Nicolas Rousselet (G7) contre Nicolas Colin (The Family) : la bataille des deux France entrepreneuriales

La bataille des taxis continue sur le net. Alors que l’on attend le rapport du député PS Thomas Thévenoud nommé médiateur pour essayer de trouver une solution au conflit entre taxis et VTC (véhicule de tourisme avec chauffeur), la communauté des entrepreneurs a pris fait et cause sur les réseaux sociaux en faveur de Nicolas Colin et lance une pétition. L’auteur de l’article intitulé « Les fossoyeurs de l’innovation » qui lui a valu une plainte pour diffamation de Nicolas Rousselet, le patron des taxis G7 et une mise en examen en compagnie de Jean-Christophe Tortora, le président et directeur de la publication de La Tribune, lui a déjà répondu sur son blog (1). L’entrepreneur Jean-Christophe Despres tente ici de resituer la polémique dans son contexte.

A la suite de la mise en examen pour diffamation de la Tribune et de Nicolas Colin consécutive à une plainte du président de la société G7, la communauté FrenchTech s'enflamme et fait planer sur M. Rousselet, la perspective d'un effet Streisand (L'effet Streisand est un phénomène médiatique au cours duquel la volonté d'empêcher la divulgation d'informations que l'on aimerait garder cachées - qu'il s'agisse de simples rumeurs ou de faits vérifiés - déclenche le résultat inverse).

Hashtag #tousaveccolin, page Wikipédia de Nicolas Rousselet faisant déjà mention de l'affaire, pétition lancée auprès de la communauté des entrepreneurs sur change.org (2) ; les modernes auto-rebaptisés "Barbares" ont décidé de faire la peau des anciens non-revendiqués, coupables à leurs yeux d'atteintes à l'innovation et à la liberté d'expression. Comment ce mouvement microcosmique à première vue pourra peut-être devenir un tournant du capitalisme français ?

Les forces en présence

A notre droite, Nicolas Rousselet, 48 ans, diplômé d'HEC, membre du club le Siècle et fils de... Il a élargi et modernisé le groupe familial. Figure de proue de la bataille contre les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeurs), il peut affirmer crânement dans le journal Le Monde (08/02/2014) : "on a parmi les meilleurs taxis du monde". Son groupe gère, de manière exclusive, les réservations de 11 des 18.000 taxis en Ile de France.

A notre gauche, Nicolas Colin (1), 36 ans, ingénieur et inspecteur des finances, entrepreneur et membre de la CNIL, il est notamment l'auteur d'un rapport sur la fiscalité du numérique (avec Pierre Collin) et de l'essai "L'âge de la multitude" (avec Henri Verdier). Il définit l'innovation comme une rupture générant un nouveau modèle d'affaire et non d'un processus incrémental visant à générer des gains de productivité.

L'objet du "délit"

Nicolas Colin publie sur son blog une tribune appelée "Les fossoyeurs de l'innovation". Celle-ci prend appui sur une vidéo, quasi promotionnelle, au cours de laquelle Nicolas Rousselet développe sa vision de l'entreprise qu'il conduit et présente sa stratégie en faveur de l'innovation. Le post démonte alors, point par point, les arguments développés en montrant que G7 vise à préserver une rente de situation et se situe aux antipodes des véritables innovateurs du secteur (sociétés d'auto-partage, VTC). Colin utilise ici, exemples à l'appui, une grille de lecture qu'il applique régulièrement que ce soit dans ses publications que dans ses présentations "Les barbares attaquent" pour The Family. Virulent sur le fond, ce papier se tient loin de toute attaque personnelle et s'inscrit dans un combat idéologique en faveur de l'innovation "radicale".

Contestable, comme toute vision ; cette argumentation s'inscrit dans une certaine mystique schumpéterienne très répandue dans le milieu FrenchTech et aurait pu faire l'objet de discussion. Que faire en effet des artisans taxis ayant payé leur licence plus de 100.000 euros ? Gilles Babinet dans "La nouvelle ère numérique" propose par exemple des régulations transitoires. On aurait pu penser que les deux Nicolas se retrouveraient sur une estrade pour débattre. Et bien non, "l'offensé" a décidé de régler ça au prétoire ! Reprise par La Tribune, la contribution de Colin a déclenché l'ire de notre patron susceptible qui enverrait donc volontiers l'impudent aux mines de sel.

Rousselet s'est tuer

Ce réflexe hallucinant en dit plus sur la vision du monde de la vieille élite française que bien des ouvrages des Pinçon Charlot. "On peut parler de moi mais à condition d'en dire du bien, cher ami."

Simplement, il devient difficile de virer les patrons de médias quand ceux-ci s'appellent Zuckerberg ou Dorsey. Le précédent gouvernement a pu mesurer la capacité de nuisance, bien au delà de son audience dans la société, de la communauté des patrons du numérique. Nicolas Rousselet semble donc avoir marché sur son râteau. Les prochains jours pourraient pouvoir s'enclencher une machine infernale : reprise de l'histoire dans les  medias audiovisuels, mise en lumière des pratiques du groupe G7, possible appel au boycott de la compagnie. Un petit procès pour le principe qui pourrait s'avérer très coûteux. 

Face à ce sombre mais possible scénario, le patron de G7 peut redoubler de coups et faire jouer les cabinets de lobbying bien connus ou tenter d'entrer en conversation avec la multitude et retourner l'affaire à son avantage. Dans un monde où ce ne sont plus forcément les gros qui mangent les petits mais plutôt les rapides qui avalent les lents, M. Rousselet comme beaucoup de chefs d'entreprise français ferait bien de se mettre au diapason.

Jean-Christophe Despres est entrepreneur. Il a fondé plusieurs sociétés dans le domaine du numérique. Il préside, depuis 2003, Sopi Communication, première agence de marketing affinitaire en France @jcdsopi

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(1) Lire aussi la réponse de Nicolas Colin à Nicolas Rousselet sur son blog "l'Age de la multitude" : L'industrie du taxi à la frontière de l'innovation.

(2) Retrouvez ici la pétition lancée par les "Barbares" pour soutenir Nicolas Colin.

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Commentaires 10
à écrit le 27/05/2014 à 17:35
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La plupart des bobos parisien ou bourgeois de banlieue trouve normal que le prix de leur appartement ou maison est triple voir quadruplé en 20ans mais un taxi n'a pas me droit d'avoir une licence a 200000€ apres 40ans de service et aucune retraite!la...

à écrit le 21/04/2014 à 12:15
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11000 licence fois 240 000 euro. soit plus de 2 milliards d euro

à écrit le 19/04/2014 à 10:52
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Dans les débats actuels sur les taxis parisiens,l'achat de la licence est systématiquement présenté comme une charge qui les pénalise.Le prix de la licence était de 12 000 € en 1990,110 000 € en 2003 et 240 000 € en 2013,soit une revalorisation annue...

le 19/04/2014 à 14:57
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Vous montez une pyramide de Ponzi dans votre profession au grand bonheur de ceux qui prennent leur retraite, puis vous vous servez des derniers entrants à qui vous avez enfler 200 000 euros pour une autorisation administrative à la base gratuite pour...

le 19/04/2014 à 16:42
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pour rappel les licenses sont délivrées gratuitement ...

le 02/08/2014 à 22:54
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Bien sûr , ce n est pas la licence qui est vendue mais la clientèle !!!!!!!

à écrit le 18/04/2014 à 23:20
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Dans ce débat un truc toutefois, g7 s'est bien. Moi client moi satisfait. Rien a cirer du débat avec VTC, mes besoins sont couvert. Pour moi en tout cas.

le 21/04/2014 à 8:15
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OK mais A quel prix? a quelle attente? etc etc

à écrit le 18/04/2014 à 13:39
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Bravo... Dans la même dimension 10 ans après je remonte une entreprise et me retrouve non pas face à des "salauds de patrons" mais de rentiers... Les syndicats se trompent de combats, la France est sclérosée par des gens qui se qualifient d'entrepr...

le 30/12/2014 à 10:04
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Les taxis se sont ameliores et ont deoasses les VTCs. Ce sont les medias qui emflament les lobbys des multinationales qui financent les VTC

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