Bienvenue dans un nouveau monde de "co-consommation"

La nouvelle économie du partage sera à l'honneur lors du Forum mondial Convergences, qui se tient du 8 au 10 septembre à Paris. Enjeu : comment s'appuyer sur la coopération et les nouvelles technologies pour coconstruire le monde de demain et cocréer une nouvelle société de consommation.
Un bénévole effectue la réparation d'un appareil hi-fi, dans le cadre d'une session de réparations dans un Repair Café, à Amsterdam. Une idée parmi d'autres pour prolonger la durée de vie des objets et s'inscrire dans la tendance profonde de production et consommation durables.

Croissance et pouvoir d'achat en berne, chômage et déclassement qui menacent : les Français vont connaître, cette année encore, une rentrée difficile. Ni les pouvoirs publics, ni la société civile, ni les entreprises ne semblent en mesure d'apporter une réponse à ces problèmes. Séparément, certes, ils paraissent impuissants. Mais ensemble ?

Et si toutes ces énergies convergeaient et tendaient vers un même but ? C'est le principe même de la septième édition du Forum mondial Convergences, qui se tient les 8, 9 et 10 septembre à Paris.

Lancée en 2008, l'ONG présidée par Jean-Michel Severino, ancien patron de l'Agence française de développement, a fait de la cocréation son credo. Nombreux sont les sujets - du réchauffement climatique aux grandes épidémies en passant par la pauvreté et le chômage - dont les ramifications sont si complexes qu'ils requièrent la coopération de tous, pouvoirs publics, entreprises privées, société civile, acteurs sociaux.

Cette année, le Forum se penchera en particulier sur la production et la consommation durables. Le thème est transversal. Il implique un dialogue entre producteurs (petits et grands) et consommateurs, entreprises (de distribution, notamment) et syndicats, en France comme à l'étranger, et comporte une dimension sociale mais aussi environnementale.

« Quelle nouvelle organisation pouvons-nous avoir dans la relation fournisseurs, détaillants, consommateurs, mais aussi salariés, actionnaires ? », se demande ainsi Jean-Michel Severino.

Louer plutôt que posséder les objets

Pas question de faire la révolution, mais seulement - et c'est déjà beaucoup - de réfléchir à d'autres modes de fonctionnement, d'autant que certaines innovations, de l'agriculture urbaine à l'imprimante 3D, peuvent favoriser le changement. Si les habitants des villes produisaient directement une partie de leur alimentation et si les imprimantes 3D permettaient de reproduire localement des objets endommagés, les relations entre producteurs et consommateurs en seraient changées. Et si, comme c'est déjà en partie le cas grâce à des sites Web du type Place de la loc', au lieu d'acheter une perceuse, outil que l'on utilise en moyenne... huit minutes par an selon les statistiques, on louait celle de son voisin ?

Ces systèmes existent déjà, il suffirait d'en amplifier la portée, estime Convergences. Enfin, si, au lieu de subir l'obsolescence programmée de certains objets - grille-pain, poste de télévision ou téléphone fixe -, on se contentait là aussi de les « louer » ? Aux fabricants, s'entend. Ainsi, ces derniers resteraient propriétaires des objets, et auraient donc intérêt à ce qu'ils soient plus durables...

Dans tous ces cas, le rapport entre producteurs/consommateurs ou détaillants/consommateurs évoluerait. Ainsi que le concept de propriété, même s'il ne s'agit pas de l'éliminer !

Les idées pour produire et consommer durable foisonnent désormais. Les signaux en faveur de ces changements peuvent aussi bien venir des consommateurs que des pouvoirs publics ou des entreprises. Les premiers se réunissent pour faire réparer un objet, comme dans le concept de Repair Café (voir ci-dessous) ou construire un ordinateur, comme dans « Jerry do it together », ou décident de demander à une chaîne de restaurants de servir du poisson qui n'aurait pas été pêché en chalutage profond, par exemple, le tout via une campagne alimentée par les réseaux sociaux.

Les pouvoirs publics, de leur côté, peuvent aussi envoyer des signaux. Sous forme de dispositifs législatifs (taxe carbone ou autre) mais aussi via les appels d'offres - réservés aux entreprises qui auraient choisi de produire durable ou social. Et bien sûr, les entreprises, soumises à différentes contraintes extérieures, y compris sur leur image de marque, font aussi des efforts pour fabriquer mieux et procéder à des approvisionnements solidaires ou durables. Les initiatives, de la part des grandes entreprises, abondent.

Une avant-garde parmi de grandes entreprises

Depuis 2007, la société Danone, associée à la Grameen Bank de Mohammed Yunus, le pionnier du microcrédit, fabrique au Bangladesh des yaourts à haute teneur nutritive, en partie vendus par des femmes.

L'Oréal pratique l'approvisionnement solidaire (parce que « c'est un levier d'inclusion sociale », dit le site Web du géant de la cosmétique), en achetant des ingrédients comme le karité aux femmes de certains pays producteurs, tandis qu'Unilever s'est engagée à ce que son approvisionnement en huile de palme soit durable, afin de lutter contre la déforestation qui sévit notamment en Malaisie et en Indonésie.

Certes, le profit reste la motivation première de ces multinationales, mais les ONG et le public veillent. Le long terme prend parfois le pas sur le court terme dans une partie - de plus en plus significative - de leurs activités. Pas question de baisser la garde pour autant. Les efforts doivent être maintenus et amplifiés, estiment les promoteurs d'une nouvelle société de consommation, qui ferait la part belle à la cocréation.

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>>> FOCUS « Le grand public veut des objets durables et réparables »

Martine Postma, directrice de la fondation Repair Café, se veut la nouvelle championne de la « chasse aux gaspis ».

C'est parce qu'elle était excédée par le gâchis de ces appareils ménagers, programmés pour tomber en panne au bout de quelques années et impossibles à réparer que Martine Postma, une ancienne journaliste, a décidé d'agir. À son niveau. « Les réparations sont chères, ennuyeuses, sales », explique-t-elle. Elles les a transformées en happenings !

Volontaires d'un côté, propriétaires d'un appareil endommagé de l'autre, tous se rencontrent lors de « sessions de réparation, organisées dans leur quartier, plusieurs fois par mois. L'idée, conçue en 2009, fait mouche depuis 2011. Aujourd'hui, aux Pays-Bas, son pays natal, Martine Postma, à la tête de la fondation Repair Café, affiche 225 événements par mois.

Le concept a essaimé : il existe 170 « Repair Cafés » en Belgique, presque autant en Allemagne et enfin, depuis deux ans, environ une quinzaine en France, en Angleterre et aux États-Unis. Martine Postma met à disposition des acteurs sociaux un petit vade-mecum, rédigé en plusieurs langues et permettant de lancer ce genre de « cafés ».

« Nous n'allons pas révolutionner l'économie, mais ces cafés sont un signal envers les entreprises. Le grand public veut des objets durables et réparables », souligne-t-elle.

Cette militante réfléchit aussi à d'autres formes de pression sur les producteurs.

« Les objets, comme c'est déjà le cas pour les voitures, par exemple, pourraient être simplement loués, explique-t-elle. La propriété resterait aux fabricants, qui auraient donc tout intérêt à produire des choses de qualité. Ou alors, nous pourrions allonger la durée des garanties pour certains produits, avec les mêmes effets. »

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Commentaires 2
à écrit le 09/09/2014 à 13:59
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Concernant la location d'appareils. Comme souvent, la location fini par coûter bien plus chère qu'un achat ! Autre question : Face à la paupérisation de la population... comment assumer de multiples locations pour équiper son logement ? Je reste d...

à écrit le 09/09/2014 à 10:42
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en plus des objets durables et réparables, il faut aussi mettre fin à ce détournement des lois de brevet que pratiquent certaines entreprises (téléphonie, machine à café...) pour empécher la concurrence et forcer des prix abusifs. Les protections des...

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