Il est possible de sortir de la déflation, mais la BCE ne fera pas tout pour

La zone euro est aujourd'hui en déflation, situation où les taux d'intérêt sont si faibles qu'ils ne peuvent plus être diminués pour tenir compte de l'absence de hausse des prix. Des solutions existent, mais elles ont peu de chances d'être exploitées. Par Patrick Artus, directeur des études économiques, Natixis
La zone euro est aujourd'hui en déflation, on peut l'en sortir via une véritable politique monétaire de Quantitative easing, mais la BCE ne le fera pas

Même si les membres du conseil de la BCE nient que ce soit le cas, la zone euro est en déflation. La définition précise d'une déflation est en effet la suivante : c'est une situation où l'inflation devient si basse que les taux d'intérêt nominaux ne peuvent plus suivre à la baisse l'inflation et que les taux d'intérêt réels (corrigés de l'inflation) augmentent alors que l'activité économique est faible. Cette hausse des taux d'intérêt est dramatique puisqu'elle déprime davantage encore la demande et qu'elle dégrade la solvabilité des emprunteurs, publics ou privés.

Hausse des taux d'intérêt réels dans la zone euro

La zone euro est bien aujourd'hui dans cette situation : inflation de 0,7% avec un taux d'intérêt à 10 ans pour l'ensemble des pays de la zone euro de 3,2% ; donc un taux d'intérêt réel à long terme de 2,5% alors que la croissance est négative, et qu'il y a un an le taux d'intérêt réel à long terme n'était que de 0,9%. La situation est encore pire dans les pays du Sud de la zone euro : taux d'intérêt réel à 10 ans de 4,4% en Espagne avec une croissance 2013 de -1,3% ; taux d'intérêt réel à 10 ans de 3,4% en Italie avec une croissance 2013 de -1,9%. Ceci compromet la reprise économique et entraîne une hausse très rapide du taux d'endettement public par rapport au PIB : de près de 6 points en Espagne, de 7 points en Italie.

 Première piste, déprécier l'euro...

Il faut donc absolument que la BCE sorte la zone euro de cette dynamique déflationniste ; mais que peut-elle faire ? Son refus d'accepter l'idée que la zone euro est en déflation ne cache-t-il pas simplement que la BCE ne sait pas quoi faire pour la sortir de la déflation ? La théorie économique s'est longuement penchée sur la question des politiques à mener pour sortir un pays d'une déflation. Quelles sont les pistes ? Déprécier fortement le taux de change pour soutenir la demande et faire remonter l'inflation. Mais d'une part l'Allemagne n'a pas objectivement intérêt à ce que l'euro soit faible, puisqu'elle importe énormément de composants en provenance du reste du Monde, d'autre part que peut faire la BCE pour déprécier l'euro alors qu'il ne reste presque plus de marge de baisse des taux d'intérêt ?

 Le "Quantitative Easing": la BCE réticente

La piste suivante est le Quantitative Easing, c'est-à-dire une création monétaire très rapide due essentiellement à l'achat de titres publics par la Banque Centrale. La Banque du Japon a suivi cette piste avec succès : l'énorme création monétaire a fait remonter l'inflation anticipée puis l'inflation effective, a conduit à une nette dépréciation du yen. Mais on connaît les réticences de la BCE vis-à-vis du Quantitative Easing.

Pour qu'il soit de grande taille, il doit être basé sur l'achat de dettes publiques, les dettes privées achetables par la Banque Centrale étant de trop petite taille. Il y a donc nécessairement monétisation des dettes publiques, et pour être efficace surtout des dettes publiques des pays du sud de la zone euro, ce que rejette le BCE, avec sa hantise qui est d'inciter les gouvernements à ne pas mener les politiques de consolidation fiscale nécessaires.

 Vers des politiques monétaires peu ambitieuses

Que va-t-il alors se passer ? La BCE va probablement mener des politiques d'assouplissement monétaire peu ambitieuses : nouveaux "repos" à long terme peut-être ; petite baisse des taux directeurs (10 points de base). Ceci ne suffira pas à faire remonter l'inflation ou à faire baisser significativement les taux d'intérêt à long terme des pays périphériques. Les investisseurs vont peut-être alors réaliser que la croissance de 2014 va être plus faible que celle qu'ils attendent, que les taux d'endettement publics des pays périphériques vont continuer à augmenter rapidement. Cette prise de conscience n'est pas encore présente aujourd'hui.

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Commentaires 3
à écrit le 05/12/2013 à 11:40
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une belle analyse , l'euro est trop cher et avec la déflation il nous fait faire du surplace , pis nous risquons de devenir comme le japon .. 15 de déflation au japon , une dette colossale qui est a la limite de l'explosion quand la panique gagnera l...

le 05/12/2013 à 16:30
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Très bon commentaire que je partage totalement.

le 05/12/2013 à 17:37
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+1. On ne veut pas sortir de l'orthodoxie et depuis 5 ans on applique de "vieilles récentes" qui ne marchent pas dans une économie en quasi dépression (dans certains coins d'Europe on ne peut pas dire autre chose) quasi déflation et ou toute liquidit...

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