Economie mondiale : un triple excédent

Le discours sur l'économie fait souvent référence à des déficits. En ce début 2015, le mouvement de l'économie mondiale est caractérisé par un triple excédent: épargne, pétrole, et liquidités. Par Joachim Fels, Chief Global Economist à la banque Morgan Stanley

Les perspectives de l'économie mondiale et des marchés financiers sont largement tributaires de trois facteurs - l'épargne, le pétrole et les liquidités - dont la surabondance se fait sentir à l'échelle planétaire.

L'excédent d'épargne explique à la fois le manque de dynamisme dont souffre l'économie mondiale depuis de nombreuses années, le niveau d'inflation bien inférieur aux objectifs des banques centrales et la faiblesse record des rendements sur les marchés de capitaux.

Les raisons pour lesquelles les particuliers, les entreprises et les gouvernements épargnent davantage qu'ils n'investissent ne manquent pas. Nombre de ménages et d'États, lourdement endettés, sont contraints de limiter leurs dépenses. Les citoyens des pays riches préfèrent - ou doivent - économiser en vue de financer l'allongement de la durée de la retraite et de faire face aux risques qui y sont associés en termes de santé et de dépendance. L'accroissement des inégalités en matière de revenus et de patrimoine entraîne en outre une hausse des taux d'épargne dans la mesure où les plus fortunés mettent généralement de côté une part plus importante de leurs revenus (ou sont du moins en mesure de le faire). De plus, de nombreuses économies développées investissent à l'étranger leur excédent d'épargne, en quête d'opportunités d'investissement sûres.

Beaucoup d'épargne, et peu d'investissements

Dans le monde entier, la faiblesse des investissements publics et privés réduit dans le même temps la demande de capital. Le secteur industriel pâtit de surcapacités massives, après le précédent boom des investissements en Chine et dans d'autres pays émergents. La part des services dans l'économie s'accroît continuellement, mais les services sont moins gourmands en capitaux et nécessitent moins d'investissements. Par ailleurs, à quoi bon investir alors que les technologies (développement de nouvelles applications électroniques et autres innovations) évoluent si vite que les équipements achetés risquent de devenir rapidement obsolètes ?

L'atonie de la consommation et de la demande d'investissements qui accompagne le surplus d'épargne pèse non seulement sur la croissance cyclique, mais aussi sur la production potentielle via la persistance d'un chômage élevé et le ralentissement de la constitution du stock de capital. Par conséquent, il n'est guère surprenant que les taux d'intérêt soient si bas. Les banques centrales n'y sont pour rien : la faute en revient aux épargnants eux-mêmes.

Une surabondance actuelle de pétrole bienvenue...

En revanche, la surabondance actuelle de pétrole est tout à fait bienvenue en ce qu'elle atténue provisoirement l'impact négatif de l'excédent d'épargne. La baisse des cours de l'or noir donne lieu à un transfert de revenus depuis les pays producteurs, qui thésaurisent, vers les consommateurs, qui ont davantage tendance à dépenser. Il s'ensuit un accroissement à court terme de la demande.

Et toujours plus liquidités

Cependant, la chute des prix du pétrole aura également pour effet d'alerter les banques centrales car les taux d'inflation, déjà trop faibles, diminueront encore, ce qui pourrait causer un nouveau dérapage des anticipations d'inflation à moyen terme. Dans ce contexte, les investisseurs devraient se préparer à une surabondance accrue de liquidités qui conduira à une nouvelle hausse des prix de nombreux placements financiers. Ceux qui n'ont pas assuré leurs arrières feraient bien d'y songer.

Joachim Fels, Chef économiste, Morgan Stanley

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