BCE : le compte à rebours est lancé

La BCE, qui était censée contenir la hausse de son bilan, doit désormais éviter sa réduction. Par Marc Berry, consultant

La BCE n'a pas surpris la semaine dernière en conservant le statu quo. Pour le moment, l'impact de ses opérations monétaires s'annonce limité et le remboursement à venir des LTRO's (début 2015) menace de réduire fortement son bilan.

Nouveau changement de paradigme pour la BCE

Il apparaît comme évident que les opérations non conventionnelles lancées par la BCE ces derniers mois n'avaient pas pour objectif une augmentation de la taille de son bilan, mais visaient davantage à soutenir son niveau actuel. Les vagues de remboursement des VLTRO's (qui arrivent à maturité) en janvier et février 2015, menacent de faire " maigrir " le bilan de la BCE de quelque 400 milliards d'euros. La Banque centrale est pleinement consciente que les droits de tirage des banques aux TLTRO, au même titre que les tombées de dettes périphériques et les LTRO's " 3 mois " ne suffiront pas à compenser le vide laissé à son bilan. Le compte à rebours est donc lancé pour une BCE qui craint désormais un "netting" négatif entre ces différentes opérations. Cela pourrait avoir un impact négatif sur le volume de liquidité disponible en zone euro, notamment pour les banques de la périphérie. Derrière ce constat, il est bon de souligner que la BCE fait une nouvelle fois face à un changement de paradigme : alors qu'elle se devait, à l'origine, de contenir la hausse de son bilan, la voici désormais à lutter contre sa réduction.
Ce n'est pas la première fois que la BCE se retrouve " piégée " de la sorte. Déjà, en début d'année, elle avait dû amorcer un virage à 180 degrés sur la question du niveau d'inflation. Jusqu'à présent attelée à combattre avec rigueur le niveau des prix, elle s'était résolue (tardivement) à lutter contre la chute des pressions inflationnistes.

Covered Bonds, TLTRO, ABS, des effets extrêmement limités

On peut d'ores et déjà chiffrer, trois mois après leurs lancements, le montant des liquidités injectées par les différentes opérations de refinancement. Il faudra néanmoins attendre encore un an et la fin des programmes, pour en mesurer les véritables effets. Au total, entre le 3e programme d'achat de Covered bonds démarré durant le mois d'octobre (17,8 milliards) et le premier TLTRO (82,6 milliards), pas loin de 100 milliards d'euros ont été injectés. Enfin, le programme de rachats d'ABS, démarré le 28 novembre (et censé s'étaler sur deux ans, à l'instar du CBPP3), totalise quant à lui, un montant de 368 millions d'euros. Là encore, il faudra patienter pour en mesurer les effets, d'autant que ce marché au regard de l'évolution de la réglementation est amené à changer.
Comme prévu, les TLTRO's ont souffert de la concurrence des LTRO's 3 mois. Assorties de taux légèrement inférieurs à ceux des TLTRO's (dix points de base), ces opérations auront permis aux banques de se refinancer à hauteur de 40 milliards au cours du dernier trimestre. Les observateurs s'attendent désormais à ce que les banques utilisent leurs droits de tirages pour un montant compris entre 100 à 150 milliards d'euros lors du second TLTRO, le 11 décembre prochain. En fin de compte, sur les 400 milliards attendus, le montant total de ces deux premières salves de TLTRO a peu de chances de dépasser les 250 milliards d'euros.
Quoi qu'il en soit, ces opérations de refinancement " ciblées " censées agir sur le volume de la liquidité resteront, une fois de plus, confinées à certains étages de l'architecture monétaire. Par conséquent, il y a peu de chances qu'elles viennent en soutien à l'économie réelle.

Une BCE qui entretient le flou

Il faut souligner le double langage qui revient de façon récurrente dans le discours de Mario Draghi. Le banquier central, qui n'hésite pas à marteler que le niveau du bilan de mars 2012 reste " l'objectif " à atteindre, ne manque jamais une occasion de rappeler que les achats d'ABS et de Covered bonds sont également des opérations destinées à stimuler l'expansion de ces marchés (credit easing). Des marchés qui restent peu profonds en zone euro, notamment concernant les titres adossés à des actifs (ABS).
Mario Draghi sait qu'il doit à tout prix trouver une alternative à l'intermédiation bancaire et surtout désincarcérer la BCE de l'institutionnalisation du financement des banques dans laquelle elle se retrouve prise au piège. En outre, la fragmentation du financement de l'économie perdure en zone euro. Les PME de la périphérie (Espagne, Italie) continuent de se refinancer à des taux très nettement supérieurs à ceux des pays "core". À ce titre, le resserrement des spreads et l'amélioration des conditions d'octroi de crédit demeurent parmi les objectifs de la BCE. En définitive, entre augmenter significativement la taille de son bilan et dynamiser le processus de désintermédiation bancaire en Europe, on ne sait toujours pas, quelle est la véritable priorité de la Banque centrale. Face à des marchés de moins en moins patients, la BCE continue d'entretenir le flou dans le but de gagner du temps.

Mario Draghi douche les attentes des marchés

Il était vain de penser que la Banque centrale céderait au chantage des marchés financiers. Des marchés qui semblaient déjà avoir " pricé " toute nouvelle annonce de QE souverain. Dans les faits, la BCE n'a tout simplement pas les moyens légaux de réaliser un assouplissement quantitatif de dettes souveraines et ce, même si Mario Draghi s'entête à juger " compatible " le rachat de dettes d'État avec son mandat. À ce titre, le banquier central a également tenu à rappeler, jeudi dernier, la différence entre le programme OMT et le QE de dettes souveraines. Selon lui, l'Outright Monetary Transactions visait avant tout à stopper le risque d'explosion de la zone survenue en 2012. Il s'agissait à l'époque pour la Banque centrale de répondre aux marchés par une action " crédible ", afin de mettre un terme à la crise de confiance qui sévissait dans les pays périphériques. L'assouplissement quantitatif, quant à lui, est davantage décrit comme une opération de politique monétaire liée à des problématiques de faible inflation et de modification - ici une augmentation - de la taille du bilan de la BCE. Comprendra qui pourra.

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