La Chine, partenaire économique de plus en plus fréquentable ?

Alors que les chinois apprécient la France, les Français conservent une mauvaise image de la Chine, tout en admettant une méconnaissance des réalités de l'Empire du milieu. Attention: les chinois n'auront pas toujours besoin de la France et de ses produits. par Aurélien Broncard, AMB Office

En 2013, le déficit commercial de la France à l'égard de la Chine était de 25,8 milliards d'euros, hissant l'empire du Milieu sur la première marche du podium des déficits commerciaux bilatéraux de l'Hexagone, devant l'Allemagne. Ce déséquilibre est compensé par un excédent considérable de la France vis-à-vis de la Chine dans un autre domaine, celui de l'image. Là où les Chinois tiennent dans l'ensemble la France en haute estime, les Français, eux, conservent de la Chine le cliché d'un pays cheap, atelier du monde abreuvant l'Occident de marchandises généralement englobées sous le nom de « camelote ». Une anti image d'Epinal de plus en plus fausse.

Chine/France, deux poids, deux mesures

 Selon un sondage Ifop Asia réalisé en 2011, 76 % des Français considèrent comme inférieure la qualité des marques chinoises par rapport à celle des marques occidentales. Un chiffre paradoxal, puisque selon la même étude, seules 14 % des personnes interrogées estiment avoir un bon niveau de connaissance sur les marques et entreprises de l'empire du Milieu. Traduction : une écrasante majorité de Français déconsidère les produits chinois sans les connaître. 
Cette dépréciation de l'industrie chinoise s'accompagne, en creux, d'une crainte lancinante de la force de frappe de la Chine, le pays étant perçu comme un ogre glouton et tentaculaire. Cette phobie ancestrale, réactivée et nommée à la fin du XIXe siècle sous le nom de péril jaune, plonge en fait ses racines bien plus profondément dans le temps. Dans l'Ancien Testament, le livre d'Ezéchiel (Vème siècle avant JC) évoque déjà des hordes paganisées venues d'outre-Caspienne pour mettre à sac la Terre promise. Prophétie reprise mille ans plus tard dans le Coran. La déferlante Gengis Khan, au XIIIème  siècle, partant de la Mongolie pour venir s'échouer quelques milliers de kilomètres plus loin sur les rives du Danube, cristallisera pour de bon l'idée d'une Asie - et donc d'une Chine - féroce.

68% des Français ont une mauvaise image de la Chine

Aujourd'hui, selon un sondage Opinion Way, 68 % des Français conservent une mauvaise image de la Chine. On en est là. A contrario, si depuis la crise de 2008 la « marque France » est légèrement écornée aux yeux des Chinois, Pékin continue dans l'ensemble de percevoir de façon positive l'Hexagone et l'Europe. Pourtant, sur le plan historique, les Chinois auraient eux-aussi des raisons de nous en vouloir. Expert chez Mediation-Consulting, Nicolas Rousseaux rappelle ainsi à juste titre qu'il fut un temps où tout ce que le vieux contient comptait d'explorateurs intrépides (Vasco de Gama, Magellan, etc.) partait en Chine le couteau entre les dents pour tenter de piller et coloniser le pays.

Qu'en conclure ? Que les Chinois sont moins « rancuniers » que nous ? Qu'ils ont la mémoire plus courte ? Sans doute pas, non. Sans doute faut-il simplement y voir une meilleure adaptabilité du peuple chinois au présent, une solubilité plus grande dans le changement, quand nous nous complaisons dans une posture dépassée. L'opinion dans l'ensemble défavorable que nous nous faisons de la Chine traduit une certaine méconnaissance des rapports franco-chinois depuis quelques années. Rapports ayant bien évolué, tant sur le plan culturel qu'économique.

 Des liens économiques de plus en plus étroits

 Dès le XXème siècle, les liens culturels entre la France et la Chine se resserrent. Paris accueille de nombreux intellectuels chinois, venus chercher l'inspiration politique, éducative, scientifique ou encore artistique. La Chine nous le rend bien, en choisissant le roman d'Alexandre Dumas fils La Dame aux Camélias pour première traduction en chinois d'un livre occidental.  Par capillarité, cette bonne intelligence culturelle va contaminer nos relations économiques avec l'empire du Milieu. Il y a cinquante ans, en 1964, de Gaulle s'improvise pionnier dans la reconnaissance de la République populaire de Chine. Depuis, les liens économiques entre les deux pays n'ont jamais cessé de se resserrer. 
La Chine est aujourd'hui le 7ème client de la France, son second fournisseur derrière l'Allemagne. En Chine, la France tire son épingle du jeu dans les secteurs de l'aéronautique, de la mécanique, de la chimie ou encore du nucléaire. Plus de 8 000 entreprises, dont 60 % de PME, exportent vers la Chine. 1 200 entreprises tricolores y sont installées, ayant généré en 2010 un chiffre d'affaires de 30 milliards d'euros. Les investissements des entreprises françaises en Chine sont en progression constante, représentant aujourd'hui un stock d'environ 3,5 milliards d'euros.

Une révolution des modes de consommation

Le luxe à la française est également plébiscité par les Chinois. Et pour cause, selon une étude du cabinet Simon - Kucher & Partners, les critères les plus importants pour les consommateurs chinois sont, dans l'ordre, la qualité, le style, le confort et l'image de marque. On est bien loin du cliché du Chinois béotien, fruste et dépourvu de goût. Pouvoir d'achat en hausse, évolution des marqueurs sociaux et aspiration à des produits de qualité, cette petite révolution des modes de consommation chinois n'est pas un hasard. Elle correspond à l'émergence d'une classe moyenne en bonne et due forme. Selon Ernst & Young, en 2020, plus de 500 millions de ménages chinois disposeront de revenus annuels compris entre 60 000 et 500 000 yuans (7 120 et 60 000 euros).

Le cas du Club Med, emblématique de nos rapports à la Chine

Et pourtant. Et pourtant, si le mode de vie des Chinois, bien que comportant toujours un certain nombre de particularismes culturels, se rapproche de plus en plus du nôtre, un malaise persiste. La Chine est toujours perçue par les Français comme un pis-aller. Dans l'actualité économique récente, le cas de l'OPA menée sur le Club Med en témoigne. 
Comme chacun sait, le fleuron du tourisme français se cherche un repreneur. Il a d'abord fait l'objet d'une OPA amicale emmenée par le Chinois Fosun sous l'étendard de Gaillon Invest, entité regroupant également Ardian (ancien AXA Private Equity). Fin juin, coup de théâtre, l'Italien Bonomi, via Global Resorts SAS, lance une contre-OPA hostile, valorisant le groupe à 790 millions d'euros, soit 227 millions d'euros de plus que la concurrence. Alléchant sur le papier, oui mais voilà si Bonomi est connu pour sa voracité, il n'est pas réputé pour sa propension à accompagner les firmes qu'il achète dans leur développement. De la spéculation pure.

Pour le Club Med, un actionnaire italien incertain vaut mieux qu'un chinois

L'offre de Bonomi est pointée du doigt par les administrateurs du Club, qui fustigent un manque de vision sur le long terme, un court-termisme dangereux, alors que la firme au trident est en plein aggiornamento, visant une montée en gamme et une expansion à l'international soutenues par Fosun. Mais quand-même, ces mêmes administrateurs penchent pour l'offre de Bonomi. Incompréhensible ? Pas tant. D'accord l'offre de Bonomi est plus intéressante pour les actionnaires, mais surtout, l'homme d'affaires a pour avantage d'être italien, pas chinois. Jean-Pierre Raffarin, dans un tweet en date du 24 juin, met les pieds dans le plat : « L'accord  avec les Chinois dérange. Pourtant, il s'agit d'une stratégie d'avenir. »
Fosun a depuis relevé son offre, valorisant le Club à hauteur de 839 millions d'euros, et devrait donc l'emporter. Depuis son arrivée en 2010 au capital de la firme, plusieurs villages vacances sont sortis de terre en Chine, et le mouvement est donc voué à s'amplifier. La marque France jouit toujours d'un véritable prestige en Orient. Il s'en est cependant fallu de peu que les Chinois prennent ombrage des hésitations tricolores.

Ne plus snober la Chine...

Si la casse a cette fois été évitée de justesse, la France a tout intérêt à faire en sorte que ce genre de mésaventure ne se reproduise pas, et à mettre à jour sa vision de la Chine. Car en ne voulant pas admettre que l'empire du Milieu a évolué, se dotant d'une classe moyenne de plus en plus consistante, il refuse de prendre en compte une autre réalité : l'industrie chinoise elle aussi se transforme, faisant des pieds et des mains pour capter le pouvoir d'achat de ces nouveaux « presque riches » en proposant désormais des produits de qualité, à mille lieux des clichés. Autrement dit, la France est encore en odeur de sainteté en Chine, mais a tout intérêt à ne plus snober un partenaire commercial qui, à l'avenir, aura de moins en moins besoin d'elle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 24
à écrit le 01/10/2014 à 15:36
Signaler
Ce problème de mauvaise image ne concerne pas uniquement la France. 90% des japonais ont une mauvaise image de la Chine.

le 02/10/2014 à 8:26
Signaler
Pas pour les mêmes raisons...

le 02/10/2014 à 13:39
Signaler
70% des Américains perçoivent la Chine comme une menace économique selon un sondage réalisé par la chaîne CNN en 2009.

à écrit le 30/09/2014 à 14:19
Signaler
La vision de la Chine dans cet article est partial (comme d'habitude sur les articles concernant un pays): elle ne considère que les chinois des classes moyennes dans les grandes villes. Mais est ce vraiment la Chine? Est ce que Shanghai est représen...

le 30/09/2014 à 17:08
Signaler
Les 15 pays aux budgets militaires les plus élevés représentent plus de 82% du total en 2010 Les USA représentent 43 % du total, suivi de loin par la Chine (7.3%) "pour protéger une population de 1,3 milliard” la France (3.6%), "pour protéger une...

le 15/10/2014 à 17:28
Signaler
Fred, Peux pas plus etre d'accord avec toi...La Chine pourra vivre seule sans personne d'autre...tres bientot elle s'ouvre sur le monde, sur le capitalisme, sur la liberte de choix...tres tres lentement mais avec un pays de 1.3 milliards tu ne peux ...

à écrit le 30/09/2014 à 11:07
Signaler
en gros, remplis tes poches et détourne tes yeux de ce qui passe à Hong Kong !! super article...

à écrit le 30/09/2014 à 10:51
Signaler
Cela est à cause des médias français, ils sont responsable, car la plupart des reportages en France qui racontent les images de Chine négatives, dont c'est évident que les français le croient. Devant le chômage ne cesse pas d'augmenter, et la croissa...

le 01/10/2014 à 15:43
Signaler
La concurrence chinoise a un impact sur l'emploi dans de nombreux secteurs en France. Il serait bien difficile de le nier.

à écrit le 30/09/2014 à 10:33
Signaler
Il suffit de constater les fortes velléités de la Chine de s'étendre largement au delà de ses frontières actuelles et la manière dont ses entreprises ont procédé en Afrique (par exemple) pour se poser quelques questions. Comme cela ressemble à ce que...

le 30/09/2014 à 21:48
Signaler
La colonisation de l'europe en afrique n'a rien a voir avec ce que fait la chine actuellement, renseigne toi mieux. La chine aide les peuples, les europeens aidaient les dictateurs

à écrit le 30/09/2014 à 9:32
Signaler
Si une grande majorité de Français a une mauvaise image de la Chine actuelle, c'est surtout parce les Droits de l'Homme n'y sont absolument pas respectés. Cela dit, même si les Français n'aiment pas les Chinois, cela n'empêche pas ces derniers d'ach...

le 30/09/2014 à 11:07
Signaler
Vous avez raison sur les details (Magellan et Vasco de Gama), mais vous manquez le point principal : la France et la Grande Bretagne ont pille et brule le palais d'ete a Pekin lors de la seconde guerre de l'opium, une des guerres les plus immorales q...

le 30/09/2014 à 12:38
Signaler
Faire un raccourci du genre: les Chinois achètent des débits de tabac, donc ce sont des mafieux, fallait oser! Les prêts (à taux exorbitant, certes) entre membres de'une famille ou amis ont toujours existé dans cette communauté...mais ça c'est un con...

le 30/09/2014 à 14:07
Signaler
Nous français nous aimons tellement mieux croire les histoires sensationnelles comme celle-ci « cela n'empêche pas ces derniers d'acheter tous les débits de tabac de la capitale et ce, grâce à l'argent des triades et autres mafias chinoises. » Plu...

à écrit le 29/09/2014 à 22:37
Signaler
Huawei annonce qu'elle veut investir 1,5 milliard d'euros en France.

à écrit le 29/09/2014 à 21:29
Signaler
plus 78 % des Français ont une image négative des chinois

à écrit le 29/09/2014 à 19:12
Signaler
euh, pourrait-on citer des marques occidentales non fabriquées en Chine :-) et je note que le rédacteur dit les "Français" et les "chinois", minuscule oblige dans le 2e cas :-)

à écrit le 29/09/2014 à 18:09
Signaler
Si 68% Des français ont une mauvaise image de la Chine... C'est peut-être parce que la quasi-totalité des reportages et articles sur la Chine donne une mauvaise image de la Chine ??

à écrit le 29/09/2014 à 18:05
Signaler
psy 78 pour cent des Français ont une image négative de la Chine c'est peut-être parce que la Caillerie totalité numéro portable Diffusion France donne une mauvaise image de la Chine

à écrit le 29/09/2014 à 17:39
Signaler
Le cas de la Chine (pour la France) ressemble à celui du Japon, quelques dizaines d'années pus tôt. L'image du Japon a changé en France. Mais ces images correspondent à une réalité qui se modifie plus vite que que la perception des gens qui restent s...

le 29/09/2014 à 19:02
Signaler
Comparez la Chine avec le Japon est un non sens. Le Japon est une démocratie alliée aux USA.

à écrit le 29/09/2014 à 14:20
Signaler
La France est en crise globale, surtout d'identité, cela comprend qu'elle se cherche et qu'elle ne veut pas comprendre les autres, au nom de son sacro-saint universalisme, ... La France peut-elle se passer de la Chine, non ! La Chine peut-elle se pas...

le 29/09/2014 à 15:23
Signaler
quelle logorrhée. le panda aboie, la caravane passe. je comprends pas bien l'article. est-ce que la France prend vraiment la Chine de haut ? comme il est rappelé, la France a été un des 1ers à reconnaître la Chine communiste et à nouer des relati...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.