Traité transatlantique : les limites de l'exigence démocratique

La commission européenne est fondée, juridiquement, à récuser l'initiative de 250 organisations réclamant plus de démocratie concernant la négociation du traité transatlantique. Mais sur le fond, il apparaît clairement que l'attitude de la commission est désastreuse. Par Hervé Guyader, avocat au Barreau de Paris, président du Comité Français pour le Droit du commerce international.

Un collectif de 250 organisations issues de 21 pays avait enregistré auprès de la Commission européenne une demande d'initiative citoyenne européenne (ICE) à l'encontre du Traité transatlantique. Il s'agit d'un instrument de démocratie participative permettant aux citoyens européens d'alerter leurs dirigeants sur les questions qu'ils considèrent comme importantes. Préalablement à la collecte des signatures devant atteindre un million avant un an, la Commission européenne devait procéder à la vérification de la recevabilité de cette initiative (contrôler qu'elle émane d'au moins sept Etats, qu'elle a trait aux compétences de l'Union européenne).

Une initiative rejetée, sans surprise


Sans surprise, la Commission a rejeté cette initiative le 10 septembre dernier aux motifs qu'elle "est manifestement en dehors du cadre des attributions de la Commission en vertu desquelles elle peut présenter une proposition d'acte juridique de l'Union aux fins de l'application des traités". Il nous sera permis de nous réjouir de cette décision qui, d'un point de vue juridique, est parfaitement justifiée et, finalement très opportune.
Une initiative ne saurait, en effet, avoir pour objet de solliciter une action négative de la part de la Commission. Par ailleurs, la décision d'ouverture de la négociation transatlantique ne constitue pas un acte juridique de l' Union au sens de l'article 11 du traité instituant l' Union Européenne.

Une méthode désastreuse


Au-delà de ce satisfecit juridique, il reste regrettable que la Commission ait balayé d' un revers de main cette initiative.  Le contexte transatlantique est délétère au point qu'il a fallu organiser une consultation de trois mois afin de permettre aux citoyens européens de s'exprimer avant que l'Italie, actuellement présidente du Conseil de l'Union, ne propose de rendre public le mandat donné au Commissaire De Gucht de négocier au nom de l'Europe. Même s'il est vrai que ce mandat, certes confidentiel, est disponible presque partout sur Internet, il demeure que la méthode est désastreuse.
S'il est un principe juridique de base qu'une négociation ne peut être que strictement confidentielle (si l'on veut lui laisser quelque chance d'aboutir), il demeure qu'au vu des angoisses incroyables entourant ce traité, il eût bien mieux fallu en parler publiquement et faire œuvre d'une certaine transparence. Le commerce international n'est pas l'objet de quelques sachants totalement séparés de la plèbe. Il est le quotidien des européens qui achètent des produits étrangers (et ont le droit de savoir ce qu'ils achètent) et exportent les leurs. La démocratie doit s' exercer ici comme ailleurs tant l'Europe est historiquement baignée de cette ouverture ! Ce n'est pas parce qu'un sujet est très délicat que cette difficulté doit autoriser que, par lâcheté, il reste tu.

Une Commission qui ne comprend pas le citoyen européen

Le manque de pédagogie de la Commission européenne est dévastateur tant cela illustre qu'elle ne comprend décidément rien au citoyen européen et n'a jamais anticipé que la totale incompréhension des problématiques juridiques transatlantiques ne pouvait se résoudre qu'en une réaction de peur, donc de rejet.
Ce n' est pas en se cachant que l' on parviendra à faire avancer ce traité. Il faut en discuter, débattre et convaincre ! Les folles idéologies déversées à longueur de colonnes de certains organes de presse, citant à l'envie poulet au chlore et autre boeuf aux hormones, ne pourront être vaincues qu'en les affrontant.
Ce faisant, peut être parviendrons nous à démontrer qu'au lieu d'y voir une abomination - déjà orchestrée - destinée à nous spolier, il s'agit, tout au contraire, de participer à l'élaboration d'un projet pertinent, celui du paysage économique du futur.

Hervé Guyader
Avocat au Barreau de Paris
Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

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Commentaires 6
à écrit le 24/09/2014 à 0:43
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Il y a un certain temps qu'il n'y a plus de referenda européens.

à écrit le 23/09/2014 à 0:41
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Euh , "pédagogiquement" , il y a surtout des sous à se faire dans le "juridique commercial". Consommer au maximum près de chez soi, faire du troc.....cela ramène plus de démocratie et moins de juridique.

à écrit le 22/09/2014 à 23:30
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On peut penser que le Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International n'est pas tout à fait désintéressé dans cette histoire. Si on voit bien qui seront les gagnants de ce traité on ne dit pas vraiment qui va payer les facture...

à écrit le 22/09/2014 à 20:28
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Vu d'un certain côté, on pourrait penser que les négociations sont secrètes (parait qu'on peut trouver des infos, ils doivent faire un rapport périodique à la commission) afin de ne délivrer à la fin que les points sur lesquels un accord de compromis...

à écrit le 22/09/2014 à 20:02
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Quand on voit ce que les USA et le Canada appellent libre échange ça fait plutôt rigoler... Ils profitent surtout d'échanges mondiaux asymétriques essentiellement dans leur intérêt et en préservant leurs lobbys corporatistes.

à écrit le 22/09/2014 à 16:12
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Cette "négociation" n'a aucune légitimité puisque qu'elle ne représente pas le peuple!

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