Politique industrielle : viser l'idéal, mais comprendre le réel

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Confronté à une conjoncture exceptionnellement difficile, notre pays fait face à deux défis majeurs. Le premier est celui du réel et du court terme: Florange est l'exemple le plus visible, et personne ne peut être sourd à l'inquiétude profonde que les salariés de l'industrie vivent aujourd'hui. C'est bien une responsabilité nationale et des territoires que d'appuyer des solutions de reconversion mais c'est celle des groupes que de financer l'emploi durable de leurs travailleurs. Le deuxième défi est celui de l'idéal et du long terme: la France est le pays des libertés dont la liberté économique. C'est un pays ouvert: il est en majorité opposé à l'idée d'une préférence nationale, qu'elle soit sociale ou économique, et c'est un pays innovant. Il a su réussir de nombreux paris sur l'avenir en développant sur son sol des pôles d'excellence mondiale, dans l'aéronautique à Toulouse, l'énergie à Belfort...

Trouver le chemin

La difficulté - et le talent - des politiques, c'est précisément de trouver le chemin entre ces deux objectifs : comprendre la difficulté du réel, tout en se donnant les moyens de nous rapprocher de l'idéal à long terme. Rarement l'actualité - tiraillée entre les interpellations de Florange et les promesses de l'avenir, par exemple celles de « l'internet industriel » - aura davantage illustré cette difficulté qu'aujourd'hui.

S'agissant de l'actualité, les tentatives d'amalgame sont nombreuses. Oui, le non respect des promesses de M.Mittal doit être dénoncé avec force. Non, le fait qu'il soit Indien, Américain, Suisse ou Berrichon n'a jamais, et ne doit jamais entrer en ligne de compte. Oui, l'Etat est dans son droit de négocier une nouvelle solution quand il apparaît que celle qui conditionnait le rachat d'Arcelor ne sera plus respectée, et pour cela, tous les outils d'un état de droit, y compris une nationalisation, doivent être envisagés. Non, le gouvernement ne souhaite ni spolier les investisseurs quels qu'ils soient, ni les affranchir de leurs responsabilités sociales. Le fait qu'il existe des divorces houleux, notamment lorsque l'un des conjoints a fauté et dispose des moyens d'assumer ses responsabilités, ne veut pas dire qu'il n'y ait pas une majorité de mariages heureux par ailleurs. Ni que des secondes noces soient possibles avec des conjoints plus respectueux, quelle que soit leur origine.

Un autre monde est possible

 

Mais pendant ce temps, l'avenir n'attend pas. Ou plutôt, nous ne devons pas atteindre pour le façonner d'une manière conforme à nos valeurs. Tristement célèbre, un ancien dirigeant d'Alcatel avait voulu nous faire croire au caractère inéluctable de l'entreprise sans usines (fabless), produisant dans les pays à bas coûts - et théorisant ainsi une condamnation de nos ouvriers au chômage à perpétuité. Mais un autre monde est possible : une autre forme d'industrie, est en train de naître de la convergence avec les nouvelles technologies et stimulée par les enjeux de la transition vers une économie moins carbonée. Autant pour multiplier les emplois d'avenir que pour proposer des transitions aux emplois aujourd'hui menacés, nous devons saisir toutes les opportunités de cette formidable mutation.

L'industrie du futur, localisée en Europe

L'industrie du futur intégrera à la fois des activités de recherche, de production. Celle-ci sera localisée au plus près des clients et des centres d'innovation, donc en Europe, et de services destinés à aider les clients à tirer le meilleur parti de produits haut de gamme - par exemple le rendement énergétique, le taux d'utilisation d'un bloc opératoire ou l'efficacité d'un moteur d'avion. Elle intègrera aussi davantage les contraintes environnementales, y compris lors du recyclage: les phases de conception et de Design sont autant d'opportunités de développements. Elle sera également intégrée d'un point de vue européen - que nationale : notre stratégie industrielle devra progressivement devenir plus européenne, et accepter un jeu donnant-donnant dans lesquels les produits allemands auront plus de contenu français, et réciproquement.  Oui, il existe un avenir industriel pour la France. Il doit tourner le dos au déni pour embrasser une complexité féconde pour nos usines et leurs travailleurs. C'est là une clé de notre "nouveau modèle français".

 *Vice-Président (EELV) de la Commission des Finances de la Région Ile-de-France

Président du think tank Novo Ideo (www.novo-ideo.fr)


 

 

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Commentaires 8
à écrit le 22/01/2013 à 1:13
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C'est drôle, quand on a à faire à un héritier de l'industrie dont le seul mérite est celui de sa naissance, les critiques s'estompent. Cette tribune porte un éclairage sur l'internet industriel qui doit attirer notre attention

à écrit le 21/01/2013 à 16:58
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Le parcours politique de M. J.M. Pasquet est suffisant pour obtenir un 1/4 de page dans la Tribune mais son parcours entreprise enlève de la crédibilité à ses propos. Des consommateurs appauvris, comme dans les défuntes républiques démocratiques de l...

le 21/01/2013 à 17:56
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Pour le coup son papier est très équilibré et ne mérite pas une telle infamie...

le 21/01/2013 à 21:29
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Malheureusement c'est la stricte vérité , Monsieur Pasquet est un haut fonctionnaire brillant et rêveur , mais il ne connait pas grand chose au fonctionnement d'une entreprise privée et encore moins à l'industrie.

à écrit le 21/01/2013 à 15:51
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Les ecolos sont des rouges déguisés en vert. C'est pas la peine de nous faire de belle tribune pour faire le contraire dans notre dos.

à écrit le 21/01/2013 à 15:38
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Très bien. bravo monsieur Pasquet !

à écrit le 21/01/2013 à 12:53
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je ne suis pas un fan d'EELV, mais je reconnais ici une tribune intelligente et bien argumenté, dont je partage de nombreux points.

à écrit le 21/01/2013 à 12:36
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Ca fait du bien de lire de telles choses. Merci pour cet espoir de réindustrialiser l'Europe et la France.

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