Thanksgiving, un test crucial pour la consommation américaine

Thanksgiving est un moment crucial pour jauger de l'appétit de consommer des Américains. D'autant plus important cette année que ces fêtes interviennent juste après le resserrement de la politique monétaire Par John Plassard, directeur adjoint de Mirabaud Securities.

La consommation aux Etats-Unis est déterminante pour l'évolution de la croissance puisqu'elle représente près de 70% du Produit Intérieur Brut (contre 38% en Chine et 50% pour le reste de l'Asie par exemple). Pour confirmer le fait que les Etats-Unis sont sur la voie de la normalisation, la consommation ne doit donc pas décevoir. Cette année, la période de Thanksgiving aura un goût spécial puisqu'elle arrive juste après l'arrêt de l'assouplissement quantitatif américain. Tout manquement à cette période traditionnellement cruciale pour jauger l'appétit des consommateurs américains pourrait peser sur la reprise. Il convient donc d'analyser la situation dans laquelle nous sommes, les nouvelles tendances qui se dégagent et avoir une appréciation de la dynamique de la reprise économique américaine.

Des ventes "panique" en 2013

A part les fêtes de fin d'année et les soldes qui y succèdent, la période de Thanksgiving est la plus importante en terme de consommation aux Etats-Unis. Manquer ces jours (presque une semaine comme nous le confirmons ci-dessous) équivaut pour certaines enseignes à faire une croix sur les prévisions annuelles. En 2013, le Black Friday fut une déception compte tenu de la crise économique qui affectait (encore) la plupart des citoyens américains. En dépit d'une hausse de la fréquentation des magasins (réels et virtuels), leurs dépenses individuelles ont diminué. Une première depuis 2009, forçant ainsi les magasins (réels et virtuels) à prolonger leurs promotions de plusieurs jours (avec certaines ventes paniques). Malgré tout, les ventes en ligne n'ont cessé d'augmenter lors de cet évènement. Elles sont passées de 40,7% du total des ventes en 2012 à 43,7 % en 2013. Plus d'un milliard de dollars a été dépensés lors d'achats en ligne le jour du Black Friday. Il s'agit d'une hausse de 15 % par rapport au Black Friday 2012.

Pas de croissance sans ventes de détail

Il est indispensable, à ce stade du cycle de la consommation américaine et surtout avant la diffusion des statistiques concernant le dernier trimestre 2014 (qui va s'avérer crucial pour l'évolution de la croissance du pays), de passer au crible les dernières statistiques en rapport avec la consommation.
La consommation des ménages américains tout d'abord a reculé en septembre pour la première fois en huit mois et pourrait augurer d'une modération de la croissance économique au quatrième trimestre. Durant la même période, les revenus des ménages ont cependant légèrement augmenté ainsi que le taux d'épargne. La faiblesse des dépenses a logiquement contenu l'inflation.
La progression des crédits à la consommation aux Etats-Unis ensuite s'est poursuivie comme attendu en septembre. Les Américains, qui pendant le mois d'août avaient tempéré leurs achats sur cartes de crédit, ont de nouveau actionné leurs crédits "revolving". Ceux-ci sont en progrès mais sont encore en dessous du niveau qu'ils avaient atteint pendant la récession et la première partie de 2010. Quant aux crédits non-renouvelables, parmi lesquels figurent les crédits automobiles et les prêts étudiants, et qui constituent les deux tiers des prêts à la consommation, ils ont augmenté comme le mois précédent.
La confiance du consommateur (Conference Board) quant à elle s'est améliorée de façon beaucoup plus nette que prévu en octobre par rapport au mois précédent, revenant à son plus haut niveau depuis octobre 2007, en raison notamment d'un optimisme plus vif sur la question de l'emploi et du climat des affaires. La composante des anticipations a bondi à son plus haut niveau depuis février 2011.
Pas d'augmentation de la croissance non plus sans croissance de ventes de détail ! L'indice des ventes des détaillants et restaurants a en effet progressé par rapport à septembre et rattrape ainsi la perte du mois d'avant où les ventes de détail avaient marqué le pas pour la première fois en sept mois. Si les chiffres des ventes au détail donnent une première idée de l'évolution des dépenses de consommation des ménages ils ne fournissent toutefois qu'une information partielle dans la mesure où les Américains consomment davantage de services.

L'indice Dow Jones de restaurants en forte hausse

Enfin, il faut signaler que l'amélioration de l'économie américaine n'a eu que peu d'effets sur les biens de consommation à la Bourse de New York depuis le début de l'année mais la progression des titres de chaînes de restaurants observée ces derniers temps laisse espérer des jours meilleurs pour l'ensemble du commerce de détail. L'indice S&P 500 du secteur des biens de consommation est seulement en progression d'environ 3% depuis le début de l'année. Phénomène assez anormal pour le noter, l'indice Dow Jones des restaurants et bars américains (confirmé par la forte hausse du nombre d'engagements dans le secteur) a avancé d'environ 4% depuis début septembre ce qui tendrait à vouloir dire que les consommateurs préfèrent dans un premier temps aller manger (ou boire) à l'extérieur plutôt qu'acheter des biens de consommation. Historiquement, les autres commerces de détail profitent également du phénomène mais avec un temps de retard.

De nouvelles tendances

De nouvelles tendances se sont dégagées ces dernières années et devraient prendre de plus en plus d'importance. Si la multiplication des promotions devrait très logiquement peser sur les marges des entreprises, l'accroissement des volumes devrait pouvoir compenser ces contractions.

a. Le Black Friday commence ... le lundi !

Cette année, il n'est pas à exclure que les ventes de la semaine de Thanksgiving commencent avant le jeudi pour ne pas avoir la mauvaise surprise de 2013 où les magasins (virtuels et réels) avaient été forcés de poursuivre leurs promotions après le cyber Monday pour compenser la baisse des dépenses des consommateurs pendant cette période. Si le jeudi commençait à montrer des signes d'achats importants ces deux dernières années, en 2013 c'est le mercredi qui a montré des signes de frémissement quant à la propension des magasins et marques à lancer des soldes « avant l'heure ». Cette année, nous pensons que les promotions devraient débuter le lundi 24 novembre pour finir lors du fameux Cyber Monday (1er décembre).

b. Les ventes sur internet

En 2013, un nouveau record de ventes en ligne a eu lieu à hauteur de 1,7 milliard de dollars aux Etats-Unis. Il s'agit d'une hausse de 18 % par rapport au Cyber Monday de 2012. Le e-commerce devient donc un moyen de plus en plus prisé par les consommateurs lors de la période des soldes liées aux achats des fêtes de fin d'année, comme le prouve l'ensemble des statistiques. Plusieurs raisons expliquent cette réussite. D'une part, les clients évitent la foule et les files d'attente interminables. D'autre part, ils bénéficient de remises plus importantes ou de réductions sur des produits non disponibles dans les boutiques physiques. Ainsi, le Black Friday sur Internet et le Cyber Monday s'exportent de plus en plus dans le monde, la France, par exemple, met en place depuis peu plusieurs offres via le net durant cette période.

c. Les mobiles et tablettes

La part des achats en ligne effectués depuis un mobile et/ou une tablette n'est plus négligeable. Elle prend même de plus en plus d'importance. Sur quatre produits vendus en ligne, un fut acheté depuis une tablette ou un smartphone lors de Thanksgiving 2013. Mieux encore, 37 % des produits vendus en ligne sur l'ensemble de la période du jeudi au dimanche l'ont été depuis un mobile. Il s'agit d'une hausse de 9 points par rapport à 2012. Parmi eux, 82 % l'étaient depuis un terminal d'Apple contre 18 % pour Android. Deux fois plus d'achats en ligne sur mobile sont à comptabiliser via Iphone ou Ipad que par Androïd. La tendance devrait donc se poursuivre et s'accroitre en 2014.

d. La météo

On se souvient de la météo catastrophique qui avait frappé de plein fouet l'économie américaine en 2013/2014. Parmi les postes qui ont le plus souffert, on a d'abord trouvé la consommation. Si celle-ci avait tout de même continuer à progresser, c'était dans des proportions nettement moindres qu'anticipée. Il s'agissait même du plus mauvais chiffre en cinq ans traduisant aussi une situation de l'emploi et des revenus qui est loin d'être revenue à meilleure fortune (la consommation avait été aussi pénalisée par la chute des dépenses de santé). Nous suivrons donc de très près les évolutions de la météorologie la semaine prochaine après le passage, ces derniers jours d'un puissant vortex polaire (dépression) qui se creuse sur le nord du Canada et provoquera une descente d'air très froid qui devrait concerner la plus grande partie des États-Unis.

e. Les prix des carburants

La forte baisse du prix des carburants aux Etats-Unis ces derniers mois (le gallon d'essence coûte en effet 2,914 dollars en moyenne actuellement contre 3,186 dollars il y a un mois) devrait logiquement bénéficier aux achats de fin d'année. C'est une grosse baisse de charge pour les ménages américains. Historiquement, l'évolution du prix du baril aux Etats-Unis est inversement corrélée avec les dépenses des ménages.

Vers une croissance de plus de 4%?

Selon la Fédération américaine du commerce de détail (NRF), la croissance des achats par rapport à l'année passée devrait être d'un peu plus de 4%, ce qui se confirme dans les derniers sondages qui indiquent que les consommateurs sont légèrement plus à même de dépenser cette année (la hausse des crédits à la consommation étant notamment un soutien fort). Les dépenses devraient pour la première fois dépasser (et donc effacer) les niveaux pré-crise de 2007. En terme de catégories, c'est toujours les cadeaux pour la famille qui domineront les achats, loin devant la nourriture et les cadeaux pour les amis. Internet, comme nous l'avons vu précédemment, prendra une place prépondérante dans les achats et devrait logiquement dépasser les records de 2013. Internet prend aussi de plus en plus d'importance dans la manière dont les américains font leurs achats, mais dopent aussi leur inspiration, largement devant les discussions avec leurs proches ou la publicité dite classique (dans la boîte aux lettres, dans les journaux, dans la rue, à la télévision, ...).

La période de Thanksgiving de 2014 sera la plus importante depuis le déclenchement de la crise de 2008. Tout d'abord, parce que cette ode à la consommation tombe juste après l'arrêt des injections de liquidité de la part de la banque centrale américaine et ensuite, il faut rappeler qu'une accélération de la consommation permettrait non seulement de compenser une baisse de l'investissement, mais en outre aider à surmonter un potentiel ralentissement de la reconstitution des stocks (pour mémoire, lors du premier trimestre 2014, l'augmentation des stocks n'était responsable que de 0,5 % de croissance en rythme annuel contre la moitié de la hausse du PIB lors de la période précédente). De ce point de vue, les futures statistiques concernant la consommation vont revêtir une importance capitale pour l'évolution de la politique monétaire américaine.

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