Le commerce trans-pacifique penche vers l'Asie

Le récent sommet de l'APEC a attiré l'attention sur le dynamisme économique et commercial de la zone Asie Pacifique. Le réseau des échanges entre pays membres a profondément changé au cours des 15 dernières années, le centre de gravité s'étant déplacé vers le versant asiatique.Par Françoise Lemoine, conseiller au CEPII
Le président chinois Xi Jinping et le premier ministre australien Tony Abbott

Le récent sommet de l'APEC (Asia Pacific Economic Cooperation) à Pékin a attiré l'attention sur le dynamisme économique et commercial de la zone Asie Pacifique et les diverses initiatives pour promouvoir l'intégration régionale[1].

L'APEC est un vaste ensemble économique de 21 pays riverains du Pacifique, constitués à partir de 1989 en un forum inter-gouvernemental qui fonctionne sur la base d'accords non contraignants. C'est donc une organisation assez lâche sur le plan institutionnel, mais les interdépendances commerciales entre les pays membres sont fortes, car trois poids lourds structurent le commerce au sein du groupe : les États-Unis, le Japon et la Chine font à eux trois la moitié du commerce au sein de l'APEC. Le commerce à l'intérieur du groupe représente les 2/3 du commerce total des 21 pays membres. Tous les pays réalisent plus de 60 % de leurs échanges au sein du groupe, seule la Russie fait exception.

Le centre de gravité se déplace vers l'Asie

Le réseau des échanges entre les pays membres a profondément changé au cours des 15 dernières années. Le centre de gravité du commerce intra-régional s'est clairement déplacé vers l'Asie.

Le commerce entre les pays asiatiques a pris une place croissante (passant de 31 % à 41 % du total intra-régional entre 2000 et 2012), alors que le commerce entre pays de la façade américaine a reculé (de 31 % à 21 %). Globalement les échanges entre les deux rives du pacifique (américaine et asiatique) ont perdu du terrain.

Le recul relatif des Etats-Unis

Ce basculement s'explique par le relatif recul des États-Unis dont le poids, encore prépondérant en 2000, a beaucoup diminué, passant de 22 % à 15 % des exportations intra-régionales et de 38 % à 26 % des importations ; et par l'avancée de la Chine, initialement peu présente, qui est devenue le premier exportateur dans la zone (22 % du total).

La progression chinoise s'est faite pour l'essentiel avec les pays asiatiques, mais elle a marqué aussi les échanges de tous les autres pays membres. La Chine est devenue le premier marché d'exportation du Pérou et du Chili, et le premier partenaire commercial de l'Australie (elle reçoit plus du quart de ses exportations et lui fournit 16 % de ses importations).

Le poids de la Chine

Ce recentrage des échanges de l'APEC sur la Chine a eu deux ressorts : avec les pays d'Asie, la segmentation internationale des chaînes de production ; avec des pays comme l'Australie, le Chili ou la Russie, les besoins en énergie et matières premières créés par la très forte croissance économique de la Chine[2]. L'un comme l'autre sont actuellement mis à mal par des facteurs à la fois cycliques et structurels[3] : l'affaiblissement de la demande globale, la relative contraction des chaînes internationales de production, et le ralentissement de la croissance chinoise[4].

Les initiatives prises par la Chine pour faire avancer le libre-échange dans la zone et créer une banque asiatique d'investissement dans les infrastructures ont le double but de faire pièce à l'influence américaine et d'élargir les bases de ses relations économiques et commerciales avec ses partenaires. En dépit de son rôle moteur dans les échanges commerciaux, la Chine reste encore loin derrière les États-Unis par la capacité d'absorption de son marché pour les produits manufacturés de la zone et par l'innovation technologique.

 Retrouvez plus d'information sur le blog du CEPII.

 [1] Michel Fouquin « La difficile intégration régionale en Asie. Billet du 13 novembre 2014

[2] Françoise Lemoine, Deniz Ünal:" Scanning the Ups and Downs of China's Trade Imbalances". CEPII Working Paper", N°2012-14, juin 2012.

Françoise Lemoine, Deniz Ünal : « Rééquilibrage du commerce extérieur chinois ». La Lettre du CEPII, N°320, mai 2012

[3] Cristina Constantinescu, Aaditya Mattoo, and Michele Ruta : "Slow Trade. Part of the global trade slowdown has been driven by structural, not cyclical factors". Finance & Development December 2014.

[4] Françoise Lemoine, Deniz Ünal, Sandra Poncet : « La mutation du commerce extérieur chinois ». Document de travail du CEPII, à paraître.

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Commentaires 3
à écrit le 27/11/2014 à 14:39
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La plus grande menace après Poutine c'est la Chine. Depuis 2001, le Pentagone prévoyait de se trouver en capacité de guerre avec la Chine aux environs de 2015. Cependant, le transfert des troupes du golfe et d’Europe vers l’Extrême-Orient a été consi...

le 28/11/2014 à 10:30
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Désolé, mais votre théorie s'aligne avec celle des sénateurs "néocons" américains qui rêvent d'une dispute entre la Chine et la Russie pour que leurs USA fassent main basse dans ces deux pays. L'alliance Chine-Russie est de loin plus stable et plus t...

à écrit le 27/11/2014 à 12:09
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Vous allez voir, demain, surtout après l'inévitable disparition du pétrodollar, l'Europe va se retrouver isolée de ce marché euroasiatique et pacifique et alors là on va regretter d'avoir crée une bisbille stupide avec la Russie, la Chine....

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