La retraite, le rôle de l'entreprise et... le syndrome de Cronos

La question de la longévité au travail et du financement d'un revenu décent à la retraite se pose de façon de plus en plus criante. Alors que le marché de l'emploi exclut de plus en plus et les jeunes et les seniors, il faut des solutions innovantes, associant tous les protagonistes. Par Simon Desrochers, directeur général chez Tower Watson France.
Les défis que pose l'allongement de la durée de la vie sont une opportunité pour repenser les parcours de carrière./ DR

Ce n'est un secret pour personne : en France ainsi que dans de nombreux pays de la « vieille » Europe, la population vieillit et vivra de plus en plus longtemps. Les chiffres sont sans équivoque!: l'espérance de vie lors du départ à la retraite est passée de dix à trente ans en quelques décennies. Les dépenses en soins de santé ont crû de 11,5 % depuis cinq ans et sont les plus coûteuses dans les cinq dernières années de vie. En 2050, 32% de la population sera âgée de plus de 60 ans, dont la moitié de plus de 75 ans, triplant ainsi la part du PIB consacrée à la perte d'autonomie. Un constat synonyme de triple peine pour la jeunesse française : contribuer au financement de la retraite de ses aînés, financer sa propre retraite et entrer sur le marché du travail alors que l'accès à l'emploi s'est considérablement rigidifié.

Cronos, le Roi des Titans, manga ses enfants car il en avait peur

Comment répondre à ces enjeux de longévité tout en assurant l'avenir de nos enfants ? On se souvient du mythe de Cronos, ce roi des Titans qui mangea ses enfants de peur qu'ils ne prennent sa place jusqu'à être détrôné par son fils Zeus et jeté dans les profondeurs du Tartare. La question qui se pose à nous aujourd'hui est bien celle-là : voulons-nous tout « garder » pour nous ou sommes-nous prêts à faire évoluer notre système social pour préserver les générations futures ?

Les défis que pose la longévité peuvent aussi être considérés comme une formidable opportunité pour innover : repenser les parcours de carrière, imaginer de nouvelles formes de travail, concevoir de nouveaux modèles de rémunération, repenser la protection sociale des salariés, innover dans l'offre produits pour répondre aux nouveaux besoins de consommation : autant de pistes de réflexion qui méritent d'être explorées et pour lesquelles l'entreprise est au coeur du débat car elle en sera elle aussi bénéficiaire.

Voici quatre exemples d'évolutions structurelles possibles pour transformer cette peur du déclin en opportunité de changement grâce et au bénéfice de l'entreprise.

Mieux prévenir les risques de santé et assurer le bien-être au travail

 L'entreprise peut sensibiliser ses salariés et leur organiser un cadre de travail favorisant l'hygiène de vie grâce aux technologies actuelles et selon les évolutions de nos sociétés. Elle a également tout avantage à intégrer la prévention dans ses politiques de gestion de son capital humain car cette prévention est synonyme de diminution des dépenses en prévoyance (dépistages, vaccins, ergonomie du poste de travail). Son rôle dans la couverture collective doit par ailleurs être reconnu à travers l'apport de produits innovants proposés par les assureurs. Enfin, il faut faire plus de place aux crèches d'entreprise, aux services de conciergerie, aux activités sportives ou artistiques pour dynamiser les salariés et leur offrir un cadre de travail synonyme de productivité.

Repenser les processus de gestion des carrières, de rémunération et de formation

Nous sommes entrés dans une économie où les parcours en entreprise se construisent par projet et non plus selon des plans de carrière. Aux entreprises de dynamiser la coopération intergénérationnelle plutôt que de chercher des fausses alternatives au départ à la retraite anticipée des seniors. À elles aussi de favoriser la mobilité horizontale en interne pour faire face aux contraintes budgétaires de recrutement, de structurer les processus de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) afin d'optimiser leur patrimoine de talents, car le capital humain est devenu un enjeu aussi stratégique que le retour sur investissement du capital financier !

Aider les salariés à construire leur retraite sereinement

La problématique des retraites doit être une réflexion collective où chacun doit comprendre que tous les acteurs économiques ont un rôle à jouer. L'entreprise doit être le troisième pilier permettant aux deux premiers sécurité sociale et régimes complémentaires ; marché de l'emploi et système de retraite de rester debout. Prenons l'exemple d'un jeune salarié : aujourd'hui, bien souvent, il ne connaît même pas les régimes supplémentaires de retraite collective. Mais, demain, de tels dispositifs se généraliseront. Ce même salarié pourrait cotiser chaque année 10 % de son salaire lui permettant d'ici son départ à la retraite de se constituer un complément de retraite à hauteur de 14 % de son salaire de fin de carrière. Tous les cinq ans, à partir de 40 ans, son bilan de retraite individuelle lui permettrait de faire le point sur sa situation et de planifier, avec la direction des ressources humaines, son départ de l'entreprise.

Se pencher sur de nouvelles formes d'épargne longue, individuelle ou collective

La longévité peut enfin être considérée comme une nouvelle forme d'inflation dès lors que le financement des besoins du retraité devient supérieur à ses revenus et entraîne une ponction de son patrimoine ou une aide financière de ses enfants. Il devient donc nécessaire de créer de nouveaux produits financiers innovants, générant de la performance durant la vie active mais aussi pendant la retraite, afin de répondre ainsi au besoin d'épargne-santé des retraités. À ce titre, nous devons considérer à sa juste valeur le rôle du retraité, véritable acteur économique épargnant pour les générations futures. Un retraité « réserviste » et investisseur et non une charge !

Nous sommes face à un choix de société : la France est un pays de tradition jacobine, mais entre l'individu et l'État, il y a dans le quotidien des 23,7 millions de salariés un acteur prépondérant, l'entreprise. Celle-ci est une partie prenante de la vie sociale et elle peut être un atout pour notre système social. Avec un peu de bonne volonté...

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Commentaires 6
à écrit le 22/02/2014 à 10:15
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que du baratin? dans 20ans il y auras moins de retraite du fait de la decroissance naturel des personnes ne du babyboun???

à écrit le 11/02/2014 à 19:05
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Que de beau mots dommage qu'il y en ait si peux de réalisable pour la plupart des salariés... Comment pouvoir préparer sa retraite sereinement quand on bosse encore 39 heures par semaine et qu'on arrive toujours pas a joindre les deux bouts...

à écrit le 11/02/2014 à 15:06
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Mr Desrochers, vous confondez CRONOS et CHRONOS; Voir Wikipedia, si vous ne faites pas la différence. Cordialement

à écrit le 11/02/2014 à 11:54
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On veut, soi-disant, régler le problème du chômage mais on ne se donne pas la politique adéquate en diminuant le nombre d'actif ou/et en augmentant le nombre de poste, par contre l'immigration est toujours d'actualité!

à écrit le 11/02/2014 à 11:02
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Si le pays était prospère, il n'y aurait pas de problèmes de retraite.

à écrit le 11/02/2014 à 9:06
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Comment ose t'on plébisciter une retraite à rallonge ?

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