Où vont les pays émergents ?

Les fameux BRICS ont du plomb dans l'aile. Quel avenir économique pour les pays émergents? par Quentin Gollier, consultant

« Les économistes, organisations internationales et autres commentateurs adorent considérer quelques pays à forte croissance et y isoler une politique publique commune » observe Angus Deaton, professeur d'économie et de relations internationales à Princeton dans son dernier livre « The Great Escape » (Princeton University Press, 2013). « Cet élément est ensuite tenu pour la véritable « clé de la croissance » - du moins jusqu'à ce qu'il fasse défaut à faire effet ailleurs » poursuit-il, « la situation est similaire pour ceux cherchant à examiner les pays les moins développés (le « bottom billion ») et à y observer par divination les causes de leur échec ».

Pour un spécialiste mondial de l'observation des raisons structurelles de la pauvreté des individus et des Etats, cette charge sabre au clair intrigue : « Ces tentatives [...] ne font rien que déguiser notre fondamentale ignorance ». Et de conclure sobrement : « Les augures étrusques et romains faisaient de même dans les entrailles de poulet ».

On ne peut imposer le changement aux pays en développement

Curieusement pour Paul Collier (Oxford), l'auteur du « Bottom Billion » attaqué ici, M. Deaton obtient quelques chapitres plus loin une conclusion remarquablement similaire sur les raisons de l'échec du développement des pays pauvres, à savoir l'aide internationale qui déresponsabilise les gouvernements et reste en moyenne profondément inefficace.

Alors que pour Deaton se demander ce que nous -citoyens des pays riches - pouvons faire pour aider est « précisément la mauvaise question, et la poser est probablement une partie du problème bien plus qu'un élément de la solution », M. Collier admet que « le changement dans ces sociétés au fond de l'économie mondiale doit venir de l'intérieur, et nous ne pouvons leur imposer ». La fragilisation considérable des économies en développement depuis le milieu de l'année dernière continue visiblement de jouer avec les nerfs des économistes.

 Ralentissement prolongé pour les anciennes stars de la croissance mondiale

Après avoir décrit avec un enthousiasme souvent débordant les capacités de croissance des géants en développement parallèlement au marasme prolongé des économies développées suite à l'effondrement financier de 2008, le débat entre économistes sur les capacités réelles de ces États à faire face aux défis de leur développement est aujourd'hui miné par la redistribution des cartes qui vient de se produire. Alors que les anciennes « stars » de la croissance mondiale (Brésil, Asie du sud-est, etc.) semblent entrer dans une phase de ralentissement prolongé, de nouvelles catégorisation artificielles surgissent de tous côtés, proclamant la montée sur scène des « CIVETS » d'HSBC, des « MINT » de Jim O'Neil (le père fondateur des « BRICS »), voire des « BENIVM ».

 Des générateurs d'acronymes aléatoires ont même fini par voir le jour sur certains sites spécialisés. Cette situation d'inconnue totale quant à la fragilité réelle des « BRICS » produit donc cette suite étrange à la tête des grands sites d'information internationaux de rapports indiquant le « retour en force » ou la « fermeture définitive » de la période de croissance sans précédent connue ces dernières années, pendant que de nouveaux États sont décrits comme les futurs « BRICS » sans même que l'on sache ce que cet acronyme a vraiment pu désigner.

 Quand la marée descendante continue de "dévoiler des pays sans maillot de bain"

Cette lutte académique parfois - comme ci-dessus - assez visiblement ad hominem produit en tous les cas de sérieux dégâts sur les marchés financiers tant la marée descendante continue selon l'expression de The Economist, de « dévoiler les pays sans maillot de bain », qui n'ont pas eu la sagesse de se réformer pendant le court âge d'or 2008-2013. Puisque, pour filer la métaphore, personne ne sait encore jusqu'où la marée va baisser, l'ensemble des investisseurs continue de vendre en bloc de larges positions sur ces marchés toujours plus vulnérables causant des pertes gigantesques aux institutions bancaires les plus exposées. Standard Chartered par exemple, entièrement centrée sur les marchés émergents a ainsi rendu public son premier déficit en dix ans et a limogé en douceur son directeur des marchés financiers.

Un véritable jeu de poker menteur

Accusant le coup de l'éclatement de la véritable « bulle » qui s'était produite suite à l'ère de capitaux faciles produite par le quantitative easing de la Réserve Fédérale des Etats-Unis, le retrait des valeurs émergentes continue de plonger banques, entreprises et économistes dans un jeu de poker menteur avec des pays en développement dont l'exposition au rééquilibrage économique actuel reste impossible à estimer considérant par exemple la fragilité des statistiques fournies par des gouvernements dépassés. Pour Jonathan Wheatley de beyondbrics le 26 juin, le risque d'une « débandade «  sur les marchés obligataires des « BRICS » est désormais « croissant » malgré les appels au « découplage » d'Etats très différents dans les défis de leurs politiques publiques.

Des déclarations véhémentes des gouvernements contre les marchés

A cette tension de plus en plus palpable s'ajoutent les déclarations véhémentes de gouvernements qui n'hésitent plus à désigner à la vindicte populaire les mouvements de capitaux qui les ont pourtant tant enrichis ces dernières années. Le ministre des finances sud-africain, manifestement hors de lui demandait en janvier suite à l'écroulement de sa politique de soutien au rand « comment après tous leurs calculs, [les investisseurs] ne parviennent-ils pas au bon résultat ? ». Dilma Rousseff au Brésil a elle préféré s'en prendre de manière vocale à la « guerre psychologique » lancée par les marchés, soutenue sur cette trajectoire par Luiz Dulci de la Fondation Lula voyant dans la réaction des marchés un véritable complot contre des Etats « ne suivant pas les recettes du néolibéralisme », et sans aucune « raison concrète ».

Les réactions épidermiques d'Erdogan, Kirchner, ou Poutine ont également contribué à la poursuite de l'hystérisation d'un débat portant pourtant sur un sujet on ne peut plus pragmatique, à savoir un réajustement des attentes des investisseurs dans un contexte de très forte incertitude. Tant que la confiance n'aura pas été rétablie entre capitaux au nord et terres d'investissement au sud, l'absence de données fera perdurer la cacophonie ambiante sur les « émergents ». Il reste à espérer que de cette période de chaos relatif émergent - c'est le cas de le dire - les véritables bons élèves économiques, les incitations pour les grands pays en développement à se réformer en profondeur n'ayant en tous les cas jamais été aussi élevées.

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Commentaires 8
à écrit le 21/08/2014 à 18:53
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Intéressant... mais un peu centré sur seulement 3 pays. On aimerait en avoir plus pour son argent

à écrit le 21/08/2014 à 16:26
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Sans blague? Ceux qui savent ne nous diront point et ceux qui disent n'en savent rien? "You are the lat(t)er."

à écrit le 20/08/2014 à 17:37
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des généralités qui sont débitées sous le point de vu de l’occidental qui ne veut surtout ne pas être seul dans les erreurs économique prisent depuis 2008... et qui montre que le système économique de l'offre et la demande et bien mieux gérer par un...

le 20/08/2014 à 20:03
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EXELENTE ANNALISSE?

à écrit le 20/08/2014 à 17:24
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Oui c'est un peu un memoire de L1. Un article c'est un fondement rationnel et pas seulement un resumé scolaire comme les consultants ont l'habitude de faire pour se mettre en valeur.

à écrit le 20/08/2014 à 15:04
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One who knows talks it not and one who talks knows it not .... You are the later!

le 20/08/2014 à 16:03
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@que de mots: beau charabia :-)

à écrit le 20/08/2014 à 12:46
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Conclusion, le problème ce sont les "Marchés" et l'aberration de leur avoir confié le financement de Etats.

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