Cession de PME : «L'essentiel, c'est le changement de culture ! »

L'obligation d'information préalable des salariés, préconisée par le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire de Benoît Hamon, fait bondir le patronat. Elle pourrait pourtant engendrer une nouvelle dynamique entrepreneuriale, bénéfique pour l'emploi.
De gauche à droite, Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine./ DR

Les objectifs du projet de loi sur l'économie sociale et solidaire (ESS) justifient l'alourdissement de quelques formalités: c'est l'opinion des économistes Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine*, cofondateurs d'Odyssem, collectif d'entrepreneurs au service de l'innovation sociale.

>> Lire aussi: Le gouvernement aux petits soins pour l'économie sociale et solidaire

LA TRIBUNE - Que pensez-vous de l'obligation d'informer préalablement les salariés en cas de cession de PME qui figure dans le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire de Benoît Hamon?

Collectif Odyssem - Trouver un repreneur adapté peut parfois être problématique pour le cédant. Informer les salariés du projet de cession représente donc avant tout une opportunité: celle d'augmenter les chances de réussite de l'opération, car les travailleurs sont souvent les mieux placés pour reprendre l'entreprise. On ouvre ainsi la porte à de nouvelles dynamiques entrepreneuriales, avec un objectif principal: maintenir voire créer de l'emploi.

L'intérêt de ce nouveau droit des salariés vient toutefois aussi de son contexte. En reconnaissant l'apport social et économique de l'ESS, le projet de loi aura l'effet de la valoriser et de la rendre plus attractive. Surtout, la loi ouvrira de nouveaux champs d'action pour tous ceux qui choisiront d'associer activité économique et valeur sociale.

>> Lire aussi: Cession de PME: si l'information préalable des salariés devenait obligatoire...

Des entreprises ont déjà été transmises aux salariés sans besoin d'obligation d'information... cette consécration législative est-elle vraiment nécessaire?

Des exemples de reprises d'entreprises par les salariés, qui fonctionnent d'ailleurs très bien, existent évidemment déjà. Mais il s'agit de cas marginaux, rendus possibles grâce à des dirigeants ou travailleurs particulièrement proactifs. La plupart du temps on ne pense même pas à cette solution! La procédure préconisée par le projet de loi incitera à y réfléchir systématiquement, sans pour autant affaiblir ce qui déjà existe. L'essentiel, c'est le changement de culture qu'elle induit, car quand on pense que quelque chose est possible, assez souvent elle le devient.

Le risque que la nouvelle procédure ralentisse voire entrave la transmission vous paraît-il réel ?

On peut comprendre les craintes patronales, notamment celle que le processus de cession, normalement confidentiel, soit fragilisé. Mais les salariés sont tenus par une obligation de discrétion. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, d'ailleurs, ceux-ci sont déjà informés des projets de reprise, au travers du comité d'entreprise. Le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire ne fait qu'étendre cette possibilité d'information, et donc les chances de rachat, aux salariés des plus petites entreprises, qui constituent le tissu économique de la France et un bassin d'emploi très important. Certes, la loi introduit une contrainte supplémentaire... mais son poids n'est pas excessif si rapporté aux enjeux!

Les délais accordés aux salariés seront-ils suffisants ?

Si les salariés partent de zéro, construire un projet solide en deux mois risque d'être difficile. Cependant, sur le long terme, la nouvelle loi finira par induire un changement culturel : les salariés comme les dirigeants et les propriétaires apprendront à anticiper.

Un véritable droit de préemption aurait-il été préférable ?

Une telle solution, proposée initialement, aurait probablement été trop contraignante. L'idée finalement retenue, d'un simple droit d'information, est plus mesurée et respecte mieux la liberté entrepreneuriale du cédant comme des salariés. Elle a le mérite d'inciter au dialogue.

La solution retenue est-elle vraiment la meilleure pour faciliter la reprise de l'entreprise par les salariés ?

Toute réforme implique des risques et des ajustements, tout texte de loi pourrait être amélioré, mais il ne faut pas insister seulement sur les critiques et les craintes. L'équilibre atteint est d'ailleurs très raisonnable: sans efforts excessifs, les effets positifs peuvent être sensibles. Ceux qui veulent s'investir le pourront.

* Amandine Barthélémy, Sophie Keller et Romain Slitine sont également experts-associés à l'Essec et enseignants à Sciences-Po Paris et Lille. Ils ont publié ensemble L'économie qu'on aime ! Relocalisations, création d'emplois, croissance: de nouvelles solutions face à la crise, éditions Rue de l'Echiquier, mai 2013.

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Commentaires 23
à écrit le 09/02/2014 à 3:15
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Tout à fait d'accord avec la prise de position courageuse de ces professeurs! Faisons confiance aux entreprises et aux salariés en France

à écrit le 27/07/2013 à 16:10
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Belle tribune! Je ne comprends pas les sarcasmes des uns et des autres. Pour une fois que l'on salue des initiatives qui visent l'utilité sociale avant le profit, la qualité des rapports humains plutôt que les relations en entreprises qui ressemblent...

à écrit le 27/07/2013 à 8:41
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ces ronds de cuir ont plein de bonnees idees, mais ils n'ont jamais du vendre d'etreprise... oui si vraiment le chef d'entreprise n'a personne pour la reprise, il pourra tjs en dernier recours demander a ses salaries si ca les interesse, mais comme c...

à écrit le 27/07/2013 à 7:00
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L'analyse est pertinente: cela fait plaisir d'avoir des économistes qui argumentent précisément leurs propos et sortent de la pensée unique. La loi sur l'ESS est pour une fois une loi qui va dans le sens d'une vraie recherche de transformation. C'est...

à écrit le 26/07/2013 à 20:23
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Les représentants du patronat disent qu'ils veulent défendre l'emploi...mais quand une mesure pourrait permettre d'en sauver, ils tirent à boulets rouges...ils ne sont pas à une contradiction près...

à écrit le 26/07/2013 à 14:08
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La vente d?une petite structure, c?est aussi une affaire d?opportunité. Un arrière projet de longue date non finalisé, un acquéreur, une proposition d?offre très intéressante un compromis..C?est fini et tout peu aller très vite. Comme vous pouvez, v...

à écrit le 26/07/2013 à 12:59
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Beaucoup d'idées recues dans les commentaires; Il est possible de travailler autrement, il faut y croire!

à écrit le 26/07/2013 à 12:37
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Le gouvernement souhaite adopter un projet de loi visant à détruire l'économie française et nos emplois. Le gouvernement français, par la personne de Benoit Hamon essaie de faire passer un projet de loi (loi ESS) qui va accélérer la destruction de n...

à écrit le 25/07/2013 à 17:18
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Belle et courageuse prise de position, bien argumentée. Oui l'intelligence collective et la coopération est souvent la clé du succès!

à écrit le 25/07/2013 à 16:21
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En premier lieu vendre son entreprise, c'est d'abord en faire estimer sa valeur.Puis ,lorsque cette valeur est estimée ,on peut diviser par le nombre de salariés pour savoir qu'elle serrait la part de chacun.Dans le cas de dizaines de milliers d'? vo...

à écrit le 25/07/2013 à 16:16
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J'entends ce que disent les commentaires. Mais il est un problème qu'ils méconnaissent : 90% des entreprises françaises ne sont pas vendables! Enorme et pourtant vrai. Bien entendu les CCI disent le contraire pour tenter de motiver quelques rêveurs. ...

à écrit le 25/07/2013 à 15:47
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Une idée de communiste ! se sont-ils posés la question de la motivation des chefs d'entreprise? bouc émissaire de tous les maux, rançonnable à merci pour payer la générosité d'un système social et d'un Etat en faillite...En France , les chefs d'entre...

à écrit le 25/07/2013 à 14:17
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Le problème est que c'est encore une lois, une obligation une lourdeur. Si je veux vendre mon entreprise j'en parle au personnes intéressées mais surtout capable d'assurer la pérennité de l?entreprise sur le long terme.Mais le plus urgent pour le mo...

à écrit le 25/07/2013 à 12:56
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Globalement, il s'agit de plomber encore plus les entrepreneurs, ou de les dissuader de s'installer en France. Je pense que ça va marcher...

à écrit le 25/07/2013 à 12:49
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Bien souvent, dans certains domaines d'activité, c'est une mauvaise nouvelle pour les clients que d'entendre qu'un fournisseur est à vendre. Ce genre d'information ne s'ébruite pas parce que les clients s'inquiètent de connaitre la continuité donnée ...

à écrit le 25/07/2013 à 11:46
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Les patrons de PME savent très bien si un de leur salarié est prêt et veut reprendre la boutique. Cette loi va générer des difficultés supplémentaire et encore accroitre les risques dans les cession. Que se passera-t-il si la fameuse "information p...

à écrit le 25/07/2013 à 11:36
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C'est une contrainte évidente! Malheureusement, ces économistes n'ont jamais mis un pied dans une entreprise ou même intégré un processus de rachats. Des universitaires sans expériences professionnelles... Il aurait été judicieux de travailler sur de...

à écrit le 25/07/2013 à 10:15
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c'est là que l'on comprend que nos enfants reçoivent de mauvaises formations : être formés par des profs qui ne sont jamais rentrés dans une entreprise ne facilitent pas la création ou la reprise d'entreprise

à écrit le 25/07/2013 à 9:53
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Je suis assez d'accord avec l'analyse de ces économistes sur le fait que la confiance doit être au centre des échanges dans les entreprises. Je suis chef d'entreprise et cela pourrait m'intéresser de revendre à mes salariés. Après c'est vrai que cett...

à écrit le 25/07/2013 à 9:23
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Ce qui est contradictoire mais qui ne choque ni le ministre ni ces éminents experts c'est de proner la simplification administrative d'un coté ce qui est louable et d'un autre dans rajouter une couche en matière d'obligations !!! Qui dit obligations...

à écrit le 25/07/2013 à 9:23
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C'est toujours touchant de voir quelques jeunes diplômés fonctionnaires expliquer ce qu'est l'entreprise. L'entreprise, c'est tellement bien qu'ils préfèrent enseigner. Cela ne les empêche pas d'expliquer ce que ça devrait être, encore mieux. C'est c...

à écrit le 25/07/2013 à 9:08
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Naïveté touchante. Pour toute une partie de la population le salarié est à l'origine du succès d'une entreprise (jamais des échecs d'ailleurs). Une entreprise, c'est des idées qui rencontrent un besoin et arrivent à le satisfaire. Pour faire Google o...

à écrit le 25/07/2013 à 8:56
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Interview intéressante qui donne une autre perspective sur cette question délicate où le point ?equilibre doit être trouvé. L'idée, comme le proposent les auteurs, est de passer de la confrontation au dialogue.

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