Euro : les conditions d'une sortie de crise

Face au risque de stagnation séculaire, il faut changer radicalement la politique économique en Europe. Le redressement passe notamment par un processus de hausses des prix. Il peut être obtenu entre autres par la hausse des bas salaires et une politique budgétaire favorable aux plus faibles revenus. Par Michel Aglietta, université de Paris Ouest et CEPII (dernier ouvrage : "Un New Deal pour l'Europe", co-auteur avec Thomas Brand, 2013, Odile Jacob). Extraits d'une note publiée par le think tank Terra Nova.
Quand la dette privée diminue, la dette publique augmente...

Le cycle financier résulte d'une interaction forte entre l'évolution de l'endettement privé et celle du prix des actifs, de longue durée et de grande amplitude. Il est mû par une logique de momentum. Le momentum veut dire que les trajectoires temporelles des prix des actifs sont les effets d'interactions auto renforçantes entre les anticipations des participants aux marchés et à leurs attitudes face au risque. Le cycle financier a une périodicité de 15 à 20 ans, donc une durée bien plus longue que l'horizon de décision des investisseurs privés et des dirigeants politiques obsédés par le cycle électoral Cet horizon est au-delà de leur capacité à s'ajuster à l'instabilité financière. C'est pourquoi la macroéconomie est spontanément pro cyclique. Quand la dynamique est entraînée par le momentum, les déséquilibres s'accumulent dans les stocks d'actifs et dans l'endettement. Ils agissent sur les flux de crédit dans les phases haussières et baissières du cycle financier.

La périodicité et l'amplitude du cycle financier sont bien plus grandes que celles des fluctuations de l'économie réelle mesurées par les fluctuations du PIB. Les autorités monétaires l'ont ignoré conformément au postulat de l'auto régulation de la finance. Comme la doctrine du ciblage de l'inflation était univoque - un instrument (le taux court) et un objectif (la cible d'inflation) -, il n'était pas possible d'interagir avec le cycle financier et donc d'amortir les déséquilibres qui s'y accumulent. Les politiques monétaires sous l'empire du postulat du fondamentalisme du marché ont donc été inopérantes avant la crise. Quel a été le rôle de la politique budgétaire ?

Quand la dette privée diminue, la dette publique augmente

Si l'on fait abstraction des guerres mondiales et des immédiats après-guerres, on remarque les grandes phases d'expansion et de contraction du crédit bancaire finançant les dettes privées. Les dettes publiques sont en opposition de phase avec le crédit bancaire ou sont stables (période 1873-1907), sauf dans les vingt années atypiques (1975-1995) ou dettes publiques et crédit bancaire augmentent vivement de concert. Cela correspond à la période de transformation du régime monétaire qui s'est accompagnée d'une vive progression du coût des dettes publiques. A partir de 1996 et jusqu'à 2008, au contraire, la progression du crédit bancaire au secteur privé s'est accélérée continuellement, tandis que le ratio dette publique/PIB a diminué.

La crise financière n'a rien à voir avec les problèmes de finances publiques

Il est donc clair que le murissement de la crise financière n'a absolument rien à voir avec des problèmes de finances publiques. La dette publique a bondi après que la crise soit devenue systémique. Puisque l'endettement privé crée le cycle financier et que l'endettement public est contra-cyclique dans les phases récessives du cycle financier, quelle incidence le niveau de dette publique au sommet du cycle financier a-t-il sur la récession financière ? Dans les pays où le cycle financier est particulièrement intense, comme les États-Unis ou l'Espagne en Europe, la dette publique peut décroître dans la phase d'expansion du crédit privé. Mais, si la dette publique a déjà un niveau élevé, celui-ci peut exacerber les effets macroéconomiques du désendettement privé après la crise.

La récession financière est plus profonde et plus longue, la reprise plus lente. Au contraire, dans une récession normale, c'est-à-dire sans crise financière, le niveau de dette publique n'a pas d'incidence sur le cycle des affaires. Le problème n'est pas le niveau de dette publique en soi. C'est l'évidence  que pour compenser le désendettement privé dans une récession financière, il faut une politique d'expansion budgétaire forte qui est entravée par un niveau de dette déjà élevé.


Du point de vue des politiques publiques, la configuration de la période 1996-2006 qui a abouti à une fragilité financière très élevée est donc due essentiellement à l'inadéquation de la politique monétaire, dite du ciblage de l'inflation, face à une effervescence financière incontrôlée. Dans certains pays comme la France où la dette publique a continué à monter, la politique budgétaire a eu aussi une responsabilité, mais ce n'est absolument pas le schéma dominant en Europe. Il s'ensuit que la focalisation exclusive sur la dette publique en zone euro depuis la crise, alors que le désendettement privé n'est pas réalisé (tableau 1), ne pouvait conduire qu'à des politiques macroéconomiques erronées, c'est-à-dire incapables de faire baisser la dette privée.

Le cercle vicieux endettement/hausse du prix des actifs

C'est bien pourquoi, comme on l'a vu, la BCE a été forcée d'entreprendre une révision urgente de son dogme monétaire. Dans un univers incertain les comportements individuels ne sont pas régis par des attitudes psychologiques exogènes. Le prix du risque est une convention collective variable qui est produite par l'interaction des acteurs dans les marchés financiers. De la vient la possibilité du momentum qui est une logique d'amplification du cercle vicieux endettement/hausse du prix des actifs lorsque le prix du risque baisse fortement. Le dilemme de la finance en résulte : plus le prix du risque incorporé dans les rendements des actifs est bas, plus la finance est vulnérable au risque systémique. Le risque est surévalué et devient systémique dans les crises parce qu'il a été sous-évalué dans les euphories collectives antérieures. La politique monétaire est prise dans le même dilemme : une politique qui favorise une diminution forte du prix du risque parce que l'inflation est basse, provoque les vulnérabilités financières qui vont faire bondir le prix du risque ultérieurement.

Pour éviter que les banques centrales ne soient contraintes à des sauvetages a posteriori, dont ni l'ampleur ni la durée ne peuvent être maitrisées, la politique macro prudentielle est un nouvel outil dédié à la stabilité du système financier dans son ensemble. Pour réaliser cet objectif la politique macro prudentielle doit maintenir le prix du risque à un niveau suffisamment élevé dans la phase d'expansion financière pour éviter qu'il ne s'élève de manière destructrice dans la phase de retournement. Il s'agit donc d'influencer l'arbitrage prix du risque/probabilité de crise systémique qui est inhérent à l'instabilité intrinsèque de la finance. Pour modifier les conditions de cet arbitrage, il faut agir sur les vulnérabilités sous-jacentes, structurelles et dynamiques. Les vulnérabilités structurelles proviennent des interconnexions et des complexités de l'intermédiation de marché. Les vulnérabilités dynamiques sont endogènes au cycle financier. Ce sont les leviers croissants des intermédiaires liés au momentum des prix d'actifs et les mismatchs grandissants d'échéances par recours au marché de dettes de plus en plus courtes pour financer des actifs longs et illiquides.


Le dogme d'une politique monétaire indépendante de la politique budgétaire: pas de sens au sens du cycle financier

Contrôler et modérer ces vulnérabilités est l'enjeu de la politique macro prudentielle. Par leurs composantes dynamiques les vulnérabilités évoluent dans le cycle financier. Il s'ensuit que la politique macro prudentielle ne peut pas être indépendante de la politique monétaire. Les indicateurs du risque systémique et les instruments pour les maîtriser doivent être incorporés dans une politique monétaire élargie à l'objectif de préservation de la stabilité financière, c'est-à-dire réduire l'amplitude du cycle financier pour modérer la fréquence et la sévérité des crises. Le dogme selon lequel la politique monétaire doit être indépendante de la politique budgétaire n'a pas de sens dans le cycle financier. Après le retournement des prix d'actifs, les périodes de désendettement du secteur privé s'accompagnent initialement d'une hausse de l'endettement du secteur public. La question fondamentale de la politique budgétaire est celle du rythme de désendettement public contingent au rythme de désendettement privé.

L'articulation des politiques monétaire et budgétaire est le pivot d'une stratégie de désendettement. En modulant le rythme de la consolidation budgétaire sur le rythme de désendettement privé, la politique budgétaire permet de soutenir le revenu nominal. L'objectif de revenu nominal et le désendettement privé contingent garantissent conjointement la soutenabilité de la dette publique. Corrélativement l'objectif de la banque centrale est de fait le soutien du revenu nominal. Il doit donc y avoir collaboration entre les deux piliers d'une politique macroéconomique. En réduisant l'amplitude du cycle financier si elle est efficace, la politique macro prudentielle aide aussi parce qu'elle diminue l'ampleur des déficits publics nécessaires dans la phase de retournement.


La crise financière a remis en cause les présupposés de la politique monétaire

La crise financière a fait faire un grand tour à la politique monétaire. Sous l'influence de la « nouvelle économie classique », qui avait radicalisé la vieille théorie monétariste par l'hypothèse d'anticipations rationnelles, la politique monétaire était restreinte à un instrument, le taux d'intérêt court, pour un objectif, l'inflation cible. La crise financière a remis en question fondamentalement ces présupposés théoriques. Il s'ensuit que la politique monétaire se trouve au confluent de trois objectifs : la stabilité du niveau général des prix (donc de la valeur de la monnaie), la stabilité financière, la soutenabilité de la dette publique. La théorie de la politique économique enseigne qu'il est possible de surmonter les conflits d'objectifs si l'autorité en charge de la régulation macroéconomique dispose d'au moins autant d'instruments que d'objectifs. De plus, ces instruments doivent être affectés aux objectifs pour lesquels ils sont relativement les plus efficaces.

Cette redéfinition de la politique monétaire va au-delà des mesures d'exception provoquées par la crise financière. Les trois objectifs interdépendants ne peuvent être poursuivis dans l'intérêt du bien commun sans dialogue entre les autorités responsables de la politique économique.

Menace de déflation et d'enlisement dans la stagnation séculaire : quelle combinaison de politiques économiques pour en sortir ?

La stagnation séculaire se définit comme un fléchissement persistant de la croissance potentielle d'une économie à un rythme insuffisant pour ramener le chômage structurel à un niveau compatible avec le financement des biens publics fondamentaux dont dépend la stabilité de la société. En France, compte tenu du dynamisme démographique, cette croissance minimale à long terme est de l'ordre de 1,3 à 1,5% par an en moyenne. Elle n'est pas compatible avec les politiques qui ont été suivies dans les cinq dernières années. Dans tous les pays qui avaient des dettes privées élevées et où les politiques budgétaires avaient été expansives en 2009 et 2010, le volte face qui a suivi la crise grecque a été à la fois trop brutal et simultané.


Il a produit le contraire de ce qu'il recherchait, c'est-à dire un étouffement de la croissance qui a contrecarré l'objectif de réduction des dettes publiques. La
croissance cumulée de la zone euro de 2008 à 2013 a été de -2%, celle de la France +0,5%. Pour récupérer une croissance potentielle de 1,3%, il faudrait une accélération à court terme bien audessus de ce rythme tendanciel, soit 1,8 à 2% sur plusieurs années. Or aucun dynamisme ne se manifeste. La croissance de 2014 est maintenant prévue à 0,5% et celle de 2015 ne devrait pas dépasser 1%.

La stagnation séculaire est étroitement liée à la persistance du taux d'intérêt dirigé par la banque centrale à la barrière de taux 0 (zero lower bound ou ZLB) et à la dégringolade du taux d'inflation très en-dessous de la cible de la banque centrale. C'est un phénomène qui dépasse très largement la zone euro, même si c'est en zone euro qu'il est le plus accusé. Le symptôme le plus spectaculaire est une atonie de l'investissement productif (il baisse depuis 2008 en zone euro en dépit d'un rebond de courte durée en 2010) malgré un taux d'intérêt réel très bas, voire négatif. Les effets sur le PIB sont spectaculaires : décélération de longue durée du taux de croissance potentielle et output très en dessous de ce PIB potentiel lui-même très bas par rapport à ce qu'aurait été son niveau si la
croissance potentielle d'avant-crise avait été maintenue de puis 2007.

Il faut évidemment aller au-delà des symptômes pour repérer les processus en jeu. Ensuite il faut bien comprendre ce que les responsables de la politique économique en Europe refusent d'admettre. C'est le modèle macroéconomique sur lequel reposait le consensus de la « Grande Modération » qui est sens dessus dessous. En conséquence l'efficacité de la politique monétaire est dramatiquement réduite. Il s'ensuit que la politique monétaire seule ne peut résoudre le problème ; d'où l'appel de Draghi à la coopération. Mais celle-ci est entravée par l'incomplétude de l'euro ; d'où le cercle vicieux qu'il va bien pourtant falloir briser.


Les processus qui entretiennent le stagnation séculaire

Pour les comprendre il faut lever les postulats macroéconomiques qui ont soutenu le modèle de la « grande modération ». La première est l'hypothèse déterminante de la théorie néo-classique de la croissance : l'offre à long terme est indépendante de la demande. Elle suit une tendance qui ne dépend que de la démographie et du progrès technique, lequel est exogène à la finance ; ce qui permet de définir les valeurs fondamentales des actifs. La technique est vue comme un deus ex machina, indépendant de toutes caractéristiques concernant les vues sur l'avenir que la finance exprime.

Celle-ci est supposée se conformer à l'hypothèse d'efficience, comme on l'a vu plus haut.
Or, on l'a étudié dans la section précédente, la logique de la finance n'est pas du tout ce qui est ainsi postulé. Les données historiques rassemblées par les organisations internationales, au premier chef par la Banque des Règlements Internationaux (BRI), montrent que le développement du crédit et du prix des actifs, c'est-à-dire des évaluations de la rentabilité du capital, fait apparaître des cycles financiers de longue durée. Il s'ensuit que les interactions entre le cycle financier et les tendances de l'économie réelle sont étroites.


Dans la phase déclinante du cycle financier qui suit la crise, les faiblesses de l'économie réelle sont persistantes. Le rétablissement de la productivité est très lent et fait baisser la tendance de longue période. L'inflation est basse, systématiquement en dessous des objectifs de la politique monétaire. L'incertitude sur la qualité des actifs financiers freine l'innovation. L'hypothèse théorique la plus efficace pour expliquer ces phénomènes est la déflation de bilan. Elle met la finance dans la position dominante pour comprendre les grandes fluctuations de la croissance à long terme.

La phase expansive du cycle financier: surendettement, surévaluation des actifs, mauvais investissements

Car le développement du cycle financier dans sa phase expansive n'est pas un processus efficace. Il entraîne le surendettement, la surévaluation des actifs qui provoque des investissements de mauvaise qualité, les distorsions dans l'allocation des ressources réelles et l'accumulation de vulnérabilités dans la finance elle-même. C'est l'interaction de ces distorsions qui explique la gravité de la crise financière. Elle provoque la récession de bilan, c'est-à-dire le processus périlleux de dévalorisation des actifs indument survalorisés et du désendettement. Cette logique s'impose à toute l'économie en entravant à la fois la demande et les progrès de productivité.

Ces enchainements mettent la finance au poste de commandement des processus qui déterminent la croissance. La controverse pour savoir si c'est l'offre ou la demande qui est responsable est absurde. Il y aune codétermination à partir des paris de la finance. L'offre et la demande globales interagissent à long terme, car toutes deux dépendent des évaluations et des choix de la finance. Quand les excès antérieurs polarisent les choix actuels sur la déflation des bilans, l'offre et la demande sont affectées dans le sens d'une croissance basse prolongée. C'est pourquoi la politique macroéconomique en Europe est peu efficace. La politique budgétaire expansive n'a qu'un impact modéré, mais la politique d'austérité aggrave sensiblement la faiblesse de la demande. La politique monétaire rencontre les pires difficultés pour éviter que l'inflation trop faible ne rende le désendettement plus difficile.


Des processus de la stagnation séculaire au modèle macro-économique

Le concept clé pour analyser l'effet des politiques économiques appartient à la théorie monétaire de K.Wicksell. C'est le taux d'intérêt naturel. Ce concept a été repris par Keynes pour montrer que le taux d'intérêt du marché peut rester trop haut pour atteindre le plein emploi pendant de longues périodes.

Le taux d'intérêt naturel est le taux d'intérêt d'équilibre qui réalise l'équilibre épargne/investissement à un niveau compatible avec la croissance de plein emploi et un taux d'inflation stable qui valide les anticipations de moyen terme des agents économiques. La politique monétaire s'efforce de faire converger ces anticipations sur sa cible d'inflation. Il s'ensuit qu'il y a équilibre de plein emploi si le taux d'intérêt réel « de marché », c'est-à-dire le taux directeur de la banque centrale lorsque l'inflation est sur la cible, est égal au taux naturel. A contrario, la stagnation séculaire est une configuration macroéconomique dans laquelle le taux naturel est trop bas (voire <0) pour que la politique monétaire, bloquée par la barrière de taux zéro, puisse faire descendre le taux réel de marché au niveau du taux naturel.

Le retournement du cycle financier produit de gros dégâts dans le capital productif installé et surtout dans les investissements qui ont été faits en anticipant des taux de rendement gonflés par la bulle spéculative des actifs. Le retournement financier entraîne donc des dévalorisations du capital qui provoquent une forte contraction de la rentabilité des actifs. Il s'ensuit une baisse du taux naturel qui peut le mener dans le territoire de taux négatifs. La déflation de bilan maintient le taux naturel à un niveau très bas par les interactions macroéconomiques. Plus le désendettement est retardé, plus la demande est faible et plus l'épargne se dirige vers les actifs sûrs ; ce qui en déprime leur taux de rendement. Ces conditions de demande accroissent le chômage et bloquent la progression des revenus d'activité. Elles provoquent donc le glissement vers le bas du taux d'inflation. La banque centrale ayant son taux nominal bloqué au minimum, toute baisse de l'inflation élève le taux d'intérêt réel de marché. Celui-ci demeure au dessus du taux naturel.


Une nécessité : redresser l'inflation


L'équilibre épargne investissement ne peut se fixer au niveau d'activité permettant un reflux du chômage. La régulation macroéconomique est perturbée parce que le schéma standard qui détermine le niveau de l'output et le taux d'inflation dans le référentiel de la courbe d'offre à pente croissante et la courbe de demande à pente décroissante en fonction du taux d'inflation est renversé. Parce que la baisse de l'inflation ne peut pas être répercutée par la banque centrale en diminution du taux d'intérêt directeur, elle fait monter le taux d'intérêt réel, mais aussi la valeur réelle des dettes. La demande d'investissement est réduite parce que le coût du financement externe est accru. La consommation n'est pas stimulée parce que le renchérissement réel de la dette contrecarre l'effet de la baisse des prix sur la consommation. La courbe de demande globale a donc une pente croissante en fonction du taux d'inflation, au lieu d'être décroissante. De son côté la courbe d'offre est très plate parce que la production ne réagit que faiblement, si elle fait, au taux d'inflation, dès lors que le taux naturel reste très bas.

Dans ce référentiel, une politique d'offre, que la mode actuelle en France appelle structurelle et qui consiste à s'efforcer de réduire le coût du travail et donc de déplacer la courbe d'offre vers le bas diminue l'output au lieu de l'augmenter. Il s'ensuit que les politiques pertinentes sont structurelles en ce sens qu'elles doivent avant tout rétablir un schéma macroéconomique standard : une courbe de demande à pente négative, une courbe d'offre plus pentue.


Pour retrouver ce schéma il faut redresser suffisamment l'inflation d'un côté, cibler des politiques de croissance capables de relever la rentabilité du capital de l'autre, de manière à rétablir un taux d'intérêt de marché durablement inférieur au taux naturel. Avec un écart ainsi inversé, le rattrapage du retard d'investissement productif est possible. Comme une vague puissante d'investissement déplace d'abord la courbe de demande vers la droite, puis accroit la productivité en incorporant les techniques de production les plus performantes, l'effet de croissance recherché devient possible.
Mais il suffit dénoncer ces conditions pour comprendre que les politiques recherchées impliquent cohérence entre différents leviers d'action. Il faut donc une collaboration étroite entre la politique monétaire et les politiques qui sont de la responsabilité des gouvernements, et en zone euro entre les gouvernements.


Les politiques vertueuses sont bien différentes de celles qui sont menées actuellement

Comme on l'a montré dans la première section, seule la BCE a bougé. Elle est allée au bout de la logique de baisse du taux nominal. Elle cherche donc à accroître la taille de son bilan. Il n'est pas sûr que l'achat de titres privés puisse être d'une ampleur suffisante lorsque la très faible inflation est ancrée dans le système des prix. Si, en effet, le taux naturel est négatif, il faut que la hausse des prix soit au moins égale à l'opposé du taux naturel pour établir un taux de marché inférieur au taux naturel en partant d'une situation où le taux nominal est nul. Il est possible que la politique d'achat de titres doive être massive pour augmenter suffisamment la taille ne peut se faire sans acquérir des titres publics. Il faudrait alors briser le tabou constitutif du traité de Maastricht ; ce qui implique une réforme institutionnelle pour compléter l'euro.

Pour relever les anticipations d'inflation qui sont en train de fléchir, il est possible, mais la banque centrale sera réticente, de modifier temporairement la cible d'inflation pour signaler que l'on cherche à récupérer le retard cumulé de hausse de prix par rapport au niveau d'inflation avait été suivie depuis le début de la crise. Pour mettre en pratique cet objectif, il faudrait utiliser une cible temporaire de niveau de prix ou une cible de PIB nominal.
Les gouvernements doivent aussi prendre leur part. A court terme, ce qui est crucial, c'est d'augmenter les salaires de manière différenciée, c'est-à-dire d'abord dans les pays où les finances publiques laissent des marges de manœuvre sans compromettre les objectifs de soutenabilité de la dette publique à moyen terme. La politique fiscale de soutien doit injecter du pouvoir d'achat aux catégories de revenus à haute propension à consommer.

Concernant les politiques de croissance pour relever le taux naturel, la priorité est d'inverser le déclin de longue durée de l'investissement public en Europe. Il s'agit d'investissements programmés au niveau européen mais décentralisables pour donner une impulsion d'entraînement à l'investissement privé et pour élever la productivité des facteurs de production. Trois types de priorités pourraient se dégager : les infrastructures de réseaux à externalités positives, les investissements bas carbone tournés vers l'efficacité énergétique, les investissements dans la formation/éducation sur toute la vie accompagnant l'automatisation des processus de production pour accroître systématiquement les qualifications.

Ces politiques de croissance ne peuvent démarrer que si est établie une intermédiation financière capable de surmonter la double défaillance des banques et des marchés dans le financement d'investissements de longue durée , portant des risques extra financiers importants. Deux pivots sont nécessaires à cette intermédiation financière. L'un est la banque centrale qui peut s'impliquer directement dans le financement des investissements bas carbone, outre son implication indirecte par l'achat d'ABS. Le second est un Fonds Public Européen d'investissement, c'est-à-dire un intermédiaire financier capable de coordonner des investisseurs responsables pour le financement de long terme.

La note complète sur le site de Terra Nova

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Commentaires 19
à écrit le 26/09/2014 à 17:08
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De l'intelligence ... mais pas celle de présenter son point de vue de manière simple et concise !! Bref, totalement non comestible

à écrit le 26/09/2014 à 12:40
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à part quelques courts passages. Or, si on veut être utile, il faut être compris des décideurs de tous niveaux pour pouvoir être justement contesté et permettre de progresser ! Un dialogue avec un vrai contradicteur (et non un simple faire valoir) ...

à écrit le 26/09/2014 à 10:12
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Notre problème c’est que nous avons une économie financière qui fabrique de la fausse richesse à partir de rien mais qui a besoin de l’économie réelle pour asseoir définitivement les gains qu’elle produit. C’est la raison pour laquelle de nombreuses ...

à écrit le 26/09/2014 à 10:00
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Et l'oligarchie des technocrates de Bruxelles continue toujours à gagner du temps en repoussant la fin de l'euro et en évitant de parler en "Récession". À ce sujet, deux excellents articles, didactiques et révélateurs sur la "Grande Dépression" qu'on...

le 26/09/2014 à 10:36
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Paul Krugman ne fait pas de l'économie dans le NY Times mais de l'idéologie et de la politique qui peut se résumer à endettez vous en toutes circonstances et sans limites...

le 26/09/2014 à 10:42
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A propos, le ministère des Affaires étrangères allemand a jugé aujourd’hui “inacceptable” la décision de Moscou d’interdire à une députée européenne allemande d’entrer en Russie, où elle devait assister au procès d’une Ukrainienne soupçonnée d’espion...

le 26/09/2014 à 11:08
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Alors vous considérez que Paul Krugman est une sorte de Jacques Attali américain ?

le 26/09/2014 à 11:57
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@ffreeman : l'économie est une science humaine, elle est donc constamment emprunte d'idéologie et de politique, elle n'est même que politique, même du côté des libéraux, rassurez vous, mais quand ça ne vous convient pas vous le soulignez, c'est ça ?

à écrit le 26/09/2014 à 9:49
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il n'y a absolument aucune evidence historique qu'une economie de taille moyenne ou grosse puisse operer avec des taux de prelevements obligatoires de 45% ou plus. La revolution fut faite pour arreter les privileges, et il serait peut-etre temps d'en...

le 26/09/2014 à 11:07
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Bien sur qu'il y a des preuves historiques d'un lien fiscalité forte/forte croissance. Le taux d'imposition marginal américain pendant son âge d'or était de 90%.

le 29/09/2014 à 2:52
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Désolé si le taux marginal était bien de 90%, le taux de prélèvement obligatoire était lui évidemment beaucoup plus faible !!! a quel niveau était il d'ailleurs Samy ?

à écrit le 26/09/2014 à 9:26
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Qui comprend cet article ? L'endettement a commencé à grimper en France par choix politique en 1981. Il est monté encore en 2008 à cause de la crise et il remonte actuellement par choix politique. Pour favoriser l'investissement il faut de la demande...

le 26/09/2014 à 11:05
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L'endettement a surtout grimpé entre 2002 et 2012. Par choix politique.

le 26/09/2014 à 11:58
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le début de l'endettement, c'est 74, choc pétrolier et financiarisation de l'économie qui impose de supporter les pertes privées et financière et la compétition fiscale, merci de ne pas refaire l'histoire économique à votre guise (et d'accumuler les...

le 26/09/2014 à 14:06
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@ clem : c’est justement la faute a ne pas faire , les pays arabes l’ont fait en 1973 lors du choc pétrolier pour protester contre le soutien a Israël on connais la fin de l’histoire , si une action ne dissuade pas le camp adverse elle ne fera que le...

à écrit le 26/09/2014 à 8:06
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Pourquoi s'entête on a décentraliser au niveau des États pour centraliser au niveau de l'UE! Sans doute pour enlever une couche au mille-feuille?

à écrit le 26/09/2014 à 7:46
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article parfaitement incompréhensible !!!! un inutile rentier de plus qui n'apporte R I E N !!!! si c'est cela qu'il apporte aux etudiants, on comprend que ceux-ci soient parfaitement incapables !!!!

le 26/09/2014 à 10:52
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Bravo bertrand tu as trouvé la bonne conclusion . Cet article : un charabia incompréhensible . Je n'ai pas eu le courage d'aller au bout .

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