L'économie mondiale a besoin d'une baisse de l'euro

IL faut cesser de croire que l'économie mondiale va repartir par enchantement. Le monde entier a tout intérêt à une dépréciation coordonnée de l'euro. Par Ashoka Mody, ancien chef de mission pour l'Allemagne et l'Irlande au Fonds Monétaire International, professeur de politique économique internationale, Princeton.
Ashoka Mody, ancien chef de mission pour l'Allemagne et l'Irlande au Fonds Monétaire International, professeur de politique économique internationale, Princeton.

 Dans le film « Un Jour sans Fin », un présentateur météo interprété par Bill Murray se réveille tous les matins à 6h00 et revit la même journée. La même impression de déjà-vu a gagné les prévisions économiques depuis le début de la crise économique mondiale il y a bientôt cinq ans. Pourtant les décideurs restent convaincus que le modèle économique de croissance dominant durant les années d'avant la crise reste encore leur meilleur repère, au moins dans un avenir proche.

Mais la mise à jour de milieu d'exercice du World Economic Outlook du Fonds Monétaire International raconte la même histoire chaque année depuis 2011 : « Zut ! L'économie mondiale n'a pas atteint les résultats attendus. » Les rapports continuent à tenir pour responsables des facteurs imprévus : le séisme Tōhoku et le tsunami au Japon, l'incertitude quant au rendement de la politique monétaire expansionniste américaine, une revue à la hausse « unique » des primes de risque et les conditions météorologiques extrêmes aux États-Unis.

Une erreur de jugement chronique

En insistant sur la nature provisoire de ces facteurs, les rapports insistent sur le fait que, bien que la croissance de PIB mondial ait augmenté de près de à 3% au premier semestre, elle devrait reprendre au second semestre. Grâce à ce nouvel élan, la croissance devrait enfin atteindre l'an prochain le taux tant attendu de 4%. Si cela ne devait pas se produire, le FMI publie une autre interprétation des mêmes arguments.

Cette erreur de jugement chronique révèle la nécessité de penser différemment. L'accent mis sur les perturbations causées par la crise financière obscurcit peut-être une modification naturelle dans le passage des économies développées à un régime inférieur, après des années de croissance accélérée. En outre, si les économies émergentes connaissent également de forts ralentissements de croissance, leur part du gâteau économique mondial va continuer à augmenter. En bref, les trois phénomènes de concurrence économique plus contraignante, de croissance plus lente et d'un faible taux d'inflation ont de beaux jours devant eux.

Une consommation des ménages qui reste atone, aux Etats-Unis

Aux États-Unis, les conditions d'un décollage économique ont été ostensiblement présentes durant l'année écoulée. La dette des ménages et le chômage ont diminué. Les réserves de bénéfices et la trésorerie des entreprises sont importantes. Le marché boursier affiche des pronostics favorables pour l'avenir. Les banques sont prêtes à prêter et les mesures d'assainissement budgétaire n'entravent plus la demande.

Pourtant contre toute attente, la croissance de la consommation des ménages reste terne et les entreprises n'ont pas augmenté leurs investissements. Durant les deux premiers quarts de cette année, le PIB des États-Unis a à peine dépassé son niveau de la fin de l'année dernière et une grande part de l'augmentation a résulté des marchandises produites mais non encore vendues. L'explication dominante (un hiver très froid) a une portée si faible qu'il ne trompe vraiment plus grand monde.

Les consommateurs américains restent marqués par la crise. Cela pose un autre problème : à domicile et au travail, le sentiment d'excitation quant à l'avenir est absent, malgré une foule de gadgets tape-à-l'œil dans ce domaine. Et bien que les mesures d'assouplissement quantitatif de Réserve fédérale américaine aient aidé les entreprises, elles ne remplacent pas l'enthousiasme et l'anticipation nécessaires pour propulser les investissements.

Une croissance du commerce mondiale bloquée à 3%, loin des 6 à 8% d'avant crise

Même la prévision globale de croissance réduite du PIB à 3,4% pour cette année pourrait bien se révéler trop optimiste. Avant la crise, les échanges mondiaux ont augmenté de 6 à 8% par an, bien plus rapidement que le PIB. Mais jusqu'ici cette année, la croissance du commerce reste bloquée à environ 3%.

Ne pas reconnaître le ralentissement fondamental actuel renforce l'attente selon laquelle les anciens modèles peuvent relancer la croissance : une approche qui ne fera que créer de nouvelles fragilités. D'après Atif Mian et Amir Soufi, les achats d'automobiles et d'autres biens durables par les consommateurs américains ont été renforcés par les mesures de prêts non-durables de type « subprimes » qui ont servi à financer des achats immobiliers avant la crise.

Un secteur financier britannique représentant 900% du PIB?

De même, Mark Carney, gouverneur de la Banque d'Angleterre, imagine un secteur financier britannique de la taille de celui de Chypre, représentant 900% du PIB. L'économiste Michael Pettis met en garde quant à la dépendance de la Chine par rapport aux mesures de relance économique, qui risquent de provoquer une accumulation des vulnérabilités macroéconomiques en cas de blocage.

Deux bouleversement dans l'économie mondiale: croissance lente et concurrence accrue des émergents

Les deux variations tectoniques dans l'économie mondiale (une croissance plus lente du PIB et une concurrence accrue des marchés émergents) ont créé une fracture qui divise aussi l'Europe. Le leadership technique détenu par les économies commerciales traditionnelles d'Europe s'érode, tandis que la concurrence des salaires encourage les craintes de déflation. Et alors que les économies les plus endettées de la zone euro supportent le fardeau de ces évolutions, l'Italie trône en tête de ce déficit.

Organiser une dépréciation coordonnée de l'euro

Cependant, la Banque Centrale Européenne est incapable de relancer à elle seule la croissance de la zone euro. Compte tenu de l'inertie qui pèse sur l'économie mondiale et en particulier sur les échanges mondiaux, il est dans l'intérêt du monde d'organiser une dépréciation coordonnée de l'euro. Dans le même temps, un stimulus coordonné sur les investissements à l'échelle mondiale est nécessaire en vue de créer de nouvelles opportunités de croissance.

Tout comme le personnage de Bill Murray ne pouvait pas s'échapper d'un jour sans fin à moins de modifier radicalement sa vie, on ne peut s'attendre à des résultats économiques différents sans des modèles de croissance fondamentalement différents.

Ashoka Mody, ancien chef de mission pour l'Allemagne et l'Irlande au Fonds Monétaire International, est actuellement professeur de politique économique internationale à l'École Woodrow Wilson des affaires publiques et internationales, à l'Université de Princeton.

© Project Syndicate 1995-2014

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Commentaires 49
à écrit le 21/08/2014 à 18:00
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D'un lecteur de Nouvelle Cité en Février 95 : « Si l'on prend en compte le fait que, au cours des 20 dernières années, le Revenu National a augmenté de 50 % et, cependant, le nombre des chômeurs est passé d'un à trois millions et demi, il n'est pas ...

à écrit le 21/08/2014 à 11:28
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Quand j'ai été pour la 1ère fois en Allemagne en 1965 le mark valait 0,80 Franc. Lors du passage à la monnaie unique le mark valait 3,40 Franc. Entre temps les dévaluations successives n'avaient été que de 85 %, au lieu d'une perte de 425 % en réalit...

à écrit le 21/08/2014 à 10:21
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Ce n'est pas l' Euro qui est trop fort, ce sont les concurrences mondiales qui sont trop déloyales, comme le disait Maurice Allais, et qui sont à l'origine de la dette européenne qui augmente toujours ! Le modèle économique privilégiant le consommat...

le 21/08/2014 à 18:10
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la France a un important déficit commercial avec l'Allemagne. Elle doit retrouver sa monnaie et dévaler pour faire baisser ce déficit commercial;

le 25/08/2014 à 10:11
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La France échangera beaucoup moins facilement si elle retourne au Franc. Il y a peut être un grand déficit commercial avec l'Allemagne, mais c'est également le premier pays où on importe. Avoir la même monnaie que celui-ci nous permet de réduire le c...

à écrit le 20/08/2014 à 19:27
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Les dévaluations passées successives du franc n'ont jamais amélioré structurellement l'économie Française ni son corollaire le chômage.. recrée le franc pour avoir des dévaluations c'est à mon avis un leurre.Moins de taxes moins de dépenses de l'état...

le 21/08/2014 à 9:21
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C'est suivant si l'on considère la monnaie comme un "but" ou un "moyen" d’échange!

à écrit le 20/08/2014 à 19:27
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Les dévaluations passées successives du franc n'ont jamais amélioré structurellement l'économie Française ni son corollaire le chômage.. recrée le franc pour avoir des dévaluations c'est à mon avis un leurre.Moins de taxes moins de dépenses de l'état...

à écrit le 20/08/2014 à 15:30
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L euro en parite avec le $ et le fs et c est la fete !!

à écrit le 20/08/2014 à 15:11
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L'euro n'est absolument pas un arnaque comme j'ai pu le voir dans des commentaires, mais bien au contraire, il est une aubaine pour nombre de pays européens (accroissement des échanges, baisse du cout des transactions...). La France n'est pas épargné...

le 20/08/2014 à 19:04
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Votre commentaire est intéressant car il met l'accent sur ce pourquoi une monnaie unique ne peut fonctionner avec des pays différents. Dommage que la conclusion ne s'impose pas d'elle même et que vous soyez trop formaté à l'idéologie européiste où vo...

le 20/08/2014 à 21:34
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Les créateurs de l'euro ont instauré des critères dits de convergence, l'euro nécessitant des économies convergentes. Vrai ou faux ? Ces critères n'ont pas été respectés.Vrai ou faux. Donc les économies ont divergées et l'euro n'est adapté à aucun...

le 21/08/2014 à 10:55
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@TC Lorsque je parlais de pays plus ou moins vertueux, j'aurai du en effet employer des guillemets, car je ne faisais que citer des journalistes ou politiques européens qui qualifiaient ces pays en fonction de leur structure budgetaire. Et ici le po...

à écrit le 20/08/2014 à 14:36
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Article traduit par un stagiaire (ou Google translate) ?

à écrit le 20/08/2014 à 13:15
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L’excédent commercial de la zone euro tient pour une grande partie de celui de l’Allemagne (+84 mds sur les 5 premiers mois de l’année) qui profite d’un taux de change plutôt favorable pour elle par rapport au dollar alors qu’il est pénalisant pour ...

à écrit le 20/08/2014 à 12:37
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sur la planète Mars.

à écrit le 20/08/2014 à 12:10
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L'article est une sorte de pot au feu... sauf que l'auteur n'a rien compris à la politique allemande qui, de fait, dirige l'europe sur le plan économique. Et les allemands imposent de sortir de l'endettement des états. La référence au film "un jour...

le 20/08/2014 à 16:00
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Très juste ! 1 emploi de fonctionnaire supprimé c'est 200 % de son salaire net ou une baisse de 40 % des impôts qui pèsent sur le secteur productif ! Tout - presque - est là !

à écrit le 20/08/2014 à 12:08
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beaucoup d'emprunts sont remboursables en euros , tous ces créanciers ont-ils intérêts à une baisse de l'euros ?

à écrit le 20/08/2014 à 10:29
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L’euro est une des plus belles arnaques économiques qui soi. L’idéal pour que les prix flambent sans qu’on s’en aperçoive. A l’époque du franc (transposez la même formule pour les autres devises) si un produit valait 13 Frs et augmentait à 18 Frs on...

à écrit le 20/08/2014 à 10:10
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Je ne sais pas pourquoi, mais dès qu’un oligarque de la troïka s’exprime, j’ai des gros doutes sur la sincérité de ses pensées. Je ne peux m’empêcher de me dire «où est le piège?».

à écrit le 20/08/2014 à 9:56
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Mr Ashoka Mody, vous êtes cerné.

à écrit le 20/08/2014 à 9:29
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LES BRUITS SUR LES GUERRES EN COURS? SUR LA CRISSE DE LA CROISSANCE ? JOUENT SUR LE MORAL DE TOUS ?LES INFOS NE PARLENT QUE DE CELA? SI LES MENTALITES DES HOMMES POLITIQUES EST DES JOURNALISTES NE CHANGE PAS? TOUS VAS S AGRAVE??? /// UNE PETITE PL...

à écrit le 20/08/2014 à 9:17
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Ca embete beaucoup les americains un € fort pour quelles raisons !L'€ fort et une politique de rigueur trés peu inflationniste attirent les capitaux vers l'Europe y compris americains!Et si c'était ça la vrais raison ..........

à écrit le 20/08/2014 à 8:50
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Je crains que la cause profonde ne soit le pic d’énergie (pétrole et autres hydrocarbures). Le pétrole reste autour de 100 USD, quelle que soient les discours rassurants des pétroliers (hydrocarbures de roche mère) et écolos (éoliennes et autres). ...

le 20/08/2014 à 9:23
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Vous êtes dans le vrai problème: tout est relié à l'énergie. Continuez.

le 20/08/2014 à 14:19
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et donc il faudrait déjà isoler les logements (-+70M€/an ?) et batiments publics?

à écrit le 20/08/2014 à 8:42
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Grâce aux résultats des dernières élections au parlement européen l'euro commence à baisser et ce n'est pas fini. Merci le Front National

le 20/08/2014 à 12:05
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Je ne voterai jamais pour le Front National ...mais à Gauche... Je dois pourtant admettre que le résultat des dernières élections Européennes et la peur qui a suivi ont fait du bien à la France . Les Euro-énarques ont du réfléchir (un peu)...mais l...

à écrit le 19/08/2014 à 23:22
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Dévaluation de l'Euro, austérité, baisse des salaires, des charges, des prestations sociales, choc de compétitivité, croissance... Des mots qui disent une seule chose, le système économique que nous vivons est...Mort. Merci les néo-libéraux. US GO HO...

à écrit le 19/08/2014 à 20:29
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L'auteur de l'article aurait du nous dire quel est le niveau d'épargne des americains par rapport à l'avant crise .C'est le seul element instructif d'un changement de mentalité de leur part .De cigale ,ils deviennent comme les européens de plus en pl...

à écrit le 19/08/2014 à 19:29
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Nein !!!!!!!! l'euro ce sont mes sous ! Je ne veux rien perdre !

à écrit le 19/08/2014 à 19:07
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Le modèle économique privilégiant le consommateur est au bout du rouleau ! Le Progrès nous permettrait d'être généreux, la concurrence nous en empêche ! La politique de la demande est en échec depuis 40 ans, à cause de la mondialisation et des concur...

le 20/08/2014 à 9:40
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La poule aux œufs d'or, c'est l'énergie! Vous êtes sur la bonne voie.

à écrit le 19/08/2014 à 18:09
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Oui. D'accord. "FMI"... Donc, il ne nous dira jamais que les autres pays, ceux qui ont dévalué à donf, ont BESOIN d'un Euro fort. (si l'Euro baisse aussi, cela annule les autres dévaluations) Pour ceux qui douteraient, je vous conseille de vous rense...

à écrit le 19/08/2014 à 18:07
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oui quand un seul euros vaut 655,5 francs CFA il y a du quoi à appauvrir la zone UEMOA On a jamais compris comment on est passé de 1 franc français qui valait 100 francs CFA à un euro qui vaut 655;55 Francs CFA. Nous avons tous que c'est un leurre qu...

le 20/08/2014 à 7:42
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par une simple regle de trois peut etre ? puisque 6,55957 francs sont devenus 1 euros ...

à écrit le 19/08/2014 à 18:00
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Augmenter notre competitivite est il la seule solution? Cela ne peut que mal finir...

le 19/08/2014 à 19:05
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En effet, puisque temps que nous aurons l'euro alors le seul moyen d'augmenter notre compétitivité ce sera de réduire les salaires et les prestations sociales ... Quand on en sera arrivé au niveau de la Roumanie ou de la Bulgarie alors nous serons pl...

le 19/08/2014 à 20:00
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Avec ou sans l'Euro, on sera obligé d réduire les salaires et prestations. Avec l'Euro, c'est la valeur faciale qui baisse et sans l'Euro, c'est la valeur intrinsèque qui baisse, la valeur faciale restant la même mais en trompe l'oeil

le 19/08/2014 à 23:17
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@@Paulo2 "Avec ou sans l'Euro, on sera obligé de réduire les salaires et prestations." Alors ce sera la révolution, puis la guerre.

le 20/08/2014 à 9:52
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L'économie dépend de la démographie (la pyramide des ages), du capital humain et de l'énergie. La productivité est liée à la croissance donc au capital humain qui doit atteindre une saturation. Reste l'énergie.

le 20/08/2014 à 9:57
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@JB38. Il ne faut pas réduire les salaires ni les prestations, il faut financer les prestations sur autre chose que les salaires, par exemple sur l'énergie. Reportez-vous aux travaux de Coe-rexecode. Merci.

à écrit le 19/08/2014 à 17:41
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Baisse de l'euro = appauvrissement des européens.....la balance commerciale de la zone euro est excédentaire de plus de 140 milliards et notre monnaie a déjà baissé de manière importante par rapport aux dollars australien, néo zélandais, canadien et ...

le 19/08/2014 à 19:02
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Ce ne sont pas les Airbus qui nourissent la population de l'UE ... Et l'excédent que vous citez vient pour beaucoup de là ... Si l'euro ne baisse pas alors les pays vont encore plus s'endetter car il faudra payer encore plus d'aides sociales pour le ...

le 19/08/2014 à 20:22
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La balance commerciale de la France est déficitaire de 70 milliards . Ou vivez-vous?

le 19/08/2014 à 21:00
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chez moi. Et ma balance commerciale est plutôt bonne. Quoique la balance commerciale de mon intestin doit être encore plus forte. L'euro est fort car l'europe exporte plus qu'elle n'importe. Si la France a des soucis c'est son problème...

le 20/08/2014 à 0:27
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baisse de l'euro = du boulot

le 20/08/2014 à 11:37
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d'où tu tiens cette chiffre. la dernier balance a donné 15.7M€ dernier trimestre et il est probable que sa ne dépassera pas le 45M€ sur l'année.

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