Positive Economy Forum (2/5) : "Nous sommes à la veille d’une révolution sociale"

Cofondateur en Grande-Bretagne du fonds Apax, cet ancien d’Oxford et de Harvard est le pionnier du financement à impact social. Pour lui, aucun doute, demain, les fonds d’investissement et les financiers vont plus que jamais s’engager sur la voie de l’économie sociale. Pourquoi? Parce que, à long terme, c’est une nécessité. Extrait du discours du 23 janvier 2014, au palais de la City à Londres.
Sir Ronald Cohen

Si une nouvelle génération d'entrepreneurs souhaite faire la différence et pas seulement de l'argent, mais faire le bien et réussir ensemble, le modèle de l'entreprise lucrative à but social devrait en inspirer plus d'un.

Je suis frappé de voir le nombre de jeunes gens davantage attirés par le modèle non lucratif que par le modèle lucratif. Ils préfèrent la culture des organisations à but non lucratif, leur mission unique d'aider les autres. Ils sont motivés par la perspective d'atteindre de grands et nobles objectifs.

Aider ces organisations à but non lucratif à transformer leur capacité à améliorer l'existence est le grand défi que doit relever l'investissement à impact.

Comment s'y prendre ?

La réponse passe par davantage d'innovation, d'efficacité et de taille critique. Cela suppose un accès aux détenteurs de capitaux qui souhaitent un meilleur environnement social et qui sont prêts à accepter le risque qui accompagne l'innovation et la croissance.

Nous devons aider les organisations à but non lucratif à construire des bilans solides avec, à la base, des dons et, par-dessus, plusieurs couches de capitaux sociaux : fonds propres, obligations à impact social (OIS), dette, instruments financiers liquides et illiquides. Pour avoir accès à ces capitaux, ces organisations devront améliorer la mesure de la performance sociale qu'elles obtiennent, de sorte qu'on puisse la lier aux rendements du gouvernement, des fondations ou des entreprises qui bénéficient de ces résultats.

Avec ces remboursements des emprunts sur résultats, ces organisations pourront accorder un rendement acceptable aux investisseurs philanthropes et générer un excédent qui financera l'innovation et la croissance.

« La valeur sociale créée est quantifiée »

Nous observons déjà un changement notable dans la manière dont l'investissement à impact est conçu et présenté. Les plans d'investissement sont structurés d'une façon nouvelle qui met en valeur aussi bien le rendement social que financier.

Soit, par exemple, un comité d'investissement qui examine un projet d'émission d'obligations à impact social (OIS) de 10 millions de livres rapportant 2 à 13% l'an selon les résultats sociaux obtenus. Admettons que le rendement probable soit de 7% par an, alors que le risque pris exigerait un retour sur investissement de 1%. Hier, le comité aurait sans doute rejeté le projet.

Aujourd'hui, la valeur sociale créée est quantifiée. Les 4% manquant sur les sept ans de l'emprunt représentent 4,7 millions de livres. Si l'OIS a pour objectif de réinsérer 4.700 anciens prisonniers, davantage que la moyenne observée dans le passé, cela représenterait 1.000 livres par délinquant aidé. Si les fondations philanthropiques spécialisées dans la réinsertion de récidivistes souhaitent verser 1.000 livres pour réinsérer un prisonnier, le rendement social serait de 4%. Si elles versent 3.000 livres par prisonnier, le rendement social serait trois fois supérieur, soit 12 %. Un investissement qui génère un rendement financier de 7% et un rendement social de 12 % serait particulièrement attractif.

« Bien faire »

On peut déjà envisager le jour où, pour chaque problème social, chaque pays connaîtrait le coût d'une action sociale efficace, les économies que les pouvoirs publics en tireraient et, par-dessus tout, sa valeur pour la société. Certains programmes seront certainement plus économiques que d'autres. Certains entrepreneurs sociaux s'attelleront aux défis sociaux les plus difficiles, d'autres voudront avoir un impact sur la vie de publics plus larges en s'attaquant à des problèmes moins épineux. Mais les entrepreneurs comme les investisseurs philanthropes s'intéresseront davantage aux résultats qu'aux dons eux-mêmes. Ils s'attacheront autant à « bien faire » qu'à la satisfaction du don.

Certes, tout ce qui compte ne peut pas être compté et l'investissement à impact ne sera pas adapté à tous les problèmes sociaux. Mais lorsqu'on a commencé à travailler sur l'obligation Peterborough, certains ont pensé que seule la récidive pouvait être traitée de cette manière.

Or, à ce jour, sept questions sociales sont traitées par des OIS et d'autres sont à l'étude à travers le monde : en sus du diabète de type 2 et de programmes de désintoxication, on trouve des programmes pour lutter contre l'échec dans l'enseignement supérieur, la malaria, la maladie du sommeil, l'amélioration de l'emploi des femmes dans les pays en développement. À l'évidence, il existe beaucoup plus de résultats sociaux quantifiables qu'on ne l'imaginait au départ.

[...] Il est encore trop tôt pour dire lesquels de ces questions sociales ou de ces publics donneront toute sa visibilité à l'investissement à impact : l'enfance, le chômage des jeunes, la pauvreté des personnes âgées, les récidivistes, la santé ou le développement international ?

Mais mon expérience me permet d'affirmer ceci : l'investissement à impact est porteur d'une véritable révolution tirée par l'innovation. Il lui faudra dix à trente ans pour trouver sa place entre les 60 milliards de dollars de la microfinance et les 3.000 milliards du capital-risque et du capital-investissement. Il entraînera de grandes innovations et sera la marque de notre époque.

BIO EXPRESS
Originaire d'Égypte, la famille de Ronald Cohen s'est réfugiée à Londres après la crise du canal de Suez pour fuir les persécutions faites aux juifs en 1957. Ne maîtrisant que quelques mots d'anglais à son arrivée en Angleterre, le jeune homme apprend vite et bien. Diplômé d'Oxford et de Harvard, il entre chez McKinsey avant de fonder en 1972 le fonds d'investissement et capital-risque Apax Partners. À partir de 2000, beaucoup vont le considérer comme le père de la finance à impact social. Après avoir fondé The Portland Trust et Bridges Ventures, il préside Big Society Capital. Il est à la tête de la taskforce du G8  Social Impact Investment, qui doit remettre ses conclusions au G8 en septembre 2014.

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A LIRE DEMAIN (3/5): "La finance positive existe, soutenons-la !", par Philippe Zaouati

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Commentaires 11
à écrit le 28/09/2014 à 12:04
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...mais un jour on finit par s'en débarrasser.

à écrit le 28/09/2014 à 11:14
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Ils doivent bien rigoler les chinois en lisant ces articles .

à écrit le 28/09/2014 à 10:11
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Encore un grand savant qui ne sais pas ce qu'est l'énergie; et à quoi ça sert!

à écrit le 27/09/2014 à 15:21
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Il existe des fonds ethiques qui gerent l'épargne salariale dans des FCPE .Que croyez vous que choisissent les salariés en majorités car ils ont le choix entre cinq ou 6 fonds !Ils panachent entre les risqués et pas risqués et vont toujours au plus r...

à écrit le 27/09/2014 à 10:43
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Comme le don du sang en France, ça part d'une action individuelle, noble, philanthropique, désintéressée, généreuse pour qu'en suite votre pochette de sang devienne une machine à cash et finance des salaires confortables comme on a pu le constater lo...

le 27/09/2014 à 18:34
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Tout mon respect pour votre intervention! C'est l'image même de notre quotidien!

à écrit le 27/09/2014 à 10:05
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BUT NON LUCRATIF le mot est lancé mais sortez moi les salaires de ces associations ??? RAPPELER VOUS GeORGINA DU FOIX a la croix rouge,,,,crose marie au cancer ,les federations de foot etc

le 27/09/2014 à 11:53
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pas FAUX du tout !

à écrit le 27/09/2014 à 6:18
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Pas encore! les Français ont encore quelques bouts de gras...faut attendre encore un peu!

à écrit le 26/09/2014 à 23:24
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C'est possible ça? J'ai comme idée que ce n'est pas pour tout de suite...

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