Merkel, la Grèce et l'euro : les dégâts du dogmatisme

La sortie de la Grèce de la zone euro, qu'Angela Merkel ne voit plus comme un problème serait une erreur tragique. par Olivier Passet, Xerfi
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

Pour Angela Merkel, la sortie de la Grèce de l'euro ne serait pas un problème. Pour Hans-Werner Sinn, le patron de l'IFO, ce serait même la solution. Laisser croire que l'on sauvera l'euro par amputation, en éliminant le problème grec, pour mater les rébellions du Sud est un jeu qui pourrait pourtant s'avérer très coûteux pour la zone euro.

Sur le papier, certes, le risque financier d'une sortie doublée d'un défaut de la Grèce semble circonscrit. Plus des 3/4 de la dette grecque a été mis en quarantaine entre les mains de créanciers publics (Etats, Fonds européen de stabilité financière, Banque centrale, FMI). Les risques de déstabilisation systémique des banques seraient donc limités.  Le coût pour les Etats de la zone d'une mutualisation des pertes serait lui-même contenu : 2,5 à 3 points de la dette publique supplémentaire en France ou en Allemagne.

Double peine pour la Grèce

Pour la Grèce, ce serait en revanche la double peine.  Celle d'une politique d'ajustement qui lui a déjà coûté plus d'un quart de son PIB, plus un risque extrêmement élevé de faillite de son système bancaire et credit crunch pour les agents privés et de défaut sur sa dette privée. L'équilibre primaire obtenu à grand peine en 2014 n'y survirait pas.
Se limiter à cette analyse est cependant dangereux. C'est d'abord nier l'échec partiel des stratégies de sortie de crise et surtout ne rien faire pour y remédier en s'enfermant dans un dogmatisme aveugle.

Les estimations surestimées de l'aide à  la Grèce

Comment comprendre qu'un pays qui aurait soi-disant bénéficié de 360 milliards d'aide en 4 ans, deux fois son PIB, ait pu voir sa richesse diminuer d'un quart?. La Grèce a certes bénéficié de 226,5 milliards de prêts des institutions publiques en plus de 100 milliards de décote et de ses dettes en 2011 et de 28,1 milliards d'aide à venir du FESF et du FMI d'ici février,  si les conditions sont réunies. Compte tenu des moratoires divers et temporaires sur les remboursements et les intérêts, la Commission assimile cela à une aide.

Mais qu'en est-il du côté grec. Il ne s'agit pas d'argent frais. 70% des fonds ont servi à honorer le service de la dette existante et 19% à recapitaliser les banques. 1/ Les aides n'irriguent pas l'économie réelle 2/ Elles protègent avant tout les créanciers de la Grèce dans une sorte de jeu à la Ponzi 3/ Elles imposent des conditions encore plus pénalisante que celle d'une sortie de l'euro en 2012 : la Grèce doit s'autofinancer et pressuriser sa population comme dans le cas où elle aurait fait défaut mais elle n'est pas libérée à terme de ses obligations de remboursement et ne bénéficie pas d'une flexibilité du change.

Résultat,  le potentiel de croissance grec est tellement affaibli que la Grèce ne réunit toujours pas les conditions d'une solvabilité à long terme. Cet échec de la Troïka et l'aveuglement qui l'accompagne rappelle que la zone euro ne pourra jamais fonctionner sans transferts inter-régionaux. Et que le blocage allemand conduit toute la zone dans l'impasse.

 Détruire toute la confiance autour de l'euro

Prétendre ensuite sauver l'euro en évacuant le problème grec, c'est détruire toute la confiance bâtie à grand peine autour de la devise européenne et décrédibiliser des institutions bâties autour d'elle. Ce signal crée un énorme stress autour d'un risque de contagion à l'Espagne ou à l'Italie. Les travaux historiques montrent qu'il est quasiment impossible de maintenir une union monétaire lorsque le processus de décomposition a commencé. On ne peut que s'interroger au final sur le désir plus profond de l'Allemagne de sortir elle-même du jeu.

C'est enfin attiser la crise démocratique européenne. D'ingérences, en chantages et soutien à des partis népotiques au lourd bilan, les institutions européennes compromettent leur légitimité et attisent jour après jour les risques socio-politiques.

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Commentaires 24
à écrit le 22/01/2015 à 11:58
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D'un côté l'Allemagne fait des manifestation pour l'intégration, de l'autre côté on veut chasser le vilain petit canard de la maison Europe. Tout ça maintenant que les banques allemandes (et françaises) se sont largement désengagées en grèce. Que fe...

à écrit le 16/01/2015 à 7:41
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A 70% pour honorer le service de la dette ? Quand on en est a ce genre de fumisterie (300 milliards , 70%, c'est TOUS les interets privés et publics grecs) c'est qu'on a deja la conclusion (Merkel Kro Vilaine) et que l'on cherche n'importe quel pi...

le 18/01/2015 à 0:06
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C'est une réalité 70% de l" aide a la Grèce" a servit a rembourser la finance ! Vitupérer ce malheureux ne changera rien a la réalité ! Les faits sont têtus !

à écrit le 15/01/2015 à 16:49
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Vous oubliez de dire que les greques Sont très riches . Preuve : visiter leur coffre fort alla casa

le 16/01/2015 à 7:27
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eh oui !

à écrit le 15/01/2015 à 16:12
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Cette Europe est une bizarrerie… on nous rabat les oreilles avec Maastriche, on ne l’applique pas ! On fait un traité Lisbonne : l’Europe première zone de compétitivité au monde, 75% de population active, 3% de budget en r&d… on fait l’inverse ! A qu...

le 15/01/2015 à 16:33
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tout ça c'est la faute de l'Europe, n'est-ce pas madame Michu ?

le 18/01/2015 à 0:07
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Vous voyez un autre coupable ?

à écrit le 15/01/2015 à 15:57
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« la zone euro ne pourra jamais fonctionner sans transferts inter-régionaux ». Non, la zone euro ne pourra jamais fonctionner sans transferts inter-PAYS. C'est toute la différence et c'est une des raisons principales pour laquelle l'euro ne peut surv...

le 15/01/2015 à 16:18
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Tu chipotes mec! Je penses que dans l'esprit de cet économiste inter-régionaux veut dire inter-pays. Un transfert des pays riches vers les pays pauvres. Le problème c'est de définir la notion ne richesse. L'Etat grec est très endetté mais la popul...

à écrit le 15/01/2015 à 15:55
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Affligeant d'entendre des soit disant pro-européens se complaire dans de la germanophobie digne des années 1910. L'Allemagne ne veut pas d'une Europe des transferts mais elles n'est pas isolée. Les Pays-Bas, la Belgique, l'Autriche, la Finlande, l...

à écrit le 15/01/2015 à 14:23
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Ce serait un renforcement de la crise de la démocratie ? Mais elle est la démocratie quand l'Europe bafoue le vote des peuples, que les membres de la commission européenne s'enlisent entre eux, comme dans le politburo soviétique, que le parlement Eur...

à écrit le 15/01/2015 à 13:58
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Le brave scribe du Xerti ecrit: "Double peine pour la Grèce Pour la Grèce, ce serait en revanche la double peine. Celle d'une politique d'ajustement qui lui a déjà coûté plus d'un quart de son PIB, plus un risque extrêm...

le 16/01/2015 à 12:19
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Vous oubliez les conducteurs de train dont certains gagnaient plus de 10.000€/mois... Et curieusement, le gouvernement grec n'arrivait pas à privatiser sa SNCF... c'est sûr qu'avec ces niveaux de salaire, c'était pas facile d'attirer les investisseu...

à écrit le 15/01/2015 à 13:27
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Oui, mais l'objectif de l'Allemagne n'a-t-il pas toujours été de détruire le tissu économique de ses "ennemis" pour s'assurer de régner en pays maître des autres nations ? L'euro, l'Allemagne s'en tape, elle reviendra à son mark qui sera alors une de...

le 15/01/2015 à 14:39
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Vous dites n'importe quoi !

le 15/01/2015 à 17:26
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@Yves: alors beaucoup d'historiens de renom disent n'importe quoi :-) et on leur a demandé à tort des indemnités de guerre...raison pour laquelle ils ne les ont jamais payé (ou très peu) je suppose :-)

le 15/01/2015 à 18:09
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très bon commentaire, il faut boycotter les produits allemands dès que c'est possible!!

le 15/01/2015 à 18:29
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les allemands regardent ce qu'ils ont dans l'assiette, reluquer l'assiette des autres c'est bon pour des socialistes de francais les allemands ne sont en concurrence ni avec les grecs les espagnols ou les francais sur bcp de points.... leur ppal con...

le 15/01/2015 à 23:14
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Renault ne fabrique pas de voiture en Roumanie c'est Dacia, mais Audi fabrique en Hongrie par exemple... le point commun entre les japonais et les allemands est leur faible démographie, c'est tout!

à écrit le 15/01/2015 à 12:12
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La Grèce subirait 25% de salaire en moins à 800 de moyenne... ne devrait-on pas éviter ces politiques calamiteuses en Europe de démolition de l'économie. On entend dire effacement des dettes, la factures pour les allemands serait de 75 milliards et ...

le 15/01/2015 à 16:01
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"ne devrait-on pas éviter ces politiques calamiteuses en Europe de démolition de l'économie." : cette démolition, l'europe l'appel 'réforme'. C'est important la dialectique... "La baisse de monnaie est une escroquerie de plus au pouvoir d'achat!" : t...

à écrit le 15/01/2015 à 11:57
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citation : "les institutions européennes compromettent leur légitimité" - Elles n'ont pas reçu la légitimité du Référendum Français, donc l’Europe d'aujourd'hui n'a aucune légitimité à compromettre. Tous les risques énoncés par les opposants au référ...

le 15/01/2015 à 16:00
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Tout à fait. Ils n'en aucune ! Rappelons-nous du référendum de 2005 bafoué par le traité de Lisbonne (et donc l'UMP, le PS, le centre et les Verts).

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