Laisser à l'Etat le monopole de la création monétaire

Pourquoi laisser aux banques la prérogative de créer de la monnaie? Par Michel Santi, économiste

C'est le brillant économiste Irving Fisher qui fut le premier - dès les années 1930 - à formuler cette proposition dont le point culminant consistait à imposer aux banques 100% de réserves en échange des dépôts de leurs clients. Les épisodes mélodramatiques de paniques bancaires et de ruées des épargnants pour retirer leurs avoirs seraient dès lors relégués aux manuels d'Histoire, car les banques ne seraient plus en mesure de prêter que leurs fonds propres. Les cycles d'activité seraient considérablement lissés et apaisés car les bulles spéculatives seraient comme neutralisées en amont.

Du coup, les déficits publics en seraient progressivement réduits car, d'une part, les États n'auraient plus à dépenser les deniers du contribuable pour renflouer un système financier aussi inconscient qu'ingrat. La stabilisation au long cours de l'activité économique - et donc la pérennisation des recettes fiscales - contribuant d'autre part à redresser les comptes publics.

Les banques ne seraient plus que des intermédiaires financiers

C'est donc l'État qui serait aux sources et au cœur de toutes les transactions monétaires. Les citoyens, consommateurs, et autres usagers conserveraient leurs avoirs au sein de leurs établissements bancaires qu'ils paieraient, en revanche, pour ce service rendu. C'est uniquement les sommes volontairement dédiées par certains clients - privés ou entreprises - à des fins d'investissement qui pourraient être affectées au circuit du financement. En d'autres termes, les banques ne seraient plus que des intermédiaires financiers qui mettraient en relation une somme de créanciers et de débiteurs, moyennant rétribution évidemment. En tout état de cause, les banques ne seraient définitivement plus en capacité de créer de l'argent à partir du néant. Le corollaire étant que les pertes potentielles n'affecteraient que les titulaires de ces comptes d'investissement ayant sciemment pris la décision de financer une entreprise, un ménage ou de spéculer en bourse...

L'Etat pourrait créer de la monnaie pour financer ses propres dépenses

La tâche de création monétaire de l'Etat serait ainsi entièrement mise au service de l'économie et de la promotion de la croissance. Il serait dès lors en mesure de financer ses propres dépenses, au lieu de taxer et d'emprunter. Il aurait la capacité de transférer des liquidités directement en faveur de certains citoyens, voire de rembourser certaines dettes du secteur privé. La soustraction du pouvoir de création monétaire au système de l'intermédiation financière autoriserait donc l'augmentation de la masse monétaire en cas de besoin, mais sans encourager les consommateurs, investisseurs et entrepreneurs de se charger de dettes, et permettrait donc de maîtriser le risque de bulle spéculative. Ce transfert de pouvoir vers l'Etat - et donc vers les citoyens - annihilerait donc de facto les « Too bigs to fail », et stabiliserait immédiatement l'ensemble du système financier qui serait contraint de revoir ses prétentions considérablement en baisse, car il serait privé de ce pouvoir et de ce levier formidables lui ayant été originellement conféré par les Etats.

La création monétaire, un véritable "prérogative thaumaturgique"

N'est-il pas invraisemblable d'avoir - par le biais de la création monétaire - remis nos destinées aux mains d'un secteur privé seul préoccupé (de manière compréhensible) par ses profits, alors que c'est les pouvoirs publics qui devraient être dotés de cette prérogative thaumaturgique ? Stabilisons nos économies et rassérénons ses acteurs en remettant à sa juste place le système bancaire, en le cantonnant au rôle de simple intermédiaire financier. Et ôtons lui ce pouvoir, qui s'est révélé au fil des années et des décennies écoulées, comme un authentique facteur de nuisance pour la croissance. Voire comme un trou noir, où se sont engouffrés les fonds publics soucieux de sauver une infrastructure financière dont on n'a pas arrêté de nous convaincre que son renflouement était le préalable à notre survie économique. Alors que, dans nos pays occidentaux, seuls 10% environ de la totalité des prêts bancaires sont canalisés vers les entreprises et vers la vraie économie, le reste étant destiné aux spéculateurs et investisseurs, bref à cette caste déconnectée des réalités qui génère le gros des bénéfices de la finance.

Bénéfices engrangés précisément grâce à cette faculté de création monétaire, qui doit donc aujourd'hui être du seul ressort de l'Etat. Outre la mise hors d'état de nuire du système financier, un tel changement de paradigme nous contraindrait du coup à considérer les déficits publics et même les impôts sous un autre angle. Pour le plus grand bénéfice de la collectivité.

Michel Santi est directeur financier et directeur des marchés financiers chez Cristal Capital S.A. à Genève. Il a conseillé plusieurs banques centrales, après avoir été trader sur les marchés financiers. Il est l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience" et "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique".

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Commentaires 38
à écrit le 04/03/2019 à 20:46
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C'est un peu énervant de voir que l'inutilité de l'impôt est toujours mieux acceptée chez les libéraux que chez les gilets-jaunes.

à écrit le 12/11/2014 à 11:03
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Pourquoi réinventer l'eau chaude? C'était ce qui se passait avant 1973....Date d'ailleurs du 1° choc pétrolier. Vivement la fin du pétrole. Au passage: US GO HOME (Pour le plaisir)

à écrit le 11/11/2014 à 9:44
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Il semble plus normal que la monnaie appartienne a ceux qui l'utilise collectivement qu'a ceux qui ce l'accapare personnellement!

à écrit le 11/11/2014 à 9:30
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car elles se font rembourser. A la fin du remboursement de l'emprunt, la création monétaire nominale devient nulle. Seule l'inflation n'est pas retirée et relève de la création monétaire. Les banques sont donc pratiquement neutres à la fin de cycl...

le 11/11/2014 à 10:03
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Tout à fait, elle ne créent pas de monnaie ! Si les banques commerciales prêtent plus que leurs fonds propres, c'est sous contrôle strict et autorisation des banques centrales et autres organismes de régulation financière et les empêcher de faire cel...

à écrit le 11/11/2014 à 9:11
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Je ne comprends pas du tout le sens de cet article....depuis que des États structurés existent, la monnaie est " battue" et "émise" par les Banques Centrales dépendant des États et pas par des "banques commerciales" ...! Ainsi la BdF a le privilège ...

le 11/11/2014 à 11:07
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Commentaire purement inutile. Les Banques centrale créent la monnaie centrale et de ce fait la base monétaire. Les banques commerciale créent la monnaie de second range, autrement dit le crédit. Si vous observez la composition de notre masse moné...

le 11/11/2014 à 14:08
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Les banques commerciales ne créent que de la "monnaie scripturale" par le crédit qui est annulée par les remboursements ( opération nulle moins l'inflation) ou de la " monnaie scripturale " par les dépôts qui est ensuite annulée par les retraits.... ...

le 11/11/2014 à 14:55
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Bon, visiblement vous persévérez. Non, l'opération de crédit n'est pas nulle, les intérêts qui en résultent font et feront (demain) au travers des intérêts composés, toute la différence. La "création-destruction" de monnaie a laquelle vous fai...

le 11/11/2014 à 15:19
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Je ne suis pas banquier mais simple lecteur avisé, vos réponses sont plutôt agressives et déplaisantes....votre science serait plus efficace si vous étiez plus posé et didactique...Si vous êtes l'auteur masqué de cet article, vous loupez votre missio...

le 11/11/2014 à 15:37
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Je ne suis pas banquier mais simple lecteur avisé et éduqué largement plus que la moyenne, vos réponses sont plutôt agressives et déplaisantes....votre science serait plus efficace si vous étiez plus posé et didactique, et si vous êtes l'auteur masqu...

à écrit le 11/11/2014 à 0:18
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Ce transfert de pouvoir vers l'État - et donc vers les citoyens - Relire Nietzsche, notamment Ainsi parlait Zarathoustra. Que dire du reste ? Beaucoup de raccourcis. Il y aurait toujours de graves crises, puisque ce serait toujours l'État (ou un ...

le 11/11/2014 à 8:24
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@Marco. Très bonne analyse des inconvénients de la régis de la monnaie par l état.J ai une réponse à cela , mais n en dirai pas plus pour l instant. Par contre vous ne nous indiquez pas les inconvénients d une monnaie régis par une entité extérieure ...

à écrit le 10/11/2014 à 21:36
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fichtre! c'est ounlier que 1 le capitalisme marche par endettement, et que sans dettes ca risque d'envoyer du lourd ( vu que tres peu d'entreprises ont un besoin en fonds de roulement negatif!) 2 pour ce qui est de l'etat, on voudrait favoriser le m'...

à écrit le 10/11/2014 à 20:48
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on a tué des présidents américains pour moins que ça non?

à écrit le 10/11/2014 à 17:46
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Vivement le retour de la planche à billets, cher et brillant Monsieur Santi ? et qu'en-est il de l'euro, monnaie unique ? enfin mieux vaut entendre cela qu'être sourd. Et tout le monde n'est pas nobélisable ...!

à écrit le 10/11/2014 à 17:10
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Totalement néophyte, même ! Si quelqu’un peut m’éclairer, je l’en remercie d’avance. Prenons un cas concret : Monsieur (ou Madame) X emprunte sur 10 ans 100.000 euros à sa banque, pour payer l’entreprise qui construit sa future maison, sur un terr...

à écrit le 10/11/2014 à 15:06
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L'argument avancé ici est faux. Ce ne sont pas les banques privées qui ont le pouvoir d'augmenter la masse monétaire en zone euro mais bien la Banque Centrale Européenne. De plus, user de la planche à billets comme vous dites reviens à appliquer une...

le 10/11/2014 à 15:26
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Si le mot titrisation ne vous dit rien, vous avez le droit de re-jouer en seconde partie la semaine prochaine...

le 10/11/2014 à 18:59
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A partir du moment où les intérêts des banques centrales sont inférieurs à l'inflation, cela revient (techniquement) à déléguer le pouvoir de création monétaire à la puissance bancaire, puisque l'argent est (techniquement) gratuit voire même rémunéré...

le 11/11/2014 à 11:13
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Banque central = Etat. Tout est donc Public, et accuser " les banques" de " creation monetaire" ( qui leur est interdit) du n'importe quoi..

à écrit le 10/11/2014 à 14:47
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Je n'ai jamais vu autant de raccourcis économiques et financiers en si peu de lignes. "... les déficits publics en seraient progressivement réduits car, d'une part, les États n'auraient plus à dépenser les deniers du contribuable pour renflouer un sy...

à écrit le 10/11/2014 à 14:46
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Mr santi fan de la république de Weimar, ça sent le Nobel d'économie.

le 10/11/2014 à 15:19
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Merci cher AKA pour remettre M. Santi à sa place, cad celle d'un Keynesien forcené pour qui rien ne doit se faire sans l'état. A propos de Weimar, lisez "when money dies" d'Adam Ferguson, on y voit les conséquences des rèves de notre futur prix Nobe...

à écrit le 10/11/2014 à 14:27
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Article affligeant d'ignorance de ce qu'est la Monnaie

le 10/11/2014 à 16:40
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Peut on dire à votre avis que maîtriser sa monnaie c est permettre l alternance . Merci d y réfléchir !.

à écrit le 10/11/2014 à 13:22
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Bah cela ne reviens ni plus ni moins qu' a la situation ou l'or était la monnaie de de référence et qu'il n'existait pas d monnaie adjudicataire. A cette époque les états maîtrisaient seul la monnaie également et cela n'a jamais empêché toutes les dé...

le 10/11/2014 à 15:52
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et les états s'en sont donné à coeur joie pour fabriquer des pièces d'or farcies ou dont le poids diminuait régulièrement avec le temps. les états ne changent

à écrit le 10/11/2014 à 12:57
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loin d'être une nouveau concept (paradigme pour faire "posh"), cela a déjà été évoqué il y a de nombreuses années par Paul Grignon dans "l'argent dette" qui peut être vu sur le net :-)

à écrit le 10/11/2014 à 12:22
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Mais c'est contre les "principes" des US. Donc : non.

à écrit le 10/11/2014 à 12:06
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Michel Santi évoque un système financier connu sous le nom du « 100% monnaie » qui n’a actuellement qu’une existence théorique, pas pratique. En aout 2012, deux chercheurs du FMI Jaromir Benes and Michael Kumhof ont publié un rapport (The Chicago Pla...

à écrit le 10/11/2014 à 11:58
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Le bon sens serait il de retour ?

à écrit le 10/11/2014 à 11:49
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Oui mais cette prérogative a été laissée par abandon/soumission à l'Europe à la BCE, dommage!!

à écrit le 10/11/2014 à 11:48
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Hélas les néolibéraux nous ont appris que l'Etat n'était pas rationnel: corruption, conflits d'intérets, faiblesse devant les lobbies....Mais les marchés ne sont pas plus rationnels: «J’ai fait une erreur en pensant que les opérateurs économiques, en...

à écrit le 10/11/2014 à 11:44
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Merci pour cet article, il est bon que sur nos grands quotidien cette question soit debattue. Cela n'a ruen d'utopique, ce ne fait qu'une quarantainne d'annee que cette situation invraisembable existe...

à écrit le 10/11/2014 à 11:37
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sur le principe je suis tout à fait d'accord. dans les faits ... est-il bien raisonnable de laisser les clefs de la planche à billets aux branquignoles qui nous gouvernent actuellement ?

à écrit le 10/11/2014 à 11:33
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Il n'y a rien a dire, mais il fallait passer par là pour s'en convaincre!

le 10/11/2014 à 14:29
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L'argument avancé ici est faux. Ce ne sont pas les banques privées qui ont le pouvoir d'augmenter la masse monétaire en zone euro mais bien la Banque Centrale Européenne. De plus, user de la planche à billets comme vous dites reviens à appliquer un...

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