Carambar : les blagues les meilleures ... sont les plus courtes

La "poilade" de Carambar aura imparablement nourri le buzz sur les réseaux sociaux et dans les médias mais elle laisse un désagréable arrière-goût de marketing manipulatoire pas forcément très pertinent à terme.

Le compte à rebours s'est achevé et Carambar a jeté le masque. C'était donc une gigantesque blague : les plaisanteries potaches de la barre caramel continueront d'animer les cours de récré et les distributeurs automatiques. Le stratagème a parfaitement fonctionné mais il n'est pas sans soulever de cruciales questions déontologiques.


Corbeille pleine pour le marketing
D'un point de vue marketing et financier, les équipes de Mondelez (ex-Kraft Foods) peuvent se frotter les mains. Jamais une campagne publicitaire n'aura suscité autant de retombées médiatiques en si peu de temps. A peine était annoncée l'intention de supprimer les blagounettes des emballages Carambar que la presse a aussitôt embrayé avec moult questions et spéculations. Même les traditionnels JT de 20 heures des grandes chaînes pourtant plus restrictifs en matière de citation de marques y ont été de leurs reportages sur la fin programmée d'un mythe Carambar. S'il avait fallu débourser la même somme pour bénéficier de pareille exposition médiatique, le budget Carambar aurait probablement dû être décuplé pour s'assurer autant de contacts GRP* que ceux enregistrés ces derniers jours sans bourse délier.
Bingo identique sur les réseaux sociaux où il a seulement fallu la propagation d'un slogan énigmatique sur la page Facebook de la marque, d'une vidéo virale de 15 secondes et d'une photo de fac-similé de communiqué de presse pour faire s'enflammer et bruire la blogosphère. Entre cascades de tweets affolés à l'idée de perdre les blagues à deux sous de Carambar et floraisons luxuriantes de pages Facebook appelant à la mobilisation générale, le kilo de « RT » et de « likes » généré à profusion a soudainement pris de la valeur dans les tableaux Excel des services marketing. En plus de faire le plein de fans de la friandise, Carambar aura récolté assez d'informations pour élargir et affiner ses bases de données consommateurs à peu de frais. Bref, c'est le contrôleur de gestion et le chef de produit qui doivent jubiler devant ce buzz savamment orchestré et indéniablement réussi.


De grâce, on s'arrête là !
Il est pratiquement acquis que la supercherie de Carambar va inéluctablement créer des émules et inspirer des coups similaires au sein d'agences frustrées de ne pas avoir été à l'initiative de ce « coup de génie » marketing. Dans les mois qui viennent, il faudra probablement s'attendre à voir essaimer des tentatives de répliques virales version Carambar pour promouvoir tout et n'importe quoi. Les mêmes qui s'esclaffaient devant les futurs iPhone opportunément abandonnés dans un bar de geeks, auront forcément à c?ur de commettre à leur tour, leur petite imposture publicitaire à la Carambar, histoire d'espérer décrocher le trophée Tartempion du meilleur buzz dans les cérémonies professionnelles d'autocongratulation.


Les mêmes seraient pourtant inspirés de prendre un peu de recul et d'arrêter d'avoir les yeux hallucinés remplis de ROI** et KPIs*** à la lumière du cas Carambar. Certes, l'opération est un succès d'un point de vue strictement comptable. Mais est-ce pour autant un calcul pertinent à moyen terme ? En jouant avec duplicité sur la crédulité des internautes qui ont eux-mêmes tendance à croire plus spontanément ce qui circule sur Internet qu'ailleurs, le cas Carambar interpelle. Imaginer un teasing alléchant et exciter la curiosité font partie des ressorts classiques de la communication publicitaire. En revanche, mentir délibérément (même sous couvert au final de vaste plaisanterie) en sachant qu'il n'en est rien, est plutôt gênant et pose question d'un point de vue de déontologie professionnelle.
Dans le communiqué de presse officiel diffusé ce matin, Magali Mirault, responsable marketing de la marque justifie de façon primesautière son approche : « Chez Carambar, on a souhaité construire une prise de parole sympathique en sortant des stratégies traditionnelles. Au lieu de parler de nos blagues, on a préféré en faire une grande ». Soit ! Mais n'y avait-il pas d'autres moyens de créer le buzz et alimenter la sympathie plutôt que de fourvoyer volontairement les consommateurs sur des pistes factices ? La confiance est un pilier cardinal dans la relation qui unit une marque à sa communauté de consommateurs. L'esquive un peu facile de l'humour ne peut pas justifier toutes les balivernes à visée mercantile.


Les journalistes cocufiés ?
S'il est une autre catégorie d'acteurs qui a modérément goûté l'embrouille caramélisée, c'est bien celle des journalistes qui a foncé tête baissée dans le piège marketing tendu par Carambar. Cà et là, il y a certes bien eu quelques échos dans la presse s'interrogeant et suspectant un possible canular tendance numérique. Mais difficile d'aller plus loin dans les exégèses lorsqu'un porte-parole officiel de Mondelez répond très doctement et assurément au Huffington Post que l'extrême-onction marketing des blagues Carambar sera administrée le 15 avril. En ajoutant que celle-ci fait suite à des études marketing indiquant que ces mêmes blagues étaient devenues nuisibles pour l'image de la marque.
Même sur des sujets pouvant apparaître comme plus superfétatoires (il ne s'agissait après tout que d'un repositionnement marketing d'une marque qui ne bouleverse pas la face du monde !), il n'est pas vraiment conseillé de bâtir des relations presse en s'amusant à balader les médias. Surtout lorsque l'objectif intrinsèque est de surcroît de générer des retombées médiatiques à leurs dépens et avec une histoire gonflée comme un ballon de baudruche. Si ce jeu borderline a certes payé dans l'immédiat puisque la couverture médiatique fut maximale, il n'est pas certain que Mondelez et les marques de son portefeuille s'en trouvent gagnants à terme. Lors d'un prochain lancement ou pire d'une crise éclatant sur un des produits de l'entreprise, il subsistera inévitablement une défiance issue de cette supercherie rigolarde. Et là, la blague pourrait vite tourner au jeu de massacre médiatique !

*GRP : Le Gross Rating Point est un indice qui mesure la pression d'une campagne publicitaire sur une cible définie
**ROI : Le Return On Investment établit un ratio de valorisation entre argent investi et argent gagné
***KPI : Le Key Performance Indicator est un indice qui sert à mesurer l'atteinte d'un objectif spécifique


* Ancien journaliste, Olivier Cimelière a été directeur de la communication de plusieurs groupes internationaux. Il est président fondateur d'Heuristik Communication, cabinet de conseil en stratégie de communication et de réputation, et auteur du Blog du Communicant 2.0
 

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Commentaires 17
à écrit le 09/05/2013 à 18:13
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too good comme ont dit en anglais trop bon carambar il fait partie de mes bonbons préférée

à écrit le 09/05/2013 à 18:11
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too good comme ont dirait en anglais trop bon carambar il fait partie de mes bonbons préférée

à écrit le 31/03/2013 à 18:53
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Les carambar sont trop bon !!! MMMM!!!

à écrit le 30/03/2013 à 13:36
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Et oui, nous sommes dans une société où le premier degré est roi, ou tout va trop vite, flux et reflux des infos etc...Je n'ai même pas eu le temps de faire mon illustration que la fin des blagues, le pot aux roses et 160000 commentaires sont déjà en...

à écrit le 29/03/2013 à 14:39
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Je pense qu'un sentiment de honte plane sur les journalistes. Au lieu de parler de la vraie information comme vous devriez le faire, vous préférez parler de carambars et de la fin des blagues (on a même eu le droit à des reportages d'itélé et de BFM)...

à écrit le 28/03/2013 à 13:42
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C'était plutôt bien vu finalement : une blague ... sur des blagues ! Mais gare à ceux qui tenteraient d'utiliser le même système par la suite, çà se retournera très probablement contre eux (par exemple le gars qui veut nous faire croire que le chômag...

le 28/03/2013 à 18:44
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ça c'est dit Photoscope! m is gars mi fille

le 28/03/2013 à 18:44
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ça c'est dit Photoscope! m is gars mi fille

à écrit le 28/03/2013 à 12:04
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la cohérence est indéniable, brillante. Carambar a le droit de faire ça, personne ne pourra leur en vouloir d'avoir manipulé les médias qui sont de grands manipulateurs. En revanche, pour La Tribune par ex., les blagues ne sont autorisées que le 1er ...

à écrit le 28/03/2013 à 9:48
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tres tres bien joué de la part de carambar , une bonne pub gratos ... une bonne blague ... c'est de bonne guerre ... VIVA CARAMBAR

à écrit le 28/03/2013 à 9:47
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Y a rien de malsain dans cette blague, moi j'ai trouvé ça bon, ça a fait le buzz, c'était le but.

à écrit le 28/03/2013 à 9:44
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cette pub était excellente bien qu'un peu grosse au regard des interventions que carambar lui meme a faites : perso j'avais deviné tout de suite . En tenir rigueur à carambar c'est vraiment ne pas avoir le sens de l'humour, et les journalistes qui n'...

à écrit le 28/03/2013 à 9:16
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Allez, ne faîtes pas la fine bouche. Plutôt que de faire de grands discours, vous feriez mieux d'avouer qu'on vous a pris pour des c..., une fois de plus, et cela devrait vous faire réfléchir ! Quid de l'investigation ? Vous savez, ce terme qui consi...

le 28/03/2013 à 9:41
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Les médias n'auraient aucun mal à être beaux joueurs s'ils s'étaient vraiment fourvoyés. Mais là, ils ont précisément fit l'effort de vérifier auprès des porte-paroles de l'entreprise pour s'asurer de la véracité ou non de l'intention affichée par Ca...

le 28/03/2013 à 10:03
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En même temps s'ils avaient lancés cette campagne en balançant au premier journaliste venu que c'était faux, quel intérêt ? Je suis d'accord avec le commentaire au dessus. Les journaliste l'ont mauvaise de s'être fait berner de la sorte, c'est tout !

à écrit le 28/03/2013 à 9:00
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Pas si sur qu ' à la fin cette blague profite à Carambach!!!les français adorent les blagues!!mais n aiment pas être pris pour des imbéciles!!!et c est un peu le cas là!!!

à écrit le 28/03/2013 à 8:42
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c est une blague et une bonne pub il ni a rien de méchant et si les vente reprennent de plus belle et bien c est bon pour les ouvriers

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