A quoi sert encore le parlement en matière sociale ?

Alors que le gouvernement délègue de plus en plus aux partenaires sociaux l'élaboration de la législation sociale, la question du rôle et de l'utilité des parlementaires -tout au moins dans ce domaine- est posée. Une dérive stoppée partiellement par le Conseil constitutionnel. Par François Taquet, professeur de droit social

Rares sont les décisions du conseil constitutionnel qui font l'objet de commentaires dans la presse. La décision rendue le 11 avril 2014 fait pourtant partie de celles là !

Que de fois nous nous sommes étonnés de la place que les partenaires sociaux tenaient dans l'élaboration des textes en matière sociale. Sans doute cette situation est elle liée à l'existence de l'article un du code du travail, voté en 2008 après le traumatisme du CPE, suivant lequel « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation ».

Certes nul ne peut être opposé au fait que les syndicats employeurs et salariés soient consultés sur des textes qui les concernent. Toutefois, plusieurs tempéraments doivent être apportés à cette affirmation. Sans doute parait il pour le moins étonnant pour le commun des mortels, de donner aux syndicats un poids inversement proportionnel à celui de leur représentativité. Ainsi, selon les statistiques notre pays n'aurait que 8% de salariés syndiqués, dont la moitié dans la fonction publique. C'est le pire des taux en Europe, le Danemark, la Suède et la Finlande pouvant se targuer de 70% de salariés syndiqués.

D'aucuns rétorqueront que les situations ne sont pas comparables puisque dans certains pays, l'octroi d'avantages matériels est lié à l'adhésion à un syndicat. Ceci est vrai. Mais cette vérité ne doit pas occulter le fait que les syndicats ouvriers français ont vu leurs effectifs fondre de moitié en 25 ans. Et que dire de la représentation des syndicats de salariés dans les PME et les TPE qui constituent la majeure partie des entreprises en France et qui est quasiment nulle, tout comme d'ailleurs le taux d'adhésion des patrons de ces entreprises à une organisation patronale. L'exercice du dialogue social avec des organisations pour le moins peu représentatives a donc ses limites ! On ne peut donc qu'être étonné de l'importance donnée aux accords signés par des syndicats qui ne représentent qu'eux même, au détriment de la représentation nationale.

Et pourtant, à y regarder de près, tous les grands textes sociaux (ex : loi de modernisation du marché du travail de 2008, loi de sécurisation de l'emploi de 2013, loi sur la formation professionnelle de 2014) suivent ce le même parcours chaotique : réunion entre les partenaires sociaux, accord pris au petit matin et rédigé dans un fiançais approximatif, transmission du texte au Parlement auquel il est demandé de ne rien changer y compris les dispositions les plus aberrantes ou inapplicables (ex : le temps partiel à 24 h minimum issu de la loi de sécurisation de l'emploi). Avec ce résultat pour le moins surprenant, dans un pays où l'emploi constitue la préoccupation majeure des citoyens, que le Parlement est totalement dépossédé de ses prérogatives !

Un chèque en blanc aux partenaires sociaux pour élaborer la loi: le conseil constitutionnel dit niet

Si ce fait est déjà scandaleux, l'arrêt du conseil constitutionnel visait une situation plus scandaleuse encore ! En effet, on se souvient que la loi de 2008 de modernisation du marché du travail avait entériné le portage salarial en en donnant une définition et en déléguant aux partenaires sociaux la mission d'organiser le portage salarial. Ce qui fut fait par un accord du 24 juin 2010 étendu en 2013. Pratiquement, le législateur donnait un chèque en blanc aux partenaires sociaux en transférant à ces derniers les compétences relevant de la loi. Le conseil constitutionnel ne pouvait logiquement admettre que la représentation nationale abandonne tous ses pouvoirs au profit des syndicats. Résultat : le Parlement doit se remettre au travail et fixer un minimum de règnes encadrant ce mode d'organisation du travail. !

Mais en allant plus loin, il y a réellement de quoi s'inquiéter. Entre un Parlement qui se fait dicter la loi par les partenaires sociaux ou une représentation nationale qui délègue ses pouvoirs aux syndicats professionnels, quelle est la place voire l'utilité des parlementaires ? A une heure où le gouvernement cherche à faire des économies, cette question n'est pas sans intérêt !

François Taquet, Professeur de Droit social, Avocat, Directeur scientifique du réseau GESICA (premier réseau international d'avocats francophones, crée en 1977, comptant aujourd'hui 2200 avocats répartis au sein de 250 cabinets en France et à l'étranger)

 

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Commentaires 6
à écrit le 25/04/2014 à 10:49
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Avec l'UE, le parlement national a de moins en moins de pouvoir mais ce n'est pas pour cela que les partenaire sociaux se renforcent, c'est surtout une manière de dissoudre tout contre pouvoir!

à écrit le 24/04/2014 à 19:27
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Quand 2 individus marchandent il arrive souvent que la nécessité oblige l un d eux à se soumettre . C est ce qu' espèrent nos dirigeants , les patrons étant en position de force il vaudra bien que les syndicats reculent . Dans cette affaire le consei...

à écrit le 24/04/2014 à 18:42
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A rien, sauf pour ceux qui y siègent et débitent leurs litanies insipides pour passer le temps ! Et encaisser en fin de mois, bien-sûr !

à écrit le 24/04/2014 à 16:46
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Le parlement ne sert strictement à rien, par contre il nous coûte beaucoup trop cher. Tous dehors et on serait un peu plus riche.

le 25/04/2014 à 11:33
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et s'il n'y avait que ceux là, à raboter !!!!!! on aurait même des EXEDENTS!! sans rire !!!!

à écrit le 24/04/2014 à 16:31
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Quelque soit sa source, si le droit social était appliqué correctement dans les entreprises en France , cela se saurait.

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