Baisse des charges : des pistes pour de véritables contreparties

Quelles peuvent être les contreparties à la baisse des charges? Même si elles sont complexes à mettre en place, plusieurs pistes peuvent être empruntées. Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Personne ne sait de combien sera l'allègement des charges des entreprises, puisque le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) est susceptible d'être modifié, voire supprimé, selon le Président de la République. Personne ne sait quelles catégories d'entreprises seront principalement bénéficiaires, le CICE ne jouant que pour les bas salaires, contrairement aux cotisations familiales. Si ce sont les entreprises rémunérant autour du Smic, l'effet sur l'emploi pourrait être plus fort qu'en cas de répartition proportionnelle aux salaires versés, ce qui serait plus favorable aux entreprises exportatrices. Pourtant, le débat sur les "contreparties" pour les entreprises bat son plein dans une grande confusion.

Mieux que le papa Yvon...

Le premier à ouvrir indirectement le débat a été le Président du Medef, Pierre Gattaz, a annoncé haut qu'il y aurait cent mille créations d'emplois si les charges des entreprises étaient réduites de cent milliards. Mieux que le papa Yvon, qui promettait -avec le succès que l'on sait- moitié moins si l'on supprimait l'autorisation préalable de licenciement. Les cabinets de communication sont passés par là, cent mille, c'est un chiffre rond, qui frappe les esprits. Et comme personne ne peut donner le « bon » chiffre…. Lorsque l'on a parlé de transformer ce chiffre en engagement, plus personne, plus rien. Il n'est pas question que les entreprises prennent un quelconque engagement quantitatif, proclame haut et fort le même Pierre Gattaz. La sagesse reprend le dessus.

François Hollande en dévot de Jean-Baptiste Say

Le second est le président de la république qui a posé l'équation : baisse des charges=création d'emplois. On ne savait pas que François Hollande fût un dévot de Jean - Baptiste Say et de la théorie de l'offre. Le problème est que cette équation ne se vérifie pas, au moins à court terme.

Une diminution des charges peut contribuer à la création d'emplois, si la marge bénéficiaire accrue est utilisée, soit à baisser les prix entraînant une augmentation de la part de marché, soit à développer l'investissement et les capacités de production entraînant une augmentation des ventes. La variable clé est toujours, in fine, la demande solvable et les commandes. Un tel processus n'est pas immédiat et relève plutôt du moyen terme.

Signer un engagement chiffré dans de telles conditions, est un leurre, car d'ici là beaucoup d'autres facteurs seront intervenus sur les marchés (croissance, inflation, taux d'intérêt…) et pèseront sur les décisions des entreprises. De plus, le « moyen terme » est une notion ignorée de la classe politique parce que non « vendable » D'un point de vue tactique, les acteurs peuvent trouver qu'ils ont intérêt à signer un chiffon de papier, des « contrats de cette nature étant très difficile à vérifier et de tels engagements ne liant que ceux qui y croient.

Contreparties : lesquelles?

Le président a fait beaucoup d'émules, puisque les commentateurs débattent sans fin sur les chiffres. Cela veut il dire qu'aucune contrepartie à la baisse des charges n'est possible? Non, il en existe mais leur explicitation et leur contrôle sont complexe.

Premières « contreparties »:  éviter le plus possible «  les pertes en ligne » D'abord sous forme de dividendes versés aux actionnaires ; ce pourrait être enfin le moment de moduler l'impôt sur les sociétés et de détaxer les bénéfices réinvestis. Puis sous forme de salaires ; ce serait une politique de Gribouille du point de vue de la compétitivité d'alléger les charges fiscales pour augmenter les charges salariales. C'est pourtant ce qu'a laissé entendre le président de la république lors de sa première intervention.

La productivité, un point délicat à aborder dans les discussions entre partenaires sociaux

L' « avantage accordé » aux entreprises serait rapidement effacé. Cela semble déjà être le cas pour le CICE. Lorsque les entreprises accroissent des hausses de salaires supérieures à la croissance de la productivité en volume, elles consomment leur « avantage ». Or la productivité n'augmente plus que faiblement, du fait, notamment, du faible niveau des investissements (0,7% l'an depuis les années 200). Mais toutes les entreprises ne calculent pas leur variation de productivité en volume et par tête. Ce point politiquement et sociale ment délicat est à aborder dans les discussions avec les organisations professionnelles et syndicales.

 Des contreparties positives, pour la stabilité de l'emploi

Secondes contreparties, celles-là positives sont à chercher du côté de la stabilité de l'emploi. Il serait demandé aux entreprises bénéficiaires des diminutions de charge qui auraient des excédents de main d'œuvre de recourir uniquement pendant une période à déterminer au chômage partiel, dont l'indemnisation a été améliorée. Il est impératif sur le plan social et du point de vue de la compétitivité de conserver l'acquis d'expérience et de connaissance de notre force de travail. L'exemple allemand est instructif.

Un effort en matière de formation

Troisièmes contreparties dans la perspective de la compétitivité, mais ce coup ci « hors prix » incluant qualité, innovation, spécialisation, négligée jusqu'ici. Parallèlement à la baisse de leurs charges fiscales, les entreprises amélioreraient la qualification de leur main d'œuvre par un effort accru dans la formation professionnelle, l'apprentissage et l'alternance. On ne cessera jamais assez de répéter qu' « il n'est de richesse que d'hommes » et que le niveau de formation des Français, jeunes ou adultes, est insuffisant pour un pays développé.

Un contrôle difficile à mettre en place

Un contrôle de la mise en œuvre de ces contreparties est-il possible sans mettre en place une usine à gaz que supporteraient mal les entreprises et qui serait peu efficace? Une évaluation de cette politique confiée au commissariat général à la stratégie et à la prospective, qui a parmi ses missions l'évaluation et la concertation, ce qui est pratiqué pour le CICE, est certes possible et souhaitable. Mais c'est une opération dont les résultats ne sont connus qu'au bout de quelques années, lorsque le contexte politique, économique et financier aura sensiblement changé.

 L'instituer au niveau de l'entreprise

Le dispositif le plus efficace se situe au niveau de l'entreprise. On aurait pu croire qu'un gouvernement de gauche franchirait une étape significative dans le développement des dispositifs d'association des salariés à la vie des entreprises et que des formules, types conseils de surveillance se multiplieraient. Puisqu'on demande beaucoup aux salariés, les écouter est le moins que l'on puisse faire. Dans son rapport, Louis Gallois avait fait des propositions pour élargir les conseils d'administration aux représentants des salariés. Il n'a été que très partiellement suivi. Ce sont donc les comités d'entreprise qui devraient être consultés sur le volume et la qualité des contreparties. Le débat serait obligatoire et en l'absence d'accord, le conseil d'administration trancherait.

 N'est pas de Gaulle qui veut...

Quelques phrases dans une conférence de presse sont-elles le bon vecteur pour lancer une réforme aussi complexe et majeur dans le domaine jugé le plus important par nos concitoyens ? On peut en douter. Le général de Gaulle, avec un talent exceptionnel, a su utiliser la conférence de presse pour traiter le problème algérien mais nous étions dans la pure politique. Sur un sujet économique et social impliquant directement les entreprises et les syndicats, une phase préalable de contacts discrets et de discussions techniques avec quelques interlocuteurs bien choisis eut été bien utile. Mais en 2014, la discrétion est sortie du champ politique. On ne peut procéder que par des coups médiatiques. Le spectacle, toujours le spectacle. Dans un premier temps, l'artiste est applaudi, admiré, Jean-Pierre Raffarin annonce qu'il va voter la confiance. Mais après…tout est à faire.

 

Pierre- Yves Cossé

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Commentaires 13
à écrit le 04/03/2014 à 15:58
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contrepartie principale=éviter le dépôt de bilan à de nombreuses entreprises malades. ( A condition que ces baisses de charges reflètent de réels économies sur les dépenses de l'état car d'une manière ou d'une autre, au final, c'est toujours l'activ...

à écrit le 29/01/2014 à 8:17
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100 milliards pour 100 000 emplois???? Ça fait des emplois à 1 000 000 l'unité .... WTF??? Y'en aurait pas qui s’apprêteraient déjà à s'en mettre plein les poches?

à écrit le 27/01/2014 à 15:22
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Développer son entreprise rapporte plus d'"emmerdes que de bénéfice,alors tant que travailler plus et vendre plus c'est pour gagner moins ,ça marchera pas

à écrit le 27/01/2014 à 15:20
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Enfummage!pendant ce temps,l'état embauche des fonctionnaires,de petits malins partent en retraite a 50 ans et moins,les agences d'état croissent.Bref la dette continue a exploser.La baisse des charges se fera par le travail au noir au point ou en es...

à écrit le 27/01/2014 à 14:58
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Inutile de s'arracher les cheveux, pour le moment et depuis un an et demi, les paroles se succèdent dans tous les sens...

à écrit le 27/01/2014 à 14:02
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Fin 2012, Hollande surtaxe les entreprises françaises de 30 milliards supplémentaires, en échange d'emplois d'avenir ( en 2013) et d'un CICE différé à mi-2014 ! Pour compléter l'arnaque, il veut échanger 30 milliards de baisse de charges (répartis su...

le 27/01/2014 à 14:49
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Et vous qu'avez vous à proposer à part vos bobards.

le 27/01/2014 à 15:14
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lorsque la main d'œuvre rapporte plus qu'elle ne coute,il y a embauche,si elle coute plus aucun patron fait couler son entreprise pour les bla bla de Hollande

le 31/01/2014 à 23:12
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Non lorsque la main d'oeuvre rapporte plus qu'elle ne coûte il n'y a pas nécessairement embauche. Il n'y a embauche que s'il y a davantage de travail non automatisable généré par des commandes nouvelles c'est tout. Donc la seule chose qu'on puisse de...

le 04/03/2014 à 16:27
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super pour theophile qui résume bien les choses; après on peut rajouter qu'il serait complètement irresponsable d'inciter les entreprises à embaucher pour autre chose qu'un besoin propre à celles-ci.

à écrit le 27/01/2014 à 12:02
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Vous avez raison. Nous sommes dans la société du spectacle et du paraître. Mais les questions économiques se posent et se résolvent sur le long terme. Le rôle du président, assurer le spectacle pendant que le travail progresse, est de plus en plus ce...

à écrit le 27/01/2014 à 11:20
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M.Cossé c'est des fonctionnaires comme vous ! qui ont sabordé la France depuis 30 ans ...ancien commissaire au plan en économie socialiste...? ou en économie dirigée...? ou les deux...?

le 27/01/2014 à 18:00
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