Le phénix Suntech et la restructuration industrielle en Chine

La faillite de l'ancien numéro un mondial des panneaux photovoltaïques aurait pu être interprétée comme le signe de l'abandon par les autorités de ce secteur en surcapacité. En fait, il n'en est rien. Par Jean-François Dufour, directeur DCA Chine Analyse

En mars 2013, la faillite de SunTech, ancien numéro un mondial des panneaux photovoltaïques, avait été interprétée de manières opposées - comme le signal d'un changement d'attitude des autorités chinoises vis-à-vis des secteurs industriels en surcapacité, ou comme une manœuvre de restructuration pilotée par les mêmes autorités. Le montage en cours pour la reprise des actifs de SunTech valide aujourd'hui la deuxième interprétation, à moins d'un revirement qui indiquerait un réel changement de politique.

Victime de son surendettement, et de l'effondrement des prix lié à des surcapacités qu'il avait amplement participé à créer, SunTech, emblème de la réussite industrielle chinoise d'initiative privée, qui s'était hissé au premier rang mondial de l'industrie photovoltaïque en seulement dix ans d'existence, a été mis en liquidation en mars 2013. Mais son outil de production n'a pas disparu pour autant. Et tout est prêt aujourd'hui pour assurer sa reprise, avec une solution locale validée par ses liquidateurs.

Une affaire locale

Le groupe qui devrait reprendre les principaux actifs de Suntech - des capacités de production annuelle pour 2.000 MW, des droits de propriété intellectuelle, et des capacités de Recherche-Développement - est côté à Hongkong. Mais dans les faits, Shunfeng Photovoltaïc est un voisin de SunTech : son siège, à Changzhou (Jiangsu), est situé, dans la même province, à 60 kilomètres de Wuxi, base de l'ancien numéro un.

Pour assurer que l'avenir de l'ex-SunTech reste local, la société Guolian, structure d'investissement de la municipalité de Wuxi, a par ailleurs annoncé qu'elle était prête à investir 150 millions de dollars pour soutenir son redémarrage. Et ce, bien que sa propre offre de reprise ait été écartée par les liquidateurs au profit de celle de Shunfeng.

Effort public

Si Shunfeng a été préféré à Guolian, et à d'autres producteurs photovoltaïques semi-publics qui avaient déposé des offres, c'est parce que le groupe, à actionnariat majoritairement privé, amènerait pour relancer SunTech de l'argent extérieur au secteur public.

Par contre, l'opération impliquerait pour réussir un effort important des banques publiques créditrices de SunTech. Shunfeng a en effet prévu de miser 490 millions de dollars pour l'acquisition de SunTech, endetté à hauteur de 1,750 milliard de dollars auprès d'une dizaine de banques chinoises. Ces dernières devraient donc renoncer à environ 70% de la valeur de leurs créances pour que l'opération puisse se faire. Avant d'être, probablement, sollicitées à nouveau, puisque le projet de reprise de Shunfeng inclut un deuxième volet de 500 millions de dollars, destiné à la modernisation des chaînes de production, qui serait certainement financé par de l'emprunt bancaire.

Nouveau marché domestique

L'autre argument qui a pesé en faveur de Shunfeng, c'est que le groupe, jusqu'alors marginal dans la production de cellules et panneaux (ses ventes en 2012 représentaient 10% seulement de celles de SunTech), s'est par contre engagé récemment dans la construction de centrales photovoltaïques.

Il a ainsi toutes les chances de gérer le marché pour sa propre production, en se « branchant » sur l'énorme programme de développement domestique de l'énergie photovoltaïque lancé par la Chine en 2012, pour contrebalancer l'effondrement des marchés d'exportation. Révisé à la hausse à plusieurs reprises, ce programme prévoit de multiplier par cinq la capacité de production photovoltaïque installée en Chine, pour la hausser à 35 MW dès 2015.

Echéance déterminante

Tout est donc en place pour que l'outil de production de SunTech soit repris par des capitaux chinois, et sauvé par la politique industrielle chinoise.

Il reste cependant une possibilité que le montage échoue. Celui-ci est en effet soumis à l'approbation des créditeurs de SunTech, qui devraient se prononcer, mi-novembre, au lendemain d'un Plenum du Comité central du Parti communiste chinois présenté comme devant donner un nouvel élan aux réformes économiques.

Les banques publiques qui se prononceront alors, le feront forcément sur instructions du pouvoir. Si elles rejetaient le plan de reprise de l'activité de SunTech soigneusement élaboré par les acteurs locaux, il y aurait là un réel signe de changement de politique des autorités centrales.

Celles-ci marqueraient en effet ainsi une volonté concrète, par-delà les discours, de réduire les surcapacités de production qui grèvent le secteur photovoltaïque comme de nombreux autres secteurs industriels chinois. Et d'assumer une confrontation directe avec les décideurs politiques régionaux, à l'œuvre derrière le projet de reprise de SunTech, et pour qui la priorité absolue reste le maintien de l'activité industrielle locale.

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Commentaires 2
à écrit le 07/11/2013 à 10:19
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35MW de solaire photovoltaïque installé en Chine en 2015? C'est tout petit..., même pas petit, microscopique, négligeable...

le 08/11/2013 à 10:32
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Remarque tout à fait judicieuse qui met en relief une faute de frappe que je n'avais pas vu : il s'agit bien sûr de 35 GW (soit 35.000 MW) à l'échéance 2015. Désolé ...

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