Europe : répondre au scepticisme des citoyens par un projet et une incarnation

Le résultat des élections européennes est imputable à l'opacité et la technicité du processus de décision européen. Il est nécessaire de se rapprocher de l'Allemagne et présenter un projet européen fédérateur. Par Olivier Marty, Maître de Conférences à Sciences Po
D'après Olivier Marty, "il convient de présenter aux citoyens un projet européen qui soit à nouveau fédérateur". /DR

Le résultat des élections européennes en France et dans l'Union nous interpelle : les taux d'abstention sont en hausse continue et très élevés (57% au niveau de l'UE) et 140 députés europhobes feront leur entrée au Parlement européen. Ce scrutin illustre que l'Europe suscite autant de scepticisme que de craintes et souffre d'un déficit démocratique.

Ce déficit reflète un paradoxe : bien que les opinions et les gouvernements aient de plus en plus conscience que l'échelon national n'est, dans beaucoup de domaines, plus pertinent dans le monde actuel, c'est au niveau national que se noue encore le débat politique, autour de projets, de confrontations, et de références en décalage avec les réponses qu'appelle la mondialisation. De ce fait, la classe politique fait de plus en plus le grand écart entre Paris et Bruxelles, n'assumant pas au niveau national l'action menée au niveau européen, ni les engagements qu'elle y a pris par le passé.

 

Les décisions européennes, pas de nature à créer la confiance

Les politiques ambitieuses qui ont été menées par l'Union européenne pour répondre à la crise initée en 2008, en matière de régulation et de supervision financière, pour la création d'une Union bancaire, ou pour parfaire la gouvernance économique, n'ont ainsi pas été transmises dans le débat national, quand bien même celles-ci peuvent avoir des effets tangibles pour la vie des citoyens. Le processus de décision européen, opaque, technique, morcelé n'a pas été de nature à créer la confiance et la projection des électeurs qui ont au contraire exprimé des attentes sur des préoccupations concrètes liées essentiellement à l'insécurité économique.

Il en est résulté un euro-scepticisme plutôt qu'une euro-phobie. En France, un sondage commandé par l'Institut Montaigne et la Fondation Robert Schuman confirme que 71% des électeurs n'ont pas ressenti l'utilité des élections et que 56% pense que le résultat ne permettra pas d'améliorer les choses en Europe. La personnification du scrutin permise par la candidature de chefs de file des partis n'a pas eu d'impact sur le vote pour 67% des personnes. Les électeurs semblent s'être au contraire élevés contre un langage abscons, une succession de contradictions, et un manque de crédibilité de la classe politique nationale.

 

Se rapprocher de l'Allemagne avec une coalition

Cette situation souligne la nécessité, pour le gouvernement français, de poursuivre la politique réformiste qui a été engagée dans un climat susceptible de recueillir le soutien d'un pan modéré de l'opposition. Une telle "coalition pour la réforme" qu'Hubert Védrine appelle de ses voeux* permettrait la reconquête d'une crédibilité économique, gage d'une proximité retrouvée avec l'Allemagne, dont l'absence fait tant défaut. Ainsi, le rétablissement de l'influence française en Europe se trouvera conforté.

Au-delà, il convient de présenter aux citoyens un projet européen qui soit à nouveau fédérateur, alors que l'Europe se situe à tous égards en période de transition économique, technologique et sociétale. Or, on ne mobilise une société dans une période de transition que par un projet collectif, exposé de façon positive, à rebours de ce qui a été fait depuis la création de la monnaie unique, lorsque l'Europe devait être tantôt un rempart contre la mondialisation, ou que l'austérité, en dépit de la variété de ses formulations nationales, apparaissait comme seul horizon politique.

 

Réaffirmer l'Europe comme un espace de droit et de solidarité 

La réussite des transitions énergétiques et le passage à la société de l'innovation sont des perspectives positives sur lesquelles il est possible de réaffirmer l'Europe comme un espace de droit et de solidarité, promouvant un équilibre économique, social et environnemental envié autant par un migrant africain, que par un manifestant ukrainien ou que par un étudiant chinois. Le parachèvement de l'intégration de la zone Euro, tant dans ses dimensions économiques que politiques renforcera un édifice unique au monde, dont la pérennité n'est plus mise en doute.

Un projet a également besoin d'une incarnation. L'heure n'est plus à l'ambiguité et aux tergiversations: les Chefs d'Etat et de gouvernement doivent redonner un élan à la construction européenne et l'incarner par le choix d'une personnalité issue du scrutin pour pourvoir à chacune des grandes fonctions de la gouvernance européenne: présidence de la Commission et présidence du Conseil. L'esprit du Traité de Lisbonne les y invite, le manque d'appropriation des électeurs pour le projet européen l'exige.

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*Hubert Védrine, La France au défi, Fayard, 2014.

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Commentaires 13
à écrit le 03/06/2014 à 22:35
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C'est grâce à des mecs comme ça ou comme Alain Minc, que l'économie européenne est aussi performante de nos jours... Citation de Minc : "C'est quand même un univers, au fond, qui est très résiliant, qui finalement, sans qu'il y ait d'organe appar...

à écrit le 03/06/2014 à 22:24
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le projet il est la les francais le souhaitent sortir de l'euro retablire les frontieres taxer les produits etranger de facon a les vendres au meme prix que les francais en finir avec la concurence libre et un service public 100% public

à écrit le 03/06/2014 à 21:40
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La plus grosse connerie existante , et nous le vivons chaque jour !!!

à écrit le 03/06/2014 à 19:04
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Faut qu'on, y'a qu'à ! Encore un qui n'a rien compris de ce qu'implique le fédéralisme. Je ne suis pas eurosceptique mais euroréaliste, justement car je sais - et c'est une certitude - que le fédéralisme n'arrivera jamais.

à écrit le 03/06/2014 à 15:25
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il faudrait effectivement un projet: par exemple formation des états unis d'europe et une incarnation qui commencerait par la fixation de frontières fixées une bonne fois pour toute et l’élection d'un président au suffrage universel.

à écrit le 03/06/2014 à 13:00
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La mondialisation n'est pas un "fait" mais une "construction" non aboutie a moins que l'on ne veuille commencer par la fin pour qu'il n'y ai aucune autre alternative!

le 03/06/2014 à 15:04
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L'UE s'est construit de la même façon par la fin pour qu'il n'y ai pas d'autre alternative!

à écrit le 03/06/2014 à 12:08
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J'éclate de rire ! Olivier Marty ne comprend plus rien à ce qui se passe ! La réalité, c'est que la période 1974 - 2014 est terminée. La réalité, c'est que les années 1974 - 2014 ont été des années de construction européenne. La réalité, ...

le 03/06/2014 à 13:45
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Ils ont aussi essayé avec l'URSS (dont l'UE ressemble de plus en plus de part sa construction, son fonctionnement, son idéologie)...on connait la fin de l'histoire.

le 03/06/2014 à 17:17
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une expérience qui a évité la guerre, car multiplier les nations souveraines dans une économie globale, c'est être certain d'arriver à des conflits... mais comment faire comprendre cette réalité à des nostalgiques de la nation pure et dure !

le 03/06/2014 à 17:40
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Exactement ! et c'est bon !

le 03/06/2014 à 22:19
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Et les 50 etats de federations des etats-unis? Et les 16 Länder allemands? Je ne parle que des 2 plus grandes federations. Beucoup d 'autres (suisse , autriche) connaissent un fort succes. Le monde est grand. Les français sont petits.

le 04/06/2014 à 2:47
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@bof 50 etats mais une seule langue ! 16 landers mais une langue ! L Europe 27 etats et 27 langues

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