Partenariats public privé, en finir avec les poncifs

Les partenariats public privés sont de plus en plus dénoncés comme désavantageant les collectivités qui y ont recours. Quelle est la réalité de ces critiques? Par Jean-Marc Peyrical, avocat, directeur de l'Institut du Droit public des affaires

Souvent regroupé sous le terme générique de partenariats public-privé (PPP) , le contrat de partenariat, qui existe dans notre système juridique depuis 10 ans, est une procédure qui permet à une personne publique de confier à un opérateur privé une mission globale comportant des prestations de conception, de financement, de construction et d'entretien-maintenance d'un ouvrage ou d'un équipement destinés à être utilisés par ladite personne publique en contrepartie du versement d'un loyer à l'opérateur.

 Un tir croisé de critiques

Bien qu' à ce jour des dizaines de contrats de ce type aient étés signés tant au niveau national que local, et qu'une grande majorité d'entre eux n'ait pas soulevé de problèmes particuliers tant au stade de leur passation que de leur exécution, ils font actuellement l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la Cour des Comptes (voir par exemple la partie de son rapport annuel 2014 sur les PPP du plan hôpital 2007 intitulé « une procédure mal maîtrisée »). On a même l'impression d'assister à une vindicte populaire particulièrement marquée contre ces contrats, un des derniers reportages télévisé qui leur a été consacré (PPP : un marché de dupes. ARTE/11 février - 22h35) étant un parfait révélateur de ce phénomène.

 Quelques vérités sur les PPP

De tels contrats méritent-ils une telle opprobre, et symbolisent-ils vraiment l'emprise soi-disant malsaine voire malfaisante des entreprises privées sur le secteur public et les décideurs politiques ? Comme pour toute chose, il faut raison garder. Et tenter, en toute neutralité et objectivité, de remettre les choses à leur place tout en rappelant des vérités toutes simples et pourtant trop souvent occultées.

1- Il n'y pas de solution miracle

 Le contrat de partenariat ne doit bien évidemment pas être appréhendé comme une solution miracle qui, d'un coup de baguette magique, mettrait fin à tous les maux - tant en termes de finances que d'organisation - susceptibles d'affecter les collectivités publiques. Il n'est qu'un outil contractuel à leur service parmi d'autres, à l'instar du marché public, de la convention de délégation de service public, de la concession de travaux, de la concession d'aménagement ou encore, sans être exhaustif, du bail emphytéotique administratif. Il appartient en fait à chaque collectivité, au cas par cas, projet par projet, de déterminer par un travail fin de comparaison avantages-inconvénients si le contrat de partenariat est à même d'être plus efficient que les autres, ce qui ne doit jamais être ni automatique ni acquis à l'avance. Et souscrire un contrat de partenariat uniquement pour des raisons budgétaires et donc d'étalement des dépenses dans le temps ne peut conduire qu'a des situations d'échec.

2- Bien cadrer le périmètre du contrat et surtout évaluer les capacités budgétaires

 La passation d'un contrat de partenariat ne doit pas faire oublier certains fondamentaux aux collectivités publiques. Ainsi, et même si la plupart des procédures applicables à ces contrats instaurent des séances de dialogue avec les entreprises candidates et permettent à ces dernières de faire évoluer et d'optimiser leurs offres, lesdites collectivités se doivent en amont de bien réfléchir et définir leurs besoins, en établissant notamment un programme technique et fonctionnel pour leur ouvrage en projet suffisamment précis et avancé et en cadrant le mieux possible le périmètre du futur contrat.

De même, elles devront être certaines - via par exemple la réalisation d'un audit avant le lancement du contrat - de leurs capacités budgétaires afin de pouvoir supporter dans le temps le coût du loyer résultant du contrat. La plupart des dérapages de contrats de partenariat récemment constatés et médiatisés s'explique en grande partie par le traitement plus que négligeant de ces deux impératifs…Le rapport de la Cour des Comptes susmentionnés relatifs aux PPP hospitaliers met d'ailleurs particulièrement l'accent sur des écueils trop souvent constatés comme celui relatif à l'engagement des procédures de façon trop précipitée ou encore aux enjeux financiers insuffisamment pris en compte.

3- Parer aux débordements, notamment aux dérapages dans le coût des travaux

Les entreprises privées n'étant pas des philanthropes, et toute structure à vocation commerciale ayant intrinsèquement vocation à faire des bénéfices, il appartient aux collectivités qui se lancent dans le contrat de partenariat de bien en maîtriser la procédure de A à Z et d'être suffisamment solides, notamment dans le cadre des discussions avec les candidats, pour éviter des débordements qui pourraient avoir un certain coût pour elles ; une telle logique n'étant d'ailleurs pas uniquement rattachée au contrat de partenariat et lié à tous les contrats publics et en premier lieu aux marchés de travaux dont la plupart se terminent en contentieux du fait des multiples dérapages constatés lors de leur exécution.

Une des clés à ce niveau est de bien se faire entourer par une équipe pluridisciplinaire d'assistants dont les compétences reconnues en droit, en finance, en technique ne pourront qu'être positives dans le cadre de la recherche de la nécessaire maîtrise du contrat, tant s'agissant de sa préparation (rédaction des clauses, cette étape « d'ingénierie contractuelle » étant essentielle) que de sa passation et de son exécution.

4- Un coût excessif?

La critique souvent avancée du coût excessif du contrat de partenariat au regard d'autres formules contractuelles, et notamment des marchés publics, est le plus souvent impossible à démontrer. Ce type de contrat étant par nature global et incluant, entre autres, des prestations de construction mais aussi de maintenance et d'entretien des équipements réalisés, il ne peut être comparé aux marchés publics de travaux qui ne comprennent justement pas ce dernier volet.

Et dès lors que bon nombre de collectivités n'ont pas vraiment pour habitude de consacrer d'importantes sommes, de manière pérenne et régulière dans le temps, à l'entretien de leur patrimoine bâti et qu'elles n'ont pas une vision très claire des coûts réels attachés à de telles prestations, on voit bien la limite d'une comparaison financière entre deux contrats qui n'ont tout simplement pas le même périmètre. A l'inverse de la critique ici évoquée, il y a même des contrats de partenariat qui, via le mécanisme des recettes dites « annexes », ne coûtent quasiment rien aux structures publiques. C'est le cas par exemple d'un contrat par lequel une entreprise a construit une salle polyvalente sport - spectacles et pour laquelle le loyer versé par la collectivité utilisatrice de cet équipement est compensé en tout ou partie par les recettes de la location -ou de la vente - de bureaux construits à proximité et dans le même temps par le titulaire du contrat ; un tel système de compensation et de recettes annexes étant irréalisable dans le cadre d'un marché public classique.

5- Des partenariats issus de collaborations de longue date entre public et privé

 Enfin, à une époque où, dans le cadre de projets particulièrement importants pour notre pays et pour son avenir - on pense par exemple au Grand Paris - il est impératif de tisser des liens et partenariats solides entre le secteur public et le secteur privé, la méfiance voire la défiance envers les opérateurs économiques qui transparaissent dans les critiques adressées aux contrats de partenariats n'est pas un signe très positif. Et il est paradoxal de stigmatiser des techniques contractuelles de financement privé d'équipements collectifs alors que, depuis le XIXème siècle, la quasi-totalité des équipements publics en France et dans nombre de pays Européens ont été réalisés par ce biais (via notamment le procédé de la concession) des réseaux ferroviaires, aéroportuaires et autoroutiers à ceux relatifs à l'eau, l'assainissement, le chauffage, le gaz et l'électricité en passant par les équipements sportifs, les ouvrages d'art, les usines de traitement des déchets, les parkings…

Énoncer que la seule façon pour une collectivité publique de se protéger de grands groupes qui seraient à la recherche permanente du profit maximal est de construire ses ouvrages et équipements elle-même, avec ses propres moyens, est un non-sens total dont l'histoire des relations contractuelles entre le public et le privé permet aisément et heureusement de démontrer l'inanité.

 Le fonctionnement des collectivités publiques peut-il être mis en cause?

Il semble ainsi que ce ne soit pas tant le contrat de partenariat lui-même qui nécessite une adaptation -même si toute évolution de la réglementation est toujours la bienvenue si elle est synonyme d'allègement et de simplification-mais plutôt le fonctionnement et l'organisation des collectivités publiques.

Pour faire à nouveau référence au rapport de la Cour des Comptes sur les PPP hospitaliers, tous les problèmes ne peuvent être imputés à la procédure des PPP et les personnes publiques doivent mieux préparer mais aussi sélectionner les opérations pouvant faire l'objet de ce type de contrat. Il est aussi nécessaire de mettre en place des «  études préalables plus complètes » ainsi qu'un  « accompagnement plus effectif des établissements ».Il ne faut donc pas se tromper de combat ni de cible et arrêter de se défausser sur un outil dont les déviances sont avant tout dues à ceux qui le mettent en pratique. Il y a pourtant urgence en la matière.

Pour prendre un seul exemple parmi des dizaines, une étude récente (voir www.capretraite.fr/etude.pdf.) a révélé qu'il manquait plus de 540.000 lits en maisons de retraites médicalisées d'ici 2040. Même s'il faut toujours prendre les chiffres avec précaution et s'il existe des alternatives en la matière comme l'assistance à domicile, ils témoignent de l'ardente nécessité de se mobiliser et de s'organiser afin qu' un outil comme le contrat de partenariat puisse être utilisé de la façon la plus efficiente possible pour remédier à des besoins d'une telle ampleur.

 

Jean-Marc PEYRICAL

Maître de conférences à l'Université Paris sud - Faculté Jean Monet de sceaux

Avocat à la Cour d'appel de Paris/ Directeur de l'Institut du Droit Public des Affaires

Membre animateur du cercle Colbert

Président de l'association pour l'achat dans les services publics

 

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