Les risques d'une généralisation des médicaments "biosimilaires"

Les médicaments biosimilaires peuvent être désormais vendus par les pharmaciens en substitution à ceux prescrits. Une décision gouvernementale prématurée, alors que la réflexion n'a pas été conduite sur le positionnement de ces médicaments dans les stratégies thérapeutiques. par Samuel Limat, chef du pôle pharmaceutique au CHU de Besançon et Xavier Pïvot, professeur de cancérologie au CHU de Besançon

La discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 a rappelé les défis permanents auxquels nos dirigeants sont confrontés : assurer une nécessaire maîtrise des dépenses de santé, garantir la qualité et la sécurité des soins et enfin offrir à la population un accès équitable à l'innovation thérapeutique.

Or, l'article 47 de ce texte, qui ouvre la substitution en primo-prescription par le pharmacien (officine ou hospitalier) d'un médicament biologique, par un nouveau type de médicaments, les biosimilaires, a été voté malgré les réserves émises par de nombreuses voix, de la majorité comme de l'opposition parlementaires. Un éclairage sur les enjeux de sa mise en application semble essentiel afin de mieux comprendre les conséquences directes de ces nouvelles dispositions intégrées au code de la santé publique, pour les professionnels de santé surtout pour les patients.

A la recherche d'économies

Le développement de médicaments biosimilaires et les économies en résultant, permettront à l'évidence le financement de nouvelles innovations thérapeutiques. Leur intégration aux pratiques médicales quotidiennes peut parfaitement s'inscrire dans une dynamique positive de progrès médical. La proposition d'une substitution (sur le modèle connu des médicaments génériques) vise sans doute à favoriser l'émergence rapide des biosimilaires en France.

Pour autant, la nature même de ces médicaments impose une réflexion scientifique quant à leur positionnement dans les stratégies thérapeutiques actuelles. La question est d'autant plus brulante que l'offre s'élargit très rapidement. Si les médicaments biosimilaires sont pour l'heure limités à des traitements de support comme l'EPO, ils vont sous 18 mois offrir une alternative potentielle à des molécules majeures qui ont marqué par leurs efficacités les années 2000, en cancérologie et dans des maladies chroniques invalidantes.

Face à de tels bouleversements, la question d'une substitution paraît à la fois restrictive et prématurée. L'enjeu collectif est de positionner convenablement les biosimilaires, afin d'obtenir un succès économique et médical.

La biologie au cœur du progrès thérapeutique 

Pour toutes les spécialités médicales, les innovations récentes reposent dans la majorité des cas sur le développement de médicaments biologiques. Ces approches thérapeutiques supportent en grande partie le concept de médecine personnalisée.

Le développement de médicaments biosimilaires répond à la volonté internationale de disposer de leviers économiques, en favorisant l'émergence de traitements biologiques à coûts plus faibles. Face à l'inadéquation croissante entre les besoins et les ressources allouées à la santé, il est légitime de soutenir le recours aux biosimilaires, avec la même logique économique que celle des médicaments génériques substitués aux médicaments princeps.

Toutefois, la méthode utilisée pour les génériques ne peut être transposée aux biosimilaires. Les biomédicaments sont le fruit d'une innovation technologique et médicale basée sur une production issue du vivant (production à partir de cultures bactériennes modifiées génétiquement) et par conséquent très complexes à réaliser et à reproduire, comme l'a justement souligné l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Si les processus de fabrication chimiques sont aisément reproductibles, les actifs vivants sont soumis à des aléas et nécessitent expertise et précision. Comme l'indique l'étymologie, un biosimilaire ressemble au médicament princeps mais ne lui est pas strictement identique. On parle donc logiquement de biosimilaire, et non de biogénérique. L'Europe a d'ailleurs émis des recommandations spécifiques pour chaque classe de biosimilaires, et impose des études cliniques dédiées dans la mesure où il n'est pas possible de créer des copies conformes de biomédicaments.

La substitution ne devrait pas être systématique

A l'heure de la médecine personnalisée moderne, l'arrivée des biosimilaires est un véritable challenge pour l'ensemble des acteurs. En cancérologie, les progrès ont été obtenus progressivement, par paliers successifs, pour aujourd'hui révolutionner le pronostic et les chances de guérison. Le traitement individuel proposé à chaque patient répond à de nombreux paramètres, et repose sur des protocoles très précis issus de la recherche clinique. Afin de garantir la meilleure prise en charge à chaque malade, les autorités sanitaires ont imposé au travers des Plans Cancer successifs des décisions pluridisciplinaires de traitement, résultant de l'expertise combinée de plusieurs spécialités médicales. Face à un tel niveau d'exigences scientifiques, l'éventualité d'une substitution par un médicament biosimilaire paraît décalée, alors même qu'elle est impossible en France pour des médicaments conventionnels plus semblables les uns aux autres. Les médicaments biosimilaires sont de vrais médicaments, validés selon des standards de qualité internationaux, et il ne s'agit pas de remettre en cause leur efficacité intrinsèque. Néanmoins, le fait qu'ils soient similaires et non strictement équivalents présente une marge d'incertitude d'efficacité et de tolérance qui doit être prise en compte dans l'accompagnement de l'arrivée de ce nouveau type de médicament.

Un positionnement progressif et réfléchi pour chaque molécule

L'enjeu collectif est bien d'intégrer les médicaments biosimilaires aux pratiques quotidiennes. Un positionnement progressif et réfléchi de chaque molécule, encadré par une démarche scientifique et pluridisciplinaire, semble plus adapté que des substitutions individuelles et aléatoires. Concernant l'incitation des professionnels de santé, plusieurs dispositifs encadrent déjà le financement de l'innovation à l'hôpital, et sont à même de promouvoir directement ou indirectement les médicaments biosimilaires.

La loi de financement de la sécurité sociale doit s'inscrire dans le principe de précaution. Le développement des biosimilaires est légitime et doit être conduit avec force et conviction. Il convient toutefois de prendre le temps de la réflexion pour trouver une tactique gagnante sur un terrain scientifique plus complexe que le générique. Les biosimilaires ne doivent pas être uniquement un outil d'ajustement économique, mais devraient plutôt s'intégrer dans une gouvernance médico-économique.

Xavier Pivot est Professeur de cancérologie au CHU de Besançon, chef du pôle de cancérologie de l'Institut régional de Franche Comté

Samuel Limat est Professeur de Pharmacie Clinique, Chef du pôle pharmaceutique au CHU de Besançon

 

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Commentaires 5
à écrit le 10/01/2014 à 10:08
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Mais qu'est ce qu'un medicament biologique ? un medicament bio-similaire ?

le 13/01/2014 à 13:39
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Un médicament biologique est une substance produite à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant ou dérivée de ceux-ci. Les vaccins, les facteurs de croissance ou les médicaments dérivés du sang sont des exemples de produits biologiques. Un médic...

à écrit le 10/01/2014 à 9:58
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C'est bien ça, à condition de pouvoir payer le pharmacien en pseudo-€uros.

à écrit le 09/01/2014 à 21:32
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Les pauvres chéris...le plus simple c'est de ne garder qu'in seul producteur....mais de lui imposer le prix que la societe civile veut ou peut payer : cest si simple !

le 10/01/2014 à 10:36
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Gpatord Hé oui la vie c'est si simple n'est-ce pas.

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