Climat : l'accord entre les États-Unis et la Chine est un leurre

Présenté comme une avancée majeure, l'accord sur le climat entre la Chine et les États-Unis n'apporte rien. Le basculement américain vers le gaz a fait plus que toute autre politique. Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est une véritable politique de R&D verte. Par Bjorn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center*

La Chine et les Etats-Unis ont annoncé conjointement la semaine dernière leurs intentions de limiter leurs émissions de CO2. Salué par certains médias, cet accord a été qualifié "d'historique" par CNN, "de référence" par le Los Angeles Times et "d'objectifs ambitieux pour le changement climatique" par le Huffington Post. Pour autant, cette entente semble largement s'apparenter au Protocole de Kyoto, "solution" initiale au réchauffement climatique qui n'a pas tenu en majeure partie à ses promesses.

Un accord non contraignant

Il s'agit d'un accord non contraignant qui ne prévoit aucune obligation pour les deux pays :

"les États-Unis se donnent pour objectif de réduire leurs émissions de carbone de 26% à 28% d'ici 2025 par rapport à leur niveau en 2005. La Chine s'engage à atteindre son pic d'émissions autour de 2030, avec pour objectif d'y arriver plus tôt, et à augmenter d'environ 20% la part des énergies non fossiles sur sa consommation énergétique d'ici 2030. Les deux pays continueront leurs efforts pour élargir leurs ambitions dans le temps."

Les promesses faites par la Chine ne font que retranscrire le scénario de base des prévisions de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), qui annonçaient déjà un pic d'émissions de carbone en 2030 pour la Chine, estimé à 10 gigatonnes - une hausse de 25% par rapport au niveau actuel de ses émissions qui représentent déjà le quart des émissions de la planète.

La Chine ne s'engage pas sur des énergies renouvelables

Cette annonce a été par ailleurs l'objet d'une mauvaise interprétation dans la mesure où elle fait seulement référence à une augmentation de 20% de la part des "énergies non-fossiles" sur les besoins énergétiques de la Chine, et non des "énergies renouvelables" (EnR) comme le laissent entendre de nombreux médias, dont CNN. Et là, surprise : selon le scénario de base de l'AIE, la Chine avait déjà prévu un taux de 18% pour sa production énergétique non-fossile, dont seulement 3% attribué à l'éolien et au solaire. Le reste étant réparti entre le nucléaire (5,5%), l'énergie hydroélectrique (3%) et le bois (6%) qui, en 2030, alimenteront les énergies de cuisson de 240 millions de Chinois, contribuant ainsi au effets dévastateurs de la pollution intérieure, et cause potentielle de plus d'un demi-million de décès par an.

Tout ceci ressemble aux promesses faites par la Chine, à l'approche des négociations de Copenhague en 2009, de réduire son intensité carbone (émissions de gaz à effet de serre par unité de PIB) de 40% à 45% d'ici 2020. Une déclaration saluée à l'époque comme une percée historique mais qui n'était en réalité qu'une projection des prévisions de l'AIE.

Obama manque de soutien législatif pour tenir ses promesses

D'un autre côté, les objectifs que se donne Washington relèvent d'une réduction réelle et significative. Néanmoins, sans de nouvelles politiques climatiques, les États-Unis ne pourront réduire leurs émissions de carbone que de 11% en 2025 par la révolution du gaz de schiste. De fait, les 16% restants nécessiteront de nouvelles politiques rigoureuses. Il est clair que Barack Obama manque de base législatives pour tenir ses promesses.

Ces promesses nous rappellent la démarche d'Al Gore à Kyoto en 1998 qui s'est soldée par le refus du Sénat américain de ratifier le protocole de Kyoto, à 95 voix contre 0. De fait, l'administration Clinton n'a jamais soumis ce traité à la ratification, et a promis en lieu et place une réduction de 7% pour 2008-2012. Les émissions des États-Unis ont finalement augmenté de 9% durant cette période, soit 16% de plus que les objectifs de départ - ironiquement ce qu'Obama promet à l'heure actuelle.

Des prévisions de réduction de CO2 rarement tenues

Au cours de ces 20 dernières années, les solutions proposées pour lutter contre le réchauffement climatique se sont rapportées principalement à des promesses de réduction d'émissions de CO2 qui se sont rarement matérialisées. Rappelez-vous du cas du Canada qui a promis une réduction de 6% à Kyoto et qui a augmenté finalement ses émissions de 24%.

Il est clair que nous faisons face à un véritable problème climatique mais nous disposons également de moyens pertinents pour le résoudre, à savoir l'augmentation des investissements dans l'innovation verte. Tout le monde, y compris la Chine et l'Inde, opterait pour les énergie renouvelables (EnR) si nous arrivons à faire passer leurs coûts en dessous de ceux des énergies fossiles.

 Investir enfin dans la r & D verte

Les 10 milliards de dollars investis par les Américains dans la recherche sur le gaz de schiste ont été à l'origine d'un basculement massif du charbon vers un gaz plus abordable et moins polluant, une réduction de leurs émissions de carbone d'environ 300 millions de tonnes par an, et d'une augmentation de leur PIB de 200 milliards de dollars. Comparativement l'approche européenne avec le solaire et l'éolien a engendré une réduction des émissions de CO2 de 91 millions de tonnes, pour un coût annuel de 40 milliards de dollars en subventions.

Un investissement annuel de 100 milliards de dollars dans la recherche sur les EnR réduirait significativement les émissions de CO2, à raison de 11 dollars de bénéfices pour 1 dollar dépensé.

Malgré cela, les promesses émises par Washington et Pékin semblent suggérer un remake des stratégies de Kyoto fondées sur des promesses creuses. Kyoto nous a fait perdre 20 années. Si nous n'y prenons pas garde, nous risquons encore une fois de nous retrouver en 2030 avec des promesses non tenues aussi minimes soient-elles. Il est temps pour la planète de prendre le changement climatique au sérieux et de se focaliser sur la R & D verte.

*Bjørn Lomborg est le directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School. Son dernier livre s'intitule: How Much Have Global Problems Cost the World? A Scorecard from 1900 to 2050.

Traduit par Ninah Rahobisoa

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Commentaires 6
à écrit le 26/11/2014 à 9:56
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Désolé, Monsieur, je l'avais dit le jour même, avant vous. C'était un alibi trouvé par la Maison-Blanche auprès de la chancellerie chinois (ils les ont presque implorés!) pour rappeler au médias occidentaux que les EUA faisait partie de ce décor. Le ...

à écrit le 25/11/2014 à 14:24
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"Un investissement annuel de 100 milliards de dollars dans la recherche sur les EnR ..." çà fait beaucoup pour de la recherche ! Et dans les EnR mêmes, ce serait de l'argent gaspillé : plus il y aura de sources intermittentes, plus les coûts annexes...

le 26/11/2014 à 10:34
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Il est clair que cet article prouve, une fois de plus, que certains veulent surfer sur le "green" en se faisant un max de blé. La planète leur importe peu.

à écrit le 25/11/2014 à 12:29
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La Chine. Un pays très apprécié par les multinationales françaises. Je ne parle pas des petites boites. Je parle des gros. Du genre Dassault, EADS ou l'entreprise de l'héritier Gattaz. A l'époque, les patrons on a tout mis la-bas. Pas de syndi...

le 26/11/2014 à 9:57
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Vive la Chine !

à écrit le 25/11/2014 à 11:34
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Chine et USA, belles racailles!

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