Culture financière : les Français peuvent mieux faire, les conseillers financiers aussi

Les français ont une forte méconnaissance des mécanismes économiques et financiers les plus élémentaires. Et ce sont les personnes les plus éduquées financièrement qui consultent les professionnels financiers, alors qu'elles en ont le moins besoin. Par Majdi Debbich, PSE-Ecole d'économie de Paris

Les conseillers financiers ont du souci à se faire. En janvier dernier un accord sur la révision de la directive concernant les marchés d'instruments financiers (MIF) a marqué un nouveau pas vers une protection accrue des investisseurs individuels en limitant les commissions perçues par les conseillers financiers. Ce renforcement de la régulation est le bienvenu alors que les ménages français ont une forte méconnaissance des mécanismes économiques et financiers les plus élémentaires, comme l'ont déjà montré les études du CREDOC et de la chaire Banques populaires à Audencia.

Les résultats de l'enquête réalisée en 2011 par Luc Arrondel et André Masson en partenariat avec l'institut TNS-Sofrès1 viennent confirmer cette tendance. Plus d'un français sur deux (52%) ne maîtrise pas la notion d'intérêts composés pourtant fondamentale lors de la souscription d'un crédit ou d'un produit d'épargne. Plus étonnant encore, alors que la question du pouvoir d'achat occupe souvent les débats politiques notamment en période électorale, 39% des français ne semblent pas comprendre l'effet de l'inflation sur leur pouvoir d'achat. Enfin, un tiers des français (33%) ne saisit pas l'intérêt de diversifier son portefeuille alors même que le sens commun voudrait qu'on ne mette pas tous ses œufs dans le même panier.

Les types de questions posées

Faites vous-même le test avec les trois questions popularisées par l'économiste Annamaria Lusardi et reprises dans l'enquête de L. Arrondel et A. Masson (les bonnes réponses sont reportées en fin d'article (2) ) :

-         Prenons l'hypothèse que vous ayez déposé 1000 € sur un compte épargne ayant un rendement de 2% par an. Selon vous, au bout de 5 ans, combien détiendrez-vous sur votre compte épargne si vous n'avez pas touché à votre dépôt initial : moins de 1100 euros…1100 euros…plus de 1100 euros ?

-         Imaginez que le taux d'intérêt auquel est rémunéré votre épargne, placée sur un compte, soit de 1% et l'inflation de 2% par an. Selon vous, au bout de 1 an, avec l'argent sur ce compte, vous serez en mesure d'acheter : moins qu'aujourd'hui…exactement comme aujourd'hui…plus qu'aujourd'hui ?

-         Il est moins risqué de détenir des actions que des parts dans une SICAV ou un Fonds Commun de Placement : vrai…ou…faux ?

Si elle peut paraître réductrice, cette méthode d'évaluation a le mérite d'aborder des notions financières fondamentales qui définissent un « niveau de survie » tout en permettant des comparaisons au niveau international. Dans le domaine de l'éducation financière aussi nos voisins allemands font en moyenne mieux que nous avec respectivement 82%, 78% et 62% de réponses correctes à chaque question. Il en va de même pour les néerlandais et les américains. Heureusement nous pouvons nous rassurer avec les piètres performances des italiens et des russes qui nous permettent de nous situer dans la moyenne internationale.

Pourquoi est-il important de maîtriser ces notions et outils ?

Même si le lien de cause à effet est toujours difficile à établir, de nombreuses études ont montré qu'il existe une relation entre le niveau d'éducation financière d'un individu et ses comportements financiers toutes choses égales par ailleurs. Les personnes dont le niveau d'éducation financière est faible ont tendance à épargner moins que la moyenne, en particulier pour leur retraite (3). Ils diversifient moins leur patrimoine, accumulent moins de richesse et ont une probabilité plus importante de se trouver en situation de surendettement. Dans ce contexte, on pourrait penser qu'il est intéressant pour ces ménages de se tourner vers des professionnels comme les conseillers clientèle de nos banques de détail ou encore les conseillers en investissements financiers (CIF).

Le paradoxe du système actuel : les clients les plus « éduqués »… sont les mieux conseillés !

Or, l'enquête réalisée par L. Arrondel et A. Masson montre que les individus qui consultent le plus les conseillers financiers sont ceux qui a priori en ont le moins besoin, c'est-à-dire les individus dont le niveau d'éducation financière est le plus élevé toutes choses égales par ailleurs. Alors pourquoi ce paradoxe ? Parce que les rémunérations des conseillers financiers dépendent en partie des commissions perçues sur la vente de produits financiers sous la forme de rétrocessions de commissions pour les CIF et sous forme plus ou moins directe pour les conseillers bancaires.

Face à un client qui ne saisit pas toutes les subtilités des produits financiers, un conseiller n'aura donc aucun intérêt à vendre un produit faiblement commissionné quand bien même celui-ci serait plus adapté. Les ménages dont la culture financière est la plus faible le savent et nourrissent une défiance à l'égard des experts financiers auxquels ils font peu appel (4).

Cela a deux conséquences majeures, d'une part les conseillers financiers ne sont pas aussi utiles qu'ils ne devraient l'être aux ménages qui en ont le plus besoin, d'autre part les conseillers financiers tendent à accroître le fossé entre investisseurs éduqués et moins éduqués financièrement.

Quelles solutions envisager ?

D'abord, il faudrait renforcer l'éducation financière des ménages en s'assurant que les individus maîtrisent le plus tôt possible des notions aussi indispensables que celles des intérêts composés, de l'inflation ou encore de la diversification des risques. Ensuite, il faudrait agir sur le volet de la régulation. La nouvelle directive MIF II prévoit un meilleur encadrement des rémunérations des conseillers en investissements financiers dits « indépendants » mais on devrait aussi mieux réguler les modalités de rémunération à l'acte de vente des conseillers bancaires. Ainsi on endiguera plus largement les problèmes de conflits d'intérêts liés aux activités de vente et de conseil pour permettre au plus grand nombre d'accéder à une information financière fiable.

Les mesures d'exécution de la directive MIF II n'ont pas encore vu le jour mais l'accord de principe intervenu en janvier dernier stipule expressément que la structure des honoraires et rémunérations des conseillers ne doit pas faire obstacle à la délivrance de conseils objectifs et indépendants. Gageons que les mesures d'exécution accorderont une attention particulière non pas seulement aux CIF mais aussi aux conseillers clientèle des banques de détail.

 

 1. Enquête PATER réalisée par Luc Arrondel (CNRS-PSE) et André Masson (CNRS-PSE, EHESS) en partenariat avec TNS-Sofrès en 2011 auprès d'un échantillon de 3.616 ménages représentatif de la population française. Avec le concours financier du Cepremap, de la société Harvest, de l'institut CDC pour la recherche et de la chaire Groupama "Les particuliers face au risque".

2. Réponses : plus de 1100 ; moins qu'aujourd'hui ; faux

3. Luc Arrondel, Majdi Debbich et Frédérique Savignac "Financial literacy and financial planning in France". Numeracy. 2013, 6(2) art.8

4. Majdi Debbich "Why financial advice cannot substitute for financial literacy ?", forthcoming

 

pse2

Plus d'informations sur le site de Paris School of Economics

 

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Commentaires 31
à écrit le 06/03/2014 à 9:21
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Un article surprenant et concis

à écrit le 05/03/2014 à 1:27
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Étude complètement bidon.

à écrit le 04/03/2014 à 14:19
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Quand même, c'est simplement des questions de bon sens élémentaire . Je comprends maintenant pourquoi n'importe quelle bêtise politique trouve des électeurs pour la soutenir !!! Cela fait froid dans le dos pour la lucidité démocratique....

à écrit le 04/03/2014 à 13:25
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Découvrir que ce sont les plus fortunés qui sont le mieux informés et formés et l'inverse ne semble guère poser question. Quant aux français "moyens" que voulez-vous qu'ils en fassent? Ils n'ont aucun moyen de négocier quoi que ce soit, si ce n'est ...

à écrit le 04/03/2014 à 13:03
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Parler de culture, c'est déjà sussurer que cela puisse relever de l'anthropologie... Dans ce cas, peut-être faudrait-il questionner sur la nature des totems et tabous ;-) En chemin, peut-être faudrait-il taxer (encore) davantage l'immobilier (rente c...

à écrit le 04/03/2014 à 12:25
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les français et les conseillers sont perdus, et que dire des sois disant economiste... c'est le docteur tant pis et le docteur tant mieux..! ainsi personne ne nous explique pourquoi,alors que la plupart des etat sont endetter a plus ou egale a 100%...

le 05/03/2014 à 15:41
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"Certains investisseurs prêtent à perte à certains états." C'est l'enfance de l'Art : Carry-Trade ...je prête pas cher , mais je loue mon argent beaucoup moins cher encore... :-) Cet argent provient alors soit des QE américains soit des LTRO Europé...

à écrit le 04/03/2014 à 11:52
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Je comprends parfaitement que les Français les moins aguerris aux mécanismes financièrs ne demandent pas conseil à des "professionnels". Ma banque m'a un jour proposé un contrat d'assurance vie. Les explications du "conseiller" étaient très optimiste...

à écrit le 04/03/2014 à 11:41
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Pourquoi imiter le mouton et s’insurger, comme tous ceux qu’on entend crier fort (ceux qui parlent le plus fort sont souvent ceux qui n’ont rien à dire), contre les conseillers en investissements financiers ? Parce que c’est facile et que c’est franç...

le 04/03/2014 à 11:57
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Je partage absolument vos vues sur la question. Sans oublier que la France a besoin d'un actionnariat stable au sein de ses sociétés qui sont appelées à grandir. Le préambule à tout cela est la maîtrise de l'information , et donc l'expression mais ...

à écrit le 04/03/2014 à 11:17
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ah les français ! s'ils n'existaient pas , ils faudraient les inventer a grand coup d'ogm et de gpa !!!! les francais n'ont pas de culture economique ... mais c'est bien connu le milliards de chinois connaissent le manuel de la finance par coeur comm...

à écrit le 04/03/2014 à 10:44
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Ce doctorant me semble prétentieux vu qu'il porte un jugement alors qu'il n'a aucun dossier scientifique qui lui le permet.

le 04/03/2014 à 11:07
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La statistique par le sondage malgré la faiblesse de l'échantillon considéré est rigoureusement scientifique et si plus d'un français sur deux interrogé ne maïtrise pas le calcul d'intérêts composés, cela illustre parfaitement la médiocrité de l'ense...

le 04/03/2014 à 11:38
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Il recrache un article publié dans la presse US.

le 04/03/2014 à 11:41
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Je suis d'accord avec Michel , notre système éducatif dans son quasi entier envoie les Français au feu sans les armes économiques de rigueur actuellement : Langues étrangères , cad l'anglais , expression écrite , capacités d'abstraction et mathématiq...

à écrit le 04/03/2014 à 10:26
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C'est l'echec d'un enseignemment public d'etat. Mieux vaux s'auto former à travers les medias, ou les entreprises ou faire comme nos amis Americains qui applaudissent chaque fois qu'il y a de la richesse créée

à écrit le 04/03/2014 à 9:27
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Ce qu'a écrit Michel ci dessous à 1 heure du matin est un parfait résumé du ''Mal français'' L'argent de certains riches placé depuis longtemps dans CARMAT va fondre. Alors que c'est un investissement plutôt ''moral'', je crains que l'on traite ces...

le 04/03/2014 à 15:37
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CARMAT a demandé la suspension pour ne pas subir la punition du marché suite à l'échec du coeur artificiel (patient décédé le 2 mars 2014) car au tarif pratiqué cela fait cher le jour de répit. Je soupçonnais un coup boursier derrière cette "première...

à écrit le 04/03/2014 à 9:21
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Regardez le manuel d'enseignement de l'économie de terminale ES. C'est un fatras absolu, et vous comprendrez tout de suite pourquoi le niveau d'éducation des français dans ce domaine est aussi minable.

à écrit le 04/03/2014 à 9:13
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On nous virtualise l'économie mais on ne crée pas de véritable richesse, tout se base sur la "croyance"! "Chose" qui peut disparaitre d'une minute à l'autre.

à écrit le 04/03/2014 à 9:05
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Le principe d'un crédit en France c'est l'amortissement dégressif, pas la composition d'intérêt.. Par ailleurs la MIF et tous les artifices législatifs du monde ne changeront rien à l'indigence du peuple français face aux questions économiques et fin...

le 04/03/2014 à 11:25
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Ah il est loin le temps des cours de couture et de gestion du budget familial de l'arriere grand mere .... Mais pour que des gentils employés et cadres de banques et de commerce en tout genre puissent faire du chiffre , il faut maintenir le plus poss...

le 04/03/2014 à 11:25
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Dégressifs, composés... c'est pareil les gens n'y comprennent rien. Quant à la MIF je partage votre avis!

le 04/03/2014 à 11:46
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Jacky Chan a parfaitement raison. La formation économique devrait figurer dans le socle commun , songez aux jeunes entrepreneurs qui sont confrontés à la gestion , pour laquelle ils n'ont pas été préparés. Cela est un minimum pour construire un espr...

le 04/03/2014 à 12:01
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Régression linéaire , représentation linéaire , représentation logarithmique , moyennes pondérées , système vectoriel auto-régressif... Hé , faut pas nous prendre pour des nullosses !!!

à écrit le 04/03/2014 à 9:02
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Quand on a écouté les discours de la professeur d'économie (Arthaud ?) lors de la dernière campagne électorale on comprend la gravité de la situation de l'enseignement en France !!

à écrit le 04/03/2014 à 8:58
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Les dirigeants préférent maintenir le peuple dans l'ignorance de l'économie. Si le "bon peuple" comprenait que leur assurance-vie en euro ne vaudra bientôt pas plus que les emprunts russes de 1917, que deviendrait le cours des obligations du trésor...

à écrit le 04/03/2014 à 8:06
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Les Français peuvent mieux faire. Mais votre article ne pouvait être pire.

à écrit le 04/03/2014 à 7:08
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les français beneficient (pour combien de temps encore) d'un système de retraitear répartition. Ils ne sont pas obligés de laisser leurs économies dans un fond de pension. Ce qui les exonère de comprendre les mécanismes financiers des pourris qui jou...

à écrit le 04/03/2014 à 0:56
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Les français méprisent les riches et la finance, c'est culturel... quand les anglosaxons embrassent la richesse et la réussite sociale. Du point de vue français il est plus facile de pointer un responsable pour ses propres échecs plutôt que de travai...

le 04/03/2014 à 11:37
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Les anglo-saxons aiment ce qu'ils n'ont pas , alors que Nous , Français ( Moi presque ) , nous ne nous soucions que de Gloire Industrielle. Concorde , Airbus , Peugeot-Dongfeng , Renault...Et d'autres vont suivre...

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