Les conséquences globales de la crise du rouble

C'est une décision aberrante de la banque centrale russe qui a déclenché une véritable crise systémique pour le pays. par Gérard Vespierre, consultant

Quand une crise survient, elle offre à l'analyse une occasion unique de retracer les conditions, les mécanismes, le timing, par lesquels elle est survenue. Mais pas seulement cela.

Le décorticage d'un processus représente également une exceptionnelle occasion de découvrir des raisons fines, et parfois primordiales qui ont contribué à cette situation. La Russie en ce mois de décembre est entrée dans une crise monétaire et économique qui, précisément depuis le 11, connaît une phase nouvelle, que je n'hésiterai pas à qualifier de systémique. Pourquoi ?

Le taux de change du Rouble, face au dollar et à l'euro est entré depuis ce « Jeudi noir » avec une accélération forte de sa chute, dans une troisième phase. Que s'était-il passé jusque-là, et depuis quand devons-nous commercer l'observation ?

 La crise ukrainienne, première phase

 La valeur du Rouble est restée fort stable dans la fourchette des 35 à 40 Roubles pour un Euro depuis le début de l'année...2005. Remarquable stabilité donc. Les premières vibrations du sismographe monétaire sont apparues au milieu de l'an dernier, juillet 2013 quand Moscou a commencé à élever le ton devant les accords que l'Ukraine envisageait et se préparait à signer avec l'Union Européenne à la fin de l'année 2013.

Il convenait pour Kiev de « sérieusement réfléchir » disait Moscou... début de pressions à peine voilée, mais le Rouble a commencé à bouger et franchit les 44 Roubles pour un euro au mois d'Août. La fin de l'année avec les évènements de Maïdan, et la fuite du Président ukrainien à Moscou vont rapprocher la monnaie russe des 50 Roubles vis-à-vis de la monnaie européenne. La devise russe restera dans cette fourchette des 45-50 Roubles pour un Euro jusqu'à mi-septembre 2014 terminant là cette première phase de dévaluation liée à la crise ukrainienne, et ne connaissant donc pas de chute liée... aux sanctions économiques américaines et européennes.

Ces sanctions sont en effet très ciblées, visant des personnes dans leur circulation et leurs avoirs, ainsi que l'accès au marché des capitaux pour un certain nombre de sociétés. Mesures très ciblées et donc non systémique, ne provoquant donc pas directement d'effets monétaires globaux, négatifs, impliquant valeur du rouble. Sanctions économiques, mais non pas monétaires. La première phase de la baisse du rouble se terminait, la seconde pouvait commencer.

 La chute du prix du pétrole, deuxième phase

 La deuxième phase de la dévaluation allait commencer avec la baisse continue du prix du baril de pétrole dont la Russie produit 10 millions de barils par jour, premier contributeur des exportations et des rentrées fiscales russes.

Le rouble allait connaître le sort du baril et suivre parfaitement sa pente négative. En octobre le baril perdait 10%, et le rouble 8%, en Novembre, 14% pour la baisse du pétrole, et 15% pour la baisse de la monnaie russe.

En décembre, jusqu'au 11,  nous restons dans la spirale baissière du pétrole qui dévisse de 12% sur ces 10 premiers jours du mois, et le rouble de..11%... Pourquoi s'arrêter au 11 Décembre ? Que s'est-il passé ce jour-là ? La banque centrale russe qui avait cessé ses interventions le 5 Novembre, a décidé d'intervenir pour relever son taux directeur de ...1%.... !! en le haussant de 9,5 à 10,5%.... Décision totalement marginale, intervention à minima ne répondant pas à l'ampleur du problème. La sanction va être immédiate... le rouble va s'écrouler en 4 jours de ...12%.... ! Si l'on prend la valeur du rouble face à l'euro au 1er janvier 2014, soit 45 roubles, et celle au 15 Décembre à 78 roubles, la monnaie russe a perdu cette année .... 42% de sa valeur... !!

Ce mardi, il fallait jusqu'à 100 roubles pour un euro, soit une division par deux de sa valeur par rapport au premier janvier!

 La troisième phase, crise systémique

 Le cumul de la décision aberrante du 11 décembre, et du niveau de dépréciation a fait basculer la chute du rouble dans une troisième phase, la phase systémique, celle où la crise...nourrit la crise....où la réalité disparaît devant la psychologie et la peur, qui pénètre l'ensemble du système économique.

Cette incroyable bourrasque qui va mettre à mal l'économie russe pour l'année à venir, voire beaucoup plus, appelait nécessairement d'autres décisions monétaires. C'est pourquoi ce 15 décembre à ...23h00... la Banque Centrale Russe a décidé de porter son taux directeur à .... 17%.... !

Cette situation que nul n'avait envisagée, va faire connaître à la Russie une crise économique conséquence de la crise monétaire, elle-même conséquence de la baisse impressionnante du cours du pétrole. La Russie a importé en 2013 pour plus de 300 milliards de dollar de produits agricoles et de produits manufacturés. Elle exportait autant en produits pétroliers, sauf que la baisse du prix du baril va maintenant réduire cette recette de ... 40%...

 Les conséquences de la crise seront globales

 Nul doute que les arbitrages, de nature essentiellement politiques,  qui ont été rendus jusqu'à présent par le Kremlin dans la crise ukrainienne, vont désormais devoir tenir compte du désordre économique et monétaire qui frappe de façon violente la Russie. Comment aider la Crimée et le Donbass avec un rouble qui a perdu plus de 70% de sa valeur ?  Le pouvoir politique a dicté ses choix à ses oligarques. Mais les mécanismes économiques vont amener ces derniers à s'exprimer vis-à-vis de la politique du Kremlin....L'inflation 2014 et celle de 2015 sera au-dessus de 10%.... la population russe aura également un tribut à payer..... d'appauvrissement pendant quelques années....

 Profond retournement de situation en quelques semaines, où le triptyque du pacte russe avec son pouvoir  politique, grandeur, économie, et liberté pourrait prêter à quelques échanges et discussions....

 La décision monétaire de cette nuit le prouve... Alerte rouge à Moscou...

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Commentaires 30
à écrit le 18/12/2014 à 10:59
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A mon avis, Poutine s'en tape. Sa réorganisation de circuits commerciaux avec le reste du monde (Chine, Amérique du sud...) va prendre un peu de temps et donc il y a une certaine fragilité pour l'instant. Mais vu le potentiel de ressources de la Russ...

à écrit le 17/12/2014 à 18:31
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Je pense que si le "rouble" a été dévalué les U S A y sont pour beaucoup .Quand a la baisse des produits pétroliers les pays producteurs ont décidé ou est ce que l'on a fait plonger les cours pour affaiblir la RUSSIE .guerre froide a prévoir.

le 17/12/2014 à 22:41
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La russie va cultiver la pomme de terre en masse, importer de la main d'oeuvre chinoise et indienne ainsi que de la main d'ouvre de la cei, la russie est la seule à la pointe de la technologie spatiale et militaire et possède des armes de 6ème généra...

à écrit le 17/12/2014 à 17:44
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Il faut vraiment en tenir une solide pour ne fût-ce qu'évoquer un défaut russe ! Pour rappel, la dette de la Russie plafonne à... 13,5% de son PIB contre 93,5% pour la France, et 245% pour le Japon ! Comment un pays ayant une dette quasi nulle et qui...

à écrit le 17/12/2014 à 16:19
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une analyse complétement dénuée d'empathie... on dirait qu'il a l'air satisfait.

à écrit le 17/12/2014 à 15:03
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bien avant la chute du pétrole ou la crise ukrainienne. Le prix du pétrole/gaz cachait la misère, le nouveau prix ne fait que la révéler au grand jour. Une économie qui ne reposait que sur du vent. Mais l'avenir pourrait nous montrer que la Russie n'...

le 17/12/2014 à 18:59
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C est quand la mer se retire au on voit ceux qui se baignaient à poil...

le 30/12/2014 à 9:23
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Je suis tout à fai daccord avec vous. Une pretendue granfe puissance qui na que du pétrole et gaz; les usa aussi en ont. Ils sont incapable de nourrir leur population et ils ont le plus vaste territoire, ce qui plus pitoyable dans tout ça ce qu' ils ...

à écrit le 17/12/2014 à 11:14
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Le premier frémissement n'est pas du au début de la crise ukrainienne comme énoncé, mais au resserrement des taux directeurs US qui ont affecté les devises de tous les BRICS, par diminution des investissements dans les pays "a risque".

à écrit le 17/12/2014 à 4:40
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Tout les pays qui ne compte que sur leur pétrole vont souffrir ou ont déjà commencé, exemple le Venezuela , le Brésil ,l’Algérie et certain de l'Afrique.

le 17/12/2014 à 12:56
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et à priori , l'exploitation du pétrole de schiste va souffrir , ainsi que tous ceux qui ont investi massivement dans cette industrie. ça va secouer un peu partout.

à écrit le 16/12/2014 à 23:14
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Les titres de journaux parlent : 13-03 (l’express belge) : Pour la première fois depuis 24 ans, les Etats Unis organisent une vente test de pétrole provenant de leurs réserves stratégiques ; 27-03 (bloomberg) : To Punish Russia, Soros Says U.S. Sho...

le 17/12/2014 à 11:01
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d'après les titres des journaux que vous indiquez, on dirait plus une "guerre" entre OPEP et Etats unis sur le pétrole de schiste avec la Russie comme victime collatérale. Et d'ailleurs le titre du 12-12 tend à prouver que les Etats Unis ne vendent ...

à écrit le 16/12/2014 à 21:58
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Intéressant.... combien de fois a t il été dit que les USA tirent les ficelles?? pas mal hein?? la suprématie américaine trébuche, semble t il...

à écrit le 16/12/2014 à 21:58
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Intéressant.... combien de fois a t il été dit que les USA tirent les ficelles?? pas mal hein?? la suprématie américaine trébuche, semble t il...

à écrit le 16/12/2014 à 21:44
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rrrr

à écrit le 16/12/2014 à 20:21
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Poutine a choisi de tout miser sur les matières premières, en particulier le pétrole, plutôt que sur la recherche, le progrès technique, menant aux produits transformés et industriels, aux services, plus diversifiés. Résultat : les chercheurs Russes ...

le 17/12/2014 à 13:01
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les fusées américaines ne pouvaient fonctionner qu'avec des moteurs russes ( voir dernier échec de ravitaillement de l'ISS ), pas mal avec un niveau technique bas. le problème des russes est d'avoir trop longtemps compté sur le pétrole, ils n'ont pa...

à écrit le 16/12/2014 à 18:24
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Connaissez vous Henri Kissinger ? la finlandisation de l' ukraine, le contrôle du pétrôle, la chute de l' union soviétique et........ si vous n' entendez pas les tambours de la guerre c' est que vous êtes sourd ! relisez Henri Kissinger, tout est ded...

à écrit le 16/12/2014 à 18:15
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Sur le site des échos si regarde l’évolution du taux de chômage en Russie. Il était de 8,4% en 2009, contre 5,5% en 2013 et 5,6% en 2014. Par comparaison il était de 12,3% en Grèce en 2009, contre 27,3% fin 2013 et 25,9% aujourd’hui. La Russie con...

le 17/12/2014 à 10:29
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@Ata: Globalement vous avez raison, mais je dois remarquer que le taux de chômage en Russie n'est pas un paramètre si important qu'en Occident. Peu de garanties sociales, surtout au niveau d'allocations de niveau ridicule, le salaire minimum ridicule...

à écrit le 16/12/2014 à 17:47
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Super un rouble très bas! je vais pouvoir dépenser mon fric en Russie. Quel attendrissement sur les difficultés insurmontables pour ce pays.C'est pas comme chez nous qui sommes un pays serein: En super crise depuis le clash des 'subprimes' au bord d...

le 16/12/2014 à 18:11
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De quoi parlez-vous ? La presse française est la plus pessimiste au monde, et le peuple français adepte de l'auto-flagellation en permanence. Vous ne faites que répétez ce que l'on entend à longueur de temps. S'il manque d'information chez nous, c'es...

le 16/12/2014 à 22:01
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si tu avais vraiment de fric pour dépenser en Russie tu ne serais pas en train d'écrire des commentaires plutôt bidon dans un site sans grand intérêt journalistique, tu ne trouves pas ? :-)

le 16/12/2014 à 22:11
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Est-ce qu’à votre avis peut-on vraiment comparer des économiques comme celles de l’Europe occidentale à celle d’un pays qui dispose des plus grandes réserves naturelles au monde ? Et qui dilapide cette rente naturelle démesurée - qui pourrait assurer...

à écrit le 16/12/2014 à 17:43
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C'est bizarre, l'analyse est facile quand c'est chez les Russes. Par contre la crise dans les pays occidentaux, pas vu pas pris !

le 16/12/2014 à 18:58
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Excellemment bien vu, Candide. Doit y avoir une question de poutre et de paille comme semblant de début de projet d'explication...

à écrit le 16/12/2014 à 17:13
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Dites donc mon ami..., il ne semble pas que les Krachs successifs qui ont lieu un peu partout dans le monde depuis plusieurs mois aient attendu les Russes pour se propager. Vous refaites le coup du bouc émissaire, un classique dans ce genre de crise ...

le 16/12/2014 à 18:06
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Je pense que nous n'avons pas lu le même article. Celui-ci décrit un mécanisme de crise en Russie. Il ne parle pas de bouc émissaire, ni de la crise dans les autres pays. Qu'est-ce qui justifie ce commentaire étrange ?

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