Comment la bourse révèle le recentrage de l'économie mondiale

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la bourse révèle le recentrage de l'économie mondiale.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi.

Quelle information nous livrent aujourd'hui les bourses mondiales sur la santé économique des économies avancées ? Même s'il ne s'agit pas d'accorder d'intérêt plus qu'il n'en faut à la rationalité des marchés et à leur pouvoir d'anticipation. Il faut être d'autant plus de prudent que le contexte très particulier de taux d'intérêt zéro, et les tensions géostratégiques,  peuvent conduire à de mauvaises interprétations. L'évolution des bourses depuis la crise nous délivre néanmoins des messages particulièrement éclairant sur la solidité du mouvement de reprise et de renforcement de l'offre des différentes économies.

D'abord sur la solidité des reprises

Beaucoup de commentateurs suspectent en effet le léger souffle de croissance qui  anime encore les pays développées de ne reposer que sur l'artifice du quantitative easing et d'être adossé à de nouvelles bulles d'actif. Les pays anglo-saxons notamment ne devraient leur salut qu'à leur nouvelle fuite en avant financière. L'occasion de s'interroger sur le degré d'exubérance des bourses depuis la mise en place des politiques monétaires dites non conventionnelles. Les progressions des cours peuvent en effet mettre en alerte, notamment aux États-Unis :

Le SP500 surplombe de 30 % ses précédents records d'octobre 2007, et a progressé de plus de 170 % depuis ses points bas de février 2009. Les chiffres étant moins vertigineux pour le FT 100 britannique. Je m'attarderai donc sur le cas américain et il est particulièrement édifiant :

En effet, rien ne permet de dire que les cours sont surestimés aujourd'hui. Si l'on regarde notamment ce que représente le SP500 en multiple des profits des grandes cotations, la progression de la bourse ne paraît en rien atypique. Elle est en ligne avec celle des résultats. Le PER qui mesure le ratio cours sur profit navigue autour de 25. Rien d'alarmant par rapport aux pics des années 2000. Rien d'alarmant surtout lorsque l'on sait que les taux d'intérêts réels sont historiquement bas, et que normalement, cette situation permettrait de tolérer des PER bien plus élevés sans que cela soit une anomalie. Autrement dit, la Bourse américaine ne s'est pas laissée  enivrer par le quantitative easing, et rien ne permet à ce stade de désigner la bourse comme talon d'Achille de la reprise américaine.

La vraie anomalie américaine est dans la profitabilité du capital

La part des profits dans la valeur ajoutée des entreprises a progressé de manière vertigineuse pour atteindre des records historiques. La nouvelle exubérance américaine est bien là. Du statut de sur-consommateur du monde, ils sont devenus sur-profiteurs du Monde. Et c'est là que l'évolution des bourses délivre d'autres messages essentiels.

Dans un contexte de taux d'intérêt très faibles, les hauts niveaux de la bourse américaine sont au diapason de la très forte rentabilité du capital réel. L'économie américaine réunit donc toutes les conditions pour accumuler du capital et recentrer la production sur son territoire. Investir dans du capital physique ou immatériel procure en effet un rendement très supérieur au coût de la dette. Et la création de ces capacités réduit la dépendance américaine au reste du monde. Le processus de redressement de la balance des paiements américains n'en est ainsi probablement qu'à ses débuts.

La hiérarchie de valorisation entre pays depuis la crise en dit long sur les décalages de rendement et de potentiels d'accumulation des différents pays. La France est à la traine, l'Allemagne et le Royaume-Uni en position intermédiaire et les Etats-Unis loin  en tête. Dans ce contexte inégal, les tentatives d'OPA hostiles ont atteint un niveau record depuis janvier 2014. Et sans surprise, derrière ces OPA inamicales, on trouve 78 % d'entreprises américaines et une majorité de cibles européennes.

En définitive, pendant que la déflation affaiblit les marges en Europe, les Etats-Unis exploitent à plein l'environnement de taux faibles pour restaurer leur offre et accroître leur pouvoir de marché à travers le monde. Et s'il y a recentrage de la croissance mondiale, c'est bien à leur profit...

>> Plus de vidéo sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique

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Commentaire 1
à écrit le 30/09/2014 à 9:23
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Des PER de 25 et plus...sans problèmes...Il y a quelques années des PER de 15 étaient suspects! Et quid de l'endettement, de la trésorerie? Quoi qu'il en soit, ça permet aux américains de faire leur marché à bon compte pour vivre sur le dos du reste ...

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