Loi ALUR : attention aux conséquences économiques

Louable par sa volonté d'encourager le développement durable, la loi pour un Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) pourrait toutefois renchérir le coût du foncier. Avec un effet direct sur l'urbanisme commercial. Par Gwenaël Le Fouler, avocat associé Létang & Associés.
Avec la loi ALUR, "le législateur poursuit sa démarche de lutte contre l'étalement urbain en contraignant davantage la création de parkings autour des centres commerciaux", détaille Gwenaël Le Fouler. /DR

La loi pour un Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) a été publiée au journal officiel le 26 mars 2014. Elle comporte un certain nombre de dispositions affectant les règles applicables aux implantations commerciales.

 

Les contraintes d'aménagement des parkings desservant les commerces

Initiée par le Grenelle de l'environnement, le législateur poursuit sa démarche de lutte contre l'étalement urbain en contraignant davantage la création de parkings autour des centres commerciaux. Non seulement les dispositions de la loi ALUR divisent par deux la surface actuellement autorisée, mais une prime est également donnée à l'aménagement de parkings enterrés ou en étage et à la végétalisation des espaces de stationnement.

En outre, et toujours dans un esprit de développement durable, la loi ALUR impose de doter une partie du parc de stationnement de gaines techniques, câblages et dispositifs de sécurité nécessaires à l'alimentation d'une prise de recharge pour véhicule électrique ou hybride rechargeable.

Ces nouvelles contraintes - pouvant s'avérer couteuse - s'appliqueront aux nouveaux projets mais également lors de l'accomplissement de travaux sur un parc de stationnement existant. En pratique, la mise en œuvre de certains travaux de modernisation pourrait s'en trouver différée et aboutir à un résultat contraire aux attentes des élus qui recherchaient ce faisant une meilleure qualité des bâtiments commerciaux.

 

Le Document d'aménagement commercial fait et défait la règle de droit

Les élus sont friands de documents de planification urbaine de leur territoire, c'est ainsi que plus aucun opérateur économique ne peut échapper au schéma de cohérence territoriale, complexifiant plus qu'il n'en faut les projets. Le commerce étant un élément essentiel à la structure urbaine, la loi de modernisation de l'économie a enrichi le schéma de cohérence territorial par un document spécifique au commerce, le Document d'aménagement commercial (DAC).

Les fonctionnaires territoriaux chargés de la réglementation de l'urbanisme local se heurtent depuis plusieurs années aux difficultés d'application pratique du Grenelle de l'environnement. Notamment, par leur objet et leur contenu imprécis, l'institution zones d'aménagement commercial (ZACom) tout comme la rédaction des DAC ont compliqués sensiblement leur tâche. La loi ALUR est venue supprimer ces deux notions.

Aucun bouleversement n'en résultera, le schéma de cohérence territoriale reprenant en son sein les orientations relatives à l'aménagement commercial. Pourront y être définis les localisations préférentielles des commerces en prenant en considération le maintien de l'activité en centre-ville, la diversification de l'offre, la consommation économe de l'espace et la préservation de l'environnement s'il détermine les conditions d'implantation des équipements commerciaux importants qui sont susceptibles d'avoir un impact significatif sur l'aménagement du territoire. Pour autant, la force contraignante reste relative, la définition d'une localisation préférentielle n'interdisant pas une implantation toute autre…

Les élus restent cependant très attachés - car cela est rassurant - à l'existence d'un document définissant les orientations locales relatives au commerce. Ainsi, alors que la loi ALUR n'a que deux mois d'âge, le projet de loi Artisanat, commerce et très petites entreprises (loi Pinel), dont la promulgation est imminente, va réintroduire le document d'aménagement commercial. Il prendra au passage un nouveau « A » pour devenir le Document d'aménagement artisanal et commercial (DAAC) et acquerra un caractère facultatif.

 

L'intégration du "drive" dans l'urbanisme commercial

Poussé par des élus consternés du développement des "drives" le long des axes principaux de leurs communes, le législateur a été contraint de soumettre cette récente forme de commerce à une réglementation susceptible d'en contrôler les implantations. La terminologie usuelle issue d'un anglicisme ne pouvant figurer dans la loi, il a fallu - péniblement - lui trouver une définition. Il s'est également agit d'exclure de la définition les entrepôts des sociétés de vente en ligne livrant à domicile et les show-rooms de certains petits commerçants. Finalement, les "drives" sont : « des points permanents de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l'accès en automobile, les installations, aménagements ou équipements conçus pour le retrait par la clientèle de marchandises commandées par voie télématique ainsi que les pistes de ravitaillement attenantes.».

Quand bien même ils ne disposent d'aucune surface de vente au sens des dispositions du code de commerce, ils sont soumis à autorisation d'exploitation commerciale depuis le 27 mars 2014. L'autorisation est accordée par piste de ravitaillement et par mètre carré d'emprise au sol des surfaces, bâties ou non, affectées au retrait des marchandises. On sent la difficulté qu'a eue le législateur à appréhender ce nouveau concept commercial pour le faire entrer dans la loi. Le texte souffre de certaines imprécisions, qu'il appartiendra au Décret, éventuellement au juge, d'y mettre fin : qu'est-il entendu par la surface affectée au retrait des marchandises ? Les réserves qui seraient dédiées au "drive" doivent-elles être comptabilisées ?

Les opérateurs commerciaux réfléchissent déjà à exploiter la rédaction retenue par le législateur afin de mettre en place des points de retrait « non permanent » au moyen de camions, par exemple…

Le souci étant de freiner les implantations périphériques isolées, la nouvelle règle ne sera pas applicable aux "drives" intégrés à un magasin de détail ouvert au public à la date de publication de la loi ALUR (le 26 mars 2014), et n'emportant pas la création d'une surface de plancher de plus de 20 mètres carrés. Il en est de même s'agissant des "drives" pour lesquels, une autorisation de construire a été accordée avant le 27 mars 2014.

 La loi pour un Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) a été publiée au journal officiel le 26 mars 2014. Elle comporte un certain nombre de dispositions affectant les règles applicables aux implantations commerciales.

 

Remise en état des terrains en cas d'inexploitation prolongée

Combien a-t-on vu d'entrepôts, anciens commerces, abandonnés en entrées de villes le long des axes principaux desservant nos agglomérations ? La sensibilité du législateur sur l'utilisation économe de l'espace s'est à nouveau manifestée par l'intégration dans la loi de la responsabilité pour le propriétaire d'un bâtiment commercial de le démanteler et de remettre en état le terrain en cas d'inexploitation prolongée. Coûteuse pour le propriétaire, cette disposition intervient alors que les premiers "drives" commencent à fermer !

La fulgurance des évolutions des modèles économiques ne saurait ignorer la préservation du territoire. Le législateur, dont le destin est de rattraper constamment le retard pris sur les innovations techniques, a cherché à responsabiliser le commerce au profit de l'environnement. Si ces dispositions sont louables sur le plan de la préservation du territoire et de l'environnement, ne pourraient-elles pas avoir des conséquences économiques qui n'ont pas été totalement appréhendées par le législateur ? N'aboutiront-elles pas au renchérissement du coût du foncier et à un frein de la modernisation des équipements commerciaux non indispensables ?

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Commentaire 1
à écrit le 23/06/2014 à 17:06
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L'idéologie écolo est en marche. Les Français paieront.

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