indignons-nous à bon escient !

Le président de la CCIP s'inquiète de la tournure du débat présidentiel sur la question du rôle de la finance dans l'économie. Attention à l'effet bouc-émissaire !
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Le financement de l?économie par les banques est au c?ur des préoccupations des candidats à la prochaine présidentielle. Bravo ! La finance et les banquiers sont livrés en pâture dans les meetings politiques. Attention, danger ! Pour avoir, à de nombreuses reprises, attiré l?attention sur les risques pesant sur l?accès aux crédits bancaires des entreprises, la CCIP et son président se sentent aujourd?hui bien placés pour s?inquiéter du tour que prend le débat public sur la question du rôle de la finance dans notre économie.
En tant que porte-parole des entreprises du Grand Paris, je veux le dire clairement. Oui, nous appelons à une rénovation du monde de la finance pour qu?il retrouve le sens de sa vraie mission qui est d?accompagner les entreprises dans leur croissance. Non, ceci ne doit pas se faire au prix de la stigmatisation d?une industrie qui est une composante essentielle de notre compétitivité et de l?attractivité de notre métropole mondiale.
Cette refondation de la finance est, en effet, une nécessité, même si les dérives et les errements ont été moindres en France qu?ailleurs. Car l?appât du gain et des profits rapides n?ont pas, dans le passé, laissé insensibles nos banquiers d?investissement et il est temps de redonner sa priorité à la banque de détail qui représente l?essentiel des effectifs de la profession.
Plus simplement, le monde de l?entreprise exprime trois demandes :
Nous avons besoin de banques qui prêtent et qui ont les moyens de prêter. Tant mieux si elles sont profitables, car cela leur donnera les moyens de respecter les nouvelles normes prudentielles, pour autant que leurs revenus proviennent de services réels rendus à l?économie, le tout à un juste prix ;
Nous avons besoin de banques qui fournissent des services à haute valeur ajoutée pour nous couvrir contre les risques de change ou de taux, contre la volatilité des prix des matières premières etc. Faut-il qu?elles se scindent en deux, en trois, pour isoler leurs activités pour compte propre, leurs activités de financement et d?investissement ? Peut-être, mais est-ce au fond le c?ur du débat ? En revanche, prenons garde à ce que nos PME et ETI ne se retrouvent pas en face de banques de détail incapables de leur fournir autre chose qu?un service bancaire de base ;
Enfin, nous avons besoin que nos brillants jeunes diplômés mettent davantage leurs talents au service des entreprises. La question de la rémunération offerte par une partie du secteur financier est à la racine de la vague d?indignation qui secoue aujourd?hui le monde occidental. Rien ne justifie des revenus hors de proportion avec l?utilité sociale des activités financières. Malgré l?émotion publique que suscitent les bonus, ceux-ci persistent et incitent la crème de notre enseignement supérieur à aller vers ces métiers. Il faut que ce « détournement » cesse. Veillons à former ces jeunes à l?éthique pour qu?ils soient animés par autre chose que l?appât du gain.
Pour que les attentes des entreprises soient satisfaites, il faut un système bancaire solide, sain et, osons le dire, citoyen. Ce système doit accomplir son aggiornamento, mais il le fera d?autant mieux qu?il aura les bonnes incitations et les bonnes régulations.
Opposer monde réel et monde financier n?est pas, de mon point de vue, de bonne politique. Soyons réalistes : la fracture est grande aujourd?hui entre le monde des chefs d?entreprise et celui de la finance et il est facile, par des effets de manche, de l?agrandir. Le ressentiment est puissant parce que la finance est jugée largement responsable de la plus grave crise depuis la guerre, parce que les profits des grandes banques n?ont pas d?équivalent dans le monde réel.
Mais on ne gagnera rien à creuser davantage ce fossé. Les entreprises ont besoin d?un système bancaire innovant et compétitif comme le système bancaire a besoin d?entreprises bien gérées et ayant des projets de développement.
Dans ce paysage à rénover plus qu?à refonder, quel rôle doivent avoir les pouvoirs publics ? L?initiative privée est, à l?évidence, défaillante dans certains segments : le financement « patient », le très risqué, l?amorçage etc. Mais la France a une trop longue expérience d?errements passés pour ne pas s?avancer avec prudence dans la voie de l?interventionnisme public.
Oséo, la CDC et le FSI ont eu et ont encore une action remarquable en faveur de l?innovation, de la consolidation des fonds propres de nos entreprises. Tant mieux si l?on renforce leurs moyens, mais attention à ne pas franchir la ligne jaune, de soutenir l?insoutenable au risque de déstabiliser les entreprises saines, de les voir s?aventurer dans des domaines où ces institutions n?ont pas de réelles compétences, de prendre le risque de relâcher les critères d?une saine gestion des risques.
Oui, la situation et le moment justifient que l?on réagisse avec vigueur, que l?on n?accepte pas la fatalité du chômage, de la perte de substance de notre tissu productif, de notre déclin national dans le monde nouveau qui émerge. Mais pour répondre aux défis qui nous attendent, nous aurons besoin d?un système bancaire rénové, recentré et revigoré. C?est le souhait des entreprises !

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Commentaires 4
à écrit le 26/04/2012 à 11:25
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Plus-si-jeune diplômé, je suggère aux entreprises non financières de prendre le problème du recrutement par l'autre bout : plutôt que de vouloir tirer les rémunérations vers le bas, proposer à leur tour des rémunérations et des conditions de travail ...

à écrit le 25/04/2012 à 18:15
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Le ton incantatoire contraste assez bien avec la vacuité du propos!

à écrit le 24/04/2012 à 1:37
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"Veillons à former ces jeunes à l?éthique pour qu?ils soient animés par autre chose que l?appât du gain." Oui, sur-diplomés, et n'ayant accès qu'à des postes salement rémunérés en france, après des mois de chômage et/ou d'inactivité, on va maintenan...

le 25/04/2012 à 17:35
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haha +1

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