Professions réglementées : le gouvernement ouvre la chasse aux rentes

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, les rentes des professions réglementées dans le collimateur du gouvernement.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

En s'attaquant aux rentes de certaines professions réglementées, le gouvernement semble à première vue s'engager sur une piste de réforme à multiple dividendes :

  • Elle ouvre des perspectives de création d'emploi sur des métiers contingentés ;
  • Via la concurrence, elle peut induire une baisse des prix des services, favorable à la fois à la compétitivité des entreprises et au pouvoir d'achat des ménages ;
  • Elle donne quitus à la commission européenne, sur la volonté gouvernementale d'engager des réformes structurelles de libéralisation.
  • Elle flatte l'inconscient collectif plutôt acrimonieux à l'égard de professions que l'on associe rarement à des expériences heureuses et choisies : notaires, huissiers, dentistes etc.

L'unanimisme des experts, des institutions internationales, de la presse, et la cascade des chiffres qui étayent l'idée d'un  hold-up organisé ont de quoi emporter l'adhésion. Mais en économie, l'unanimisme n'est jamais très loin de l'idiotie collective.

Méfiance

Méfiance d'abord à l'égard de chiffres qui déferlent en cascade sans la moindre vérification. Les professions règlementées ce serait 235 milliards de chiffre d'affaires, 41 milliards de bénéfices, 1 millions de salariés et 6,4% du PIB... et une profitabilité record. Selon le rapport non publié de l'IGF. Peut-être. Mais en vérité le périmètre est très flou. L'INSEE pour sa part dénombre 357.000 personnes occupées dans ces professions en dehors de la santé pour un chiffre d'affaires de 43 milliards d'euros. Un autre rapport plus ancien des mines estimait leur poids à 3 millions de personnes.

Quant au fait de comparer la profitabilité de ces activités libérales à celle de la moyenne de l'économie, il faut aussi faire preuve de prudence. Le profit des activités libérales contient aussi une composante de rémunération qui peut fausser la comparaison avec  les secteurs à dominante salarié. Parler de profitabilité sans référence aux immobilisations peut aussi être trompeur.

Méfiance aussi à l'égard du projet productif que sous-tend cette idée. On sait bien qu'il existe de réels gisements d'emploi dans le fait d'exploiter l'entropie de nos économies complexes. Libéraliser les professions juridiques, renforcer simultanément l'insécurité juridique et la contestabilité des contrats, produira indéniablement des emplois. Ouvrir les professions médicales, greffer de la pub sur ces métiers, introduire une insécurité sur la qualité produira là encore du chiffre d'affaires et des emplois en grand nombre.

On pourrait multiplier le nombre d'exemples de ces dynamiques qui sont tout autant vertueuses que vicieuses. Où le prix unitaire des actes diminuera éventuellement, mais où leur nombre explosera et où le signalement par un prix élevé deviendra gage de qualité. Je ne nie pas bien entendu que l'on puisse limiter certains abus et ajuster certains modes de tarification de ces professions, mais cela ne doit pas nous faire perdre de vue qu'un projet productif porteur ne peut se bâtir seulement sur l'exploitation opportuniste de l'insécurité et  du besoin de réparation qu'occasionne une activité économique non normée.

Une manne de pouvoir d'achat

Enfin et surtout, méfions-nous de l'idée, qu'à coût budgétaire nul, le gouvernement libèrerait une manne de pouvoir d'achat. Car au fond, casser le monopole de certaines professions, c'est éventuellement diminuer le revenu de professions libérales au revenu moyen ou supérieur pour le redistribuer à ceux qui consomment ces services en nombre.

Et que je sache, les revenus modestes ne seront pas les premiers bénéficiaires d'une baisse de tarif des architectes, des notaires, des huissiers, des commissaires-priseurs ou même des taxis. Les 6 milliards annoncés passeront d'une poche à l'autre et pendant ce temps, les vraies rentes problématiques, celles des stars de la finance et de la technologie, celle des grandes plateformes du net continueront à siphonner notre consommation.

Au final, on peut se demander si le gouvernement ne se trompe pas de combat en s'attaquant à de petites rentes, qui ne sont peut-être pas souhaitables mais qui ont eu au moins pour vertu durant la crise de nous protéger contre une déflation généralisée des salaires.

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Commentaires 11
à écrit le 01/08/2014 à 14:58
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Une chose est sûre en FRANCE : la valeur travail, on ne connaît pas, l'herbe est toujours plus verte chez les autres, on jalouse toujours l'autre,...au final, il faut être homme politique, fonctionnaire européen ou patron de Supermarché,... Les rent...

à écrit le 31/07/2014 à 22:47
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Bonsoir, Allez donc voir les salaires mirobolants, et avec une fiscalité hautement avantageuse des fonctionnaires européens..et on reparlera de tout cela ! Il vaut mieux être fonctionnaire européen que profession réglementée...ça rapporte largeme...

à écrit le 30/07/2014 à 15:58
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Bonjour, Il est difficile de commenter le récent rapport de l’Igf (Inspection générale des finances) relatif aux professions réglementées, tant que ce dernier n’a pas été publié… Mais le sera-t-il un jour ? Pour ma part, je trouve salutaire de ...

le 31/07/2014 à 11:59
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les médecins ne sont pas chef d'entreprise et n'employent qu'eux-même. Sans endettement ni investissemernt ils vieent en réalité très bien (et je n'en suis pas outre meseure choqué). Notez également que la séurité sociale les paye et pas forcement le...

à écrit le 30/07/2014 à 12:07
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MERCI et BRAVO : le 1er article OBJECTIF et REFLECHI qui dit la vérité et que je lis depuis le show de Montebourg du 10/07.

à écrit le 29/07/2014 à 13:32
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la fonction publique c' est pour quand ???

le 30/07/2014 à 7:59
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Aussi bien pour la gauche que pour la droite !

à écrit le 29/07/2014 à 11:35
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Hum, les prof réglementé sont réglementé PAR L'ETAT. C'est lui qui décide de leur rémunération et du prix de leur acte. Donc, on a du mal à suivre.. Mieux vaudrait licencier sec immédiatement un million de fonctionnaires et assimilés : ces gen...

à écrit le 29/07/2014 à 11:32
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Mettre fin aux monopoles excellentes initiatives et bénéfique pour la croissance et le PIB mais Monsieur Montebourg devrait montré beaucoup plus de courage car réformer dans la société civile c'est facile mais s'attaquer aux rentes, avantages, acquis...

à écrit le 29/07/2014 à 9:59
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Nb : je prépare l'ouverture d'une nouvelle Agence dans une ville voisine, avec recrutement de 3 salariés supplémentaires et, pour les consommateurs, une baisse des tarifs de l'ordre de 10 à 15%, (le secteur où je souhaite m'implanter étant avec des t...

à écrit le 29/07/2014 à 9:55
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L'expérience de Robespierre (qui annonçait que des têtes allaient tomber, sans donner de nom, chacun se sentant alors visé) n'a décidément pas été retenue par nos ministres ! Des changements importants vont toucher des professions : lesquelles ? La ...

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