La défense est le pilier de l'industrie française

Pour maintenir l'excellence des industries aéronautiques et spatiales françaises, il faut identifier les technologies clés de l'avenir et maintenir un effort soutenu d'études, explique le général Denis Mercier, Chef d'Etat-major de l'Armée de l'air.
Le Général d'Armée aérienne Denis Mercier, Chef d'Etat-major de l'Armée de l'air. / DR

En matière de tissu industriel, l'activité « défense » représente notamment 4000 PME, 300.000 emplois dont 165.000 directs et 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Le secteur de l'aéronautique civile et militaire représente la plus grande part de la base industrielle et technologique de défense (BITD) en France et en Europe, en développant 20 technologies parmi les 27 classées critiques. Il capte 40% des dépenses d'investissement de la défense. De même, le domaine aéronautique est prépondérant parmi les capacités industrielles militaires critiques (CIMC) indispensables à la souveraineté nationale.

Par ailleurs, l'apport des technologies aéronautiques développées pour le domaine militaire dans le domaine civil est fréquent : le lanceur Ariane est issu des travaux menés dans le cadre des missiles de la dissuasion, Airbus est « fille » de l'aéronautique militaire, le logiciel de conception Catia de Dassault initialement développé pour les avions de combat est désormais utilisé pour l'aviation civile, l'automobile et de nombreux autres secteurs industriels. Les défis que doivent quotidiennement relever les industriels dans les domaines de l'aérodynamique, des structures, de la motorisation, des systèmes de navigation, des liaisons de données, ou encore des systèmes de protection contre les missiles stimulent la recherche et le développement technologique. Les industries aéronautiques et spatiales françaises sont unanimement reconnues dans les domaines civils et militaires. Porteuses de croissance et d'innovation, elles sont des fleurons de l'industrie nationale. Une capacité industrielle et technologique perdue ne pourrait être récupérée qu'au prix d'investissements, humains et techniques, considérables sur plusieurs années (de quinze à vingt ans sont nécessaires pour (re) constituer une capacité de conception et de développement de systèmes aéronautiques).

Un programme majeur comme l'Airbus A400M est un cas concret à partir duquel une véritable stratégie industrielle européenne peut être pensée pour éviter le délitement de ce tissu précieux. Il met aux prises nombre d'acteurs privés ou étatiques, nationaux et communautaires dont la coordination au niveau européen est indispensable.

Par ailleurs, le maintien en service pour encore plusieurs décennies de nombre de nos équipements (le Rafale et son système d'armes resteront en service au-delà de 2050) nécessite que les compétences industrielles indispensables au soutien et aux nécessaires évolutions de ces matériels soient conservées. Même à figer leur définition et accepter de fait leur déclassement progressif au regard de l'évolution des menaces et des critères d'interopérabilité, il est impératif de maintenir ces compétences, ne serait-ce que pour assurer la pérennité des capacités militaires actuelles.

Ce « temps long » des programmes d'armement doit s'appuyer sur une profondeur d'analyse de long terme, indispensable pour assurer la continuité des capacités opérationnelles. Les premiers Rafale livrés devront être retirés du service à compter de 2026, date à laquelle ils atteindront leur limite de vie après plus de vingt années de service. Les conditions du renouvellement de la composante aérienne de combat se définissent aujourd'hui compte tenu des délais d'étude et de développement nécessaires pour définir, développer et mettre en place un nouveau système d'armes.

Pour des mutualisations d'abord bilatérales

Pour éclairer les choix des capacités stratégiques à conserver et donner aux forces les moyens de remplir leurs missions, il faut identifier les technologies clés et maintenir un effort soutenu d'études amont. Les capacités de la France à exercer sa souveraineté, à « entrer en premier » sur un théâtre, à participer à la « stabilisation » d'une crise ou à évaluer de façon autonome les situations devront faire appel à des capacités industrielles nouvelles porteuses de mutations technologiques de l'outil de défense. Certains domaines, tels que la surveillance de l'espace extra-atmosphérique et de l'espace aérien, la cybernétique, l'hypervélocité, la furtivité, la détonique, l'accès aux ressources satellitaires, l'observation à partir de véhicules stratosphériques, l'ingénierie des réseaux, sont déjà identifiés.

Les enjeux pour la puissance aérienne portent sur le renouvellement des capteurs de défense aérienne, l'évaluation de la situation dans l'espace, le renouvellement du missile de dissuasion, la maîtrise des effets militaires par l'optimisation des charges, la création d'une filière européenne de drones et la mise en place d'un système de combat combinant des moyens pilotés et non pilotés. Le besoin de réaliser et d'atteindre des capacités opérationnelles doit rester à la base de tout choix futur en matière industrielle. Ceci est en particulier le cas dans le domaine des études amont, dont le besoin au titre du maintien des compétences primordiales ne fait pas débat, mais pour lesquelles les choix ne devront pas reposer uniquement sur des impératifs industriels. Au regard de l'étendue des besoins capacitaires et des capacités financières prévisibles, toutes les opportunités d'optimisation, de partage ou de mutualisation des coûts de développement, voire de production, doivent être recherchées.

De même, des développements au travers de capacités duales, lorsque cela est possible, devraient également permettre l'accès à des financements européens dans le cadre du programme H2020 de la Commission européenne. Le renouvellement des radars de défense aérienne représente dans ce cadre une opportunité, compte tenu de leur contribution à l'évaluation et à la sécurité aérienne de l'Europe. Le développement de programmes en coopération reste une voie possible, mais elle ne peut s'avérer efficace que s'il y a une convergence suffisante des besoins, ce qui incite à favoriser dans un premier temps des approches bilatérales avant de les étendre ensuite à davantage de nations. Une réflexion partagée entre l'État et l'industrie devra également porter sur le poids respectif des coûts de MCO, avec pour fil directeur là aussi la satisfaction du besoin opérationnel. Par ailleurs, les constructeurs aéronautiques et les utilisateurs gagneraient à converger sur une nouvelle politique de gestion de risque dans la maintenance des aéronefs, pour en diminuer les coûts. La profondeur de diagnostic de panne désormais possible avec les systèmes modernes peut être exploitée différemment afin d'optimiser le niveau de maintenance.

L'importance de l'export, enfin, notamment au titre des contributions apportées aux capacités de développement, demeure incontournable. Le soutien étatique dans ce domaine est un élément primordial. Les forces armées en général, et l'armée de l'air en particulier, apportent dans ce cadre, la caution de l'utilisateur national ainsi qu'un accompagnement indispensable à l'exportation des matériels de défense de notre industrie nationale.

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Commentaires 15
à écrit le 16/02/2015 à 14:28
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Rare sont les domaines ou notre politique industrielle de ces dernières années arrive à avoir des résultats concluants. et un de ceux là est clairement la mise en oeuvre de nos ambitions stratégiques à travers le consortium Nexter pour la production...

à écrit le 08/07/2014 à 18:17
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Maintenant, défense et spatial bossent majoritairement à l'export, elles n'ont pas le choix étant donné les coupes budgétaires. Je ne vois pas le rapports avec la police de la route. Faut arrêter la fumette. D'autres part, sans la défense et le sp...

à écrit le 08/07/2014 à 18:02
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Sachant que le defense est de 50% en baisse, on est mal... Puis j'imagine qu'une profession liberale peut contractualiser avec la défense. c'est génial... donc on fait quoi? On fout les indep' à la benne à ordures? si il n'y a que la défense pour no...

à écrit le 08/07/2014 à 14:31
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C'est une évidence, les Armées et la Défense Nationale doivent être une priorité en terme budgétaire ; Par contre, l'Intérieur et les CRS les gendarmes mobiles les milices politiques sont un coût prohibitif et sans intérêt, c'est donc dans le budge...

le 08/07/2014 à 17:05
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N'importe quoi ... LOL ! On a pas besoin d'une défense, contre qui ? Les Allemands ? Les Italiens ? Les Anglais ? Envoyer des CRS en Syrie ? Et pourquoi pas au pole nord ? Et la répression routière empeche les accidents justement, sinon votre e...

à écrit le 08/07/2014 à 13:38
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Belle idée. Comme l'industrie de la Défense vit exclusivement de commandes publiques (France et étranger), ceci nous conduit tout doucement à devenir ce qu fut l'Union Soviétique.

le 08/07/2014 à 14:23
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Il faut admettre qu'il est difficile de vendre des chasseurs et des navires de guerre à des particuliers ;-)

le 08/07/2014 à 17:02
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Je vais prolonger mon propos, car il ne semble pas clair. Faire tourner son industrie uniquement avec des commandes publiques, c'est un comportement de shaddock. Je m'explique, le travailleur travaille, paie des impôts et ces impôts servent à achet...

le 08/07/2014 à 17:28
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@m'enfin: +1 !

à écrit le 08/07/2014 à 13:01
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L'armée française était la 1ere mondiale en 1930, la meilleure au monde, avec une prétention et une vanité qui faisait le tour de la terre. Mais devant l'armée allemande, l'armée française fut battue en quelques mois en 1940, et fut obligée de s'enfu...

le 08/07/2014 à 16:07
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en fait, c'est la doctrine de l'état major et les chefs d'alors qui sont responsables de la défaite; en aucun cas le matériel ou nos soldats

le 08/07/2014 à 17:05
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La doctrine de l'Etat Major conduisit à faire fabriquer du matériel pas adapté et en retard technologique. Par exemple, les blindés étaient nombreux mais avec une faible autonomie et sans radio transmission (on utilisait des fanions) Idem pour les...

le 09/07/2014 à 0:00
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C'est pas un probleme de matériel, ni d'état major, mais simplement la nullité de l'armée de l'époque qui avait tout misé sur la ligne maginot.

le 09/07/2014 à 7:26
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c'est vraiment pas le débat ici!

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