Comment le web peut profiter de l'ouverture des données juridiques

Alors que se confirme l'émergence d'un web des données, l'ouverture annoncée de toutes les informations réglementaires et juridiques va donner lieu à de nombreuses applications. Par Bruno Mathis, SterWen Consulting

Après le web des documents - la page html -, puis le web collaboratif, ou web 2.0, marqué par l'irruption des réseaux sociaux, est venu le temps du web des données, qu'on appelle aussi web 3.0 ou web sémantique. Et le maître-mot de ce web des données, c'est l'interopérabilité, c'est-à-dire la capacité d'une application informatique d'accéder directement à des données, notamment publiques, et à les combiner à d'autres données, notamment des données privées logées dans des bases propriétaires, pour leur apporter de la valeur ajoutée.Si la loi sur la réutilisation des données publiques remonte à 1978, le gouvernement a décidé, en mai dernier, de saisir ces nouvelles opportunités de la technologie en publiant les données publiques sur le web sémantique. Son principal objectif est de susciter l'innovation avec des outils de valorisation de ces données.

Un hackathon juridique

La Direction de l'information légale et administrative (DILA), née en 2010 de la fusion de la Direction des journaux officiels et de la Documentation française, est ainsi le premier organisme public impliqué dans l'initiative ; elle marche ainsi sur les traces de son homologue l'office des publications de l'Union Européenne, précurseur dans la publication en « open data » de contenus juridiques.
Premier acte de cette politique, la DILA organise, avec d'autres partenaires privés et publics, l'opération « Open Law - le droit ouvert », dans le cadre du rendez-vous annuel de l'Open World Forum, qui se tient à Paris le 30 octobre. La journée marquera le départ d'un concours de co-création d'applications exploitant des données juridiques.


Des perspectives intéressantes pour les entreprises

L'ouverture du droit n'intéresse pas seulement le grand public et le monde associatif. Les entreprises, et en particulier les plus grandes d'entre elles, qui font face à la montée continue du volume de la réglementation les affectant dans leur exploitation quotidienne, sont directement concernées par la perspective de disposer d'outils pour surveiller l'actualité réglementaire et administrative, la fouiller, l'analyser, la contextualiser, voire la vulgariser pour la mettre à portée de ses différents publics de collaborateurs.

Prenons quelques exemples : dans le cadre du contrôle de respect par la banque de ses obligations de lutte anti-blanchiment, le chargé de conformité pourrait, d'un simple clic, passer du texte de loi à la liste des rapports de sanctions dont un passage se réfère à l'un de ses articles et que l'AMF a rendus publics - en en mettant les liens sur le web des données. Le gestionnaire de portefeuille qui consulte la cotation boursière d'une action pourrait voir une alerte en temps réel lui indiquant qu'un fonds d'investissement vient de franchir un seuil dans sa participation au capital social, voire qu'un autre a constitué une position courte, deux événements également soumis à déclaration publique - et encore deux liens à un article de loi reportés dans le web des données. L'analyste-crédit, lui, verrait dans son application de gestion des risques les événements judiciaires des emprunteurs dont il suit le dossier.

Cas plus général, la direction juridique de l'entreprise pourrait lier circulaires et cahiers de procédures internes aux articles de loi qui les régissent. A mesure que des amendements viennent modifier tel alinéa de tel paragraphe de ces articles, elle identifierait immédiatement quels passages de quelle circulaire ou cahier de procédure nécessite une relecture en vue d'une éventuelle mise à jour.

Des services d'information interopérables

On n'en est pas là : en novembre, la DILA met des jeux de données à disposition des participants au hackathon. Il faudra encore un peu de temps pour tisser tous les liens à l'intérieur du corpus législatif et réglementaire, ainsi qu'avec les actes judiciaires et administratifs, et les écrire sur le web...
D'ici quelques années, l'écosystème des services de valorisation des contenus juridiques et réglementaires sera transformé. Les entreprises auront le même type de choix d'équipement, pour leur fonction juridique, que pour leurs autres fonctions, comptabilité, marketing, etc... Elles pourront développer en interne des applications pour des usages spécifiques ou acheter des prestations prêtes à l'emploi auprès des fournisseurs actuels , qui auront migré leurs abonnements dans le web des données, voire auprès de nouveaux acteurs, qui auront su créer de nouveaux produits. A plus forte raison, elles pourront choisir un mix des deux (abonnements/développement interne) dans une architecture interopérable.

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