La croisade de Pascal Lamy

L'ex directeur de l'Organisation mondiale du Commerce se préoccupe du long terme. Une originalité, dans notre société court termiste. Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Pascal Lamy est un croisé de la Mondialisation, de l'Europe et de l'Equité. Cela fait plusieurs dizaines d'années qu'il est entré en croisade et il ne se lasse pas. Il agit, prêche et il écrit. Son verbe a la clarté et la précision de l'officier s'adressant à ses troupes avant le combat. Il accepte volontiers les questions et il fournit des réponses précises, qui sont sans appel et ne font jamais apparaître le doute. Le croisé bardé de Foi et de Raison n'hésite pas. Il s'affiche social- démocrate mais sa rigueur détonne, au moins en France. dans un parti, dont il a été un temps un dirigeant.

 Une espèce en voie d'extinction...

Pascal Lamy est aussi un haut fonctionnaire de classe internationale, qui honore la France et appartient à une espèce qui semble en voie d'extinction. Il aurait pu être président de la Commission Européenne, si Jacques Chirac, peu désireux que le laxisme français soit dénoncé par un compatriote n'appartenant pas à sa famille politique, ne s'y était opposé. Il a été « seulement » directeur du cabinet de Jacques Delors à Bruxelles, puis directeur de l'OMC (2005/2013), après un passage non contesté à la tête du Crédit Lyonnais. Dans ces différents postes, il a appris le monde et la négociation.

François Hollande mesurant en 2012 la gravité de la situation aurait pu le nommer Premier Ministre d'un « gouvernement de salut public » Cela aurait tangué mais des réformes auraient été mises sur les rails, la confiance serait là et le Président de la République ne serait pas à confondre éclaircie conjoncturelle et « retournement »

Libéré de son mandat de l'OMC depuis quelques mois, Pascal Lamy, ne reste pas passif, l'arme au pied, attendant que la République utilise ses talents, même si un simple poste de ministre ne l'intéresse plus. Il fait la campagne des Européennes, a publié « Quand la France s'éveillera » et présidé, sous la houlette de l'Université d'Oxford, un groupe d'experts qui a élaboré le rapport « Now for the long term » ( Octobre 2013) qui se situe à l'échelle mondiale et est centré sur nos obligations envers les générations les plus jeunes : 621 millions de jeunes sont oisifs et 40% de la richesse mondiale est détenue par 0,6% des adultes.

   Une préférence pour le court terme qui domine la vie sociale

Ce rapport n'existe qu'en anglais, Oxford considérant peut être qu'il y a trop peu de Français à s'intéresser au long terme…Le point de départ est un optimisme raisonné. Jamais les individus n'ont connu une période aussi faste : revenus, espérance de vie, déclin de la pauvreté, possibilités de se déplacer et de se communiquer, faible risque de guerre mondiale. Jamais non plus, les risques systémiques n'ont été aussi élevés (climat, eau, énergie, pandémies, désagrégation sociale…)

Le rapport insiste sur les blocages aux changements. Les pouvoirs sont affaiblis : manque de légitimité, affaiblissement de l'autorité, individualisme croissant et défiance à l'égard du politique, cycles électoraux trop courts. La préférence pour le court terme domine la vie sociale : medias privilégiant l'actualité, trimestrialisation des rapports des sociétés, triomphe du juste à temps. L'obligation de rechercher le consensus, alors que le rythme du changement s'accélère, que les problèmes se complexifient et que les oppositions culturelles sont plus affirmées, ralentit les adaptations nécessaires.

 Des partenariats entre le monde de l'entreprise, les métropoles..

Mais le plus original dans le rapport, ce sont les recommandations. On s'attendait à ce que ce haut fonctionnaire, ancien responsable d'une institution internationale commence par la gouvernance mondiale, à la Jacques Attali ou par des initiatives venant des Etats nationaux. Nullement. Il met plutôt l'accent sur la proximité qui accroîtrait la légitimité du pouvoir. La mise en place de partenariats associant le monde de l'entreprise, les métropoles et autres acteurs de la société civile vient en premier. Le domaine privilégié de ces « creative coalitions » serait le développement de mesures pratiques en faveur de l'environnement dans les villes comme dans les entreprises (chauffage, déchets, éclairage) évaluées rigoureusement (mesure du carbone) Ces mêmes acteurs interviendraient dans le domaine de l'informatique : sécurité, protection des individus, diffusion des techniques au profit des pays en développement.

Pour l'auteur, le moteur du changement se situe plus dans les métropoles (plus de cinq millions d'habitants) organisées en réseaux et dans la société civile et ses exigences de transparence et de responsabilisation que dans les Etats. Ces réseaux se préoccuperaient de santé, d'éducation ou d'alimentation.

 Des recommandations institutionnelles proches du vœu pieux

Viennent ensuite des recommandations institutionnelles parfaitement fondées mais parfois proches du vœu pieux : restructuration du système de gouvernance mondiale et suppression des doubles emplois ("a spaghetti bowl of overlapping mandates") lutte contre l'évasion fiscale des sociétés fondée sur le…volontarisme, institutions financières spécialisés sur le long terme, révision des règles comptables.

La lutte contre les discriminations au détriment des générations à venir, impliquant une réorientation majeure des transferts sociaux est décrite dans la dernière partie. La priorité doit être donnée à la réduction de la pauvreté des enfants, à des dispositifs d'éducation et d'apprentissage ouverts à tous les jeunes répondant à des critères d'âge et de sous-emploi.

Sodome sera-t-il sauvé par le responsable se préoccupant de notre devenir à long terme ? Il y en a bien un autre, l'excellent Jean Pisani-Ferry, Commissaire Général à la Stratégie et à la Prospective. Il a été chargé, par le Président de la République et le Premier Ministre, d'une étude « La France en 2025 » pour la fin 2013. Aucune nouvelle. Nul doute que le rapport existe. Le fait qu'il ne soit pas rendu public, ne semble émouvoir personne, ni au Parlement ni dans les medias. Supputer sur les candidats à la présidentielle mobilise plus l'establishment qu'une réflexion sur la France dans dix ans. Peut être que le vrai « retournement » se situe à cette échéance.

 

Pierre- Yves Cossé

7 Mai 2014

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Commentaires 10
à écrit le 19/05/2014 à 15:42
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Pascal Lamy doit etre reeduque par le travaille a la campagne 2 ou 3 ans de kolkhose lui ferait le plus grand bien

à écrit le 12/05/2014 à 12:06
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Pascal Lamy gagnait plus de 30 000 euros par mois à l'OMC et demandait une hausse de son salaire d'un tiers. Il nous donne des leçons sur le cou du travail. Qu'a t il fait contre la crise à l'OMC ? il ne l'a même pas vu venir. Mais non on continue à ...

à écrit le 12/05/2014 à 11:08
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Les français ont du mal à comprendre que l'économie est global et que la concurrence l'est donc aussi. J'ai peur qu'ils le réalisent trop tard.

le 12/05/2014 à 11:22
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Augustin de Romanet a deja ecrit un livre sur ce sujet, ce qui est decrit dans cet article y ressemble etrangement !! Lamy je ne lui confierais pas mon chien pour l'emmener pisser

le 12/05/2014 à 11:39
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On n'a toujours su que l'économie et la concurrence était globale, les États ont été construit pour cela, les frontières aussi, les taxes aussi....!

le 12/05/2014 à 12:02
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vous pensez Papaye que les français ne voit pas la concurrence des pays à bas cout et les délocalisations ?

à écrit le 12/05/2014 à 10:40
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Le résumé prosaïque de cette philosophie se trouve dans l'établissement de la valorisation au moyen systématique et comptabilisé de l'enchère sur n'importe quoi et avec le casino des marchés financiers. On y court aveuglément. Rien à faire d'autre.

à écrit le 12/05/2014 à 10:34
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On est sauvé avec Pascal LAMY ancien de l'OMC qui a bien ouvert les frontières. mdr

à écrit le 12/05/2014 à 10:34
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On est sauvé avec Pascal LAMY ancien de l'OMC qui a bien ouvert les frontières. mdr

à écrit le 12/05/2014 à 10:26
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cet article est surréaliste. l'ultralibéral Pascal LAMY qui propose aux jeunes des emplois sous payés prépare l'avenir? Pascal LAMY est tout sauf quelqu'un qui a fait de bonnes choses pour la France et le monde. Avec lui les riches sont toujours plus...

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